Marguerite, une coproduction franco-tchèque à succès

'Marguerite'

Quand Radio Prague l’a rencontré en septembre dernier, Artemio Benki, coproducteur tchèque du film « Marguerite », était persuadé que son interprète principale, Catherine Frot, remporterait un César pour cette composition d’une artiste lyrique ratée. Il avait vu juste et la réalité a peut-être dépassé ses attentes puisque le long-métrage, réalisé par Xavier Gianolli et tourné en République tchèque, a également reçu les statuettes récompensant les meilleurs décors, pour le Tchèque Martin Kurel (cf. les Faits & événements de lundi), les meilleurs costumes et le meilleur son ! Après la cérémonie des Césars, vendredi dernier, notre correspondante à Paris, Kateřina Srbková, a recueilli les impressions d’Artemio Benki, les impressions d’un homme pour le moins satisfait.

Artemio Benki,  photo: Marie Frajtová / Artcam
Qu’est-ce que cela fait à un producteur français qui vit à Prague de participer à la cérémonie des Césars à Paris ?

« C’est comme un rêve d’enfant. Je suis français ou d’origine française et forcément les Césars, c’est un rêve d’enfant pour quelqu’un qui veut faire du cinéma, comme le festival de Cannes d’une certaine manière. Sauf que pour les Césars, on y va quand on a un film français et qu’on est producteur ou bien réalisateur du film français. Et là non, on a un film franco-tchèque. Moi, je suis le Tchèque, je suis le coproducteur tchèque et je suis là avec un film qu’on a coproduit et comme un petit enfant, on va peut-être avoir des prix. Et puis bingo ! On en a ! On en a pour les gens de notre équipe, pour le film, pour l’actrice. Tout producteur que je suis devenu, je vis mon petit rêve français. »

Aujourd’hui, vous vous considérez comme un producteur tchèque ?

« Au bout de vingt ans en République tchèque, je pense que je suis devenu producteur tchèque, peut-être producteur international quand j’ai des grands rêves et que j’ai beaucoup bu. Mais il est certain que je ne me considère plus vraiment comme producteur français. »

Si on revient au départ sur votre histoire personnelle, professionnelle, pourquoi êtes-vous venu vivre et travailler à Prague ?

'Marguerite'
« C’est un peu une suite de hasard. J’avais une vingtaine d’années quand je suis venu à Prague. Je crois que j’avais envie de quelque chose qui allait vite, sans barrière et qui était dynamique. La République tchèque l’était à ce moment-là. Il se trouvait que j’étais en République tchèque pour plein de raisons. Mon professeur à l’école de cinéma était tchèque. Il réalise maintenant des films assez connus tels que Lidice (il doit s’agir dans ce cas de Petr Nikolaev, ndlr). Et la France était un peu bloquée. Elle l’est toujours un peu d’ailleurs, beaucoup plus lente et népotique. Et c’était excessivement excitant pour un garçon de vingt ans. Prague était un espace ouvert. Dans les années 1990, c’était un espace où, quelque part, si on avait une bonne idée, si on avait de l’énergie, il suffisait d’essayer pour avoir au moins une chance de la réaliser. Je ne dis pas que c’était forcément un succès mais par contre on avait la chance d’essayer. »

Qu’est-ce qui a changé ? Qu’est devenue la République tchèque aujourd’hui ?

« Les gens qui étaient là justement il y a une vingtaine d’années se sont installés. Ils ont acheté un fauteuil, un sofa, une bonne place. Ils sont installés dans leur fauteuil, à ces bonnes places et quelque part, c’est devenu un pays européen plus « normal », où il est plus difficile de changer les choses. »

Allez-vous profiter du succès de Marguerite pour travailler plus en France ou pour attirer plus de productions françaises à travailler en République tchèque ?

'Marguerite',  photo: Artcam
« Oui parce que le modèle de notre production est un peu différent de la façon dont fonctionnent des coproducteurs dans beaucoup de coproductions. On cherche de l’argent, on en trouve. On n’est pas seulement « producteur de service » où nous ne serions que des exécutants. On intervient aussi de manière créative sur des coproductions avec la France. De manière pratique, si on regarde les Césars français de Marguerite, Martin Kurel, qui est tchèque, a remporté un César. Il a le César du meilleur décor, et ce dans un film d’époque. C’est quand même un des prix techniques parmi les plus importants. Ce Tchèque a été amené parce que nous sommes dans une coproduction et du coup il a pu exprimer son talent. Cet exemple est quelque chose qui doit se répéter et qui va se répéter. Notre position dans la coproduction fait qu’on va avoir des films franco-tchèques, et pas des films français qui ont été tournés en République tchèque. Je ne sais pas si la différence est si compréhensible mais elle l’est pour nous d’un point de vue professionnel. »

Quels seront les prochains films franco-tchèques ?

« Donc il y aura la Danseuse de Stéphanie di Giusto avec Soko, Gaspard Ulliel, Lily-Rose Depp, Mélanie Laurent, François Damiens… C’est un casting assez branché. Il y a aussi le film d’ Olivier Assayas, Personnal Shopper, avec Kristen Stewart, qui a quand même joué dans tous ces films de vampires, qui est un peu une star américaine. Et puis il y en a d’autres en préparation que je ne peux pas citer encore. Plus loin que cela, toutes ces coproductions ont ouvert des choses dans l’autre sens. Il y a des projets tchèques qui vont se coproduire avec la France ou qui peuvent se coproduire avec la France, dont on parle, dont je ne peux pas encore parler parce qu’ils sont en projet. Mais les choses s’ouvrent dans l’autre sens aussi. »