Martin Frič, une vie vouée au cinéma
Il y a 40 ans disparaissait un des meilleurs réalisateurs tchèques Martin Frič. Auteur de nombreux films classiques dont la popularité ne s’est jamais démentie, il savait exploiter d’une façon magistrale les meilleures qualités des comédiens tchèques.
Difficile de rester médiocre dans une famille qui a déjà donné au monde toute une pléiade d’hommes célèbres. Quand vous avez un arrière grand-père qui a été la figure de proue de la révolution de 1848 en Bohême, un oncle qui a été un grand ethnologue et grand aventurier et un père qui a été inventeur, on attend de vous des exploits dignes de votre illustre famille. Et Martin Frič ne se laissera pas éclipser.
C’est le moment où il entre pour la première fois dans une salle de cinéma qui décide de sa vie. C’est un coup de foudre qui lui fait découvrir sa future vocation. A seize ans, il déserte l’Ecole des Arts et Métiers pour jouer au théâtre et au cabaret. A vingt, il entre dans les studios de cinéma. D’abord assistant et collaborateur du célèbre cinéaste Karel Lamač, il s’impose bientôt comme un réalisateur doué pour la comédie. Dans les films qu’il tourne aux studios de Barrandov défilent les meilleurs comédiens de ce temps-là et son influence marquera toute une génération de cinéastes. Le réalisateur Václav Vorlíček a eu la chance de le connaître personnellement :
«Il désirait avoir autour de lui des collaborateurs amicaux et apparentés à lui par la même sorte de sensibilité. Il cherchait toujours à avoir sur le plateau une équipe de ce genre et cela était décisif aussi pour la distribution des rôles. Un jour il m’a dit : ‘Mon cher collègue (il m’appelait déjà collègue en ce temps-là), vous devez créer votre propre compagnie d’acteurs qui sera sur la même longueur d’ondes que vous. C’est comme ça que vous réussirez à tourner des comédies’.»
Le réalisateur qui se fait connaître comme Mac Frič, son nom de guerre, tourne surtout des comédies mais aussi des drames, des contes pour enfants, des films documentaires. Et il réussit à poursuivre son travail même pendant la guerre et sous le régime communiste. Václav Vorlíček:
«Il faut dire que sous le protectorat allemand Martin Frič n’a fait absolument rien qu’on puisse considérer même comme un soupçon de collaboration. Il tournait des films de genres divers, des comédies, de beaux films, il était adoré par le public. Et après l’arrivée des communistes au pouvoir en 1948, Martin Frič a continué à tourner en tant que membre du parti. Il ne faut pas oublier que dans l’entre-deux-guerres Martin Frič figurait parmi les intellectuels de gauche. On peut dire que sur le plan politique il était du côté du progrès mais n’était sans doute pas un communiste orthodoxe. Cependant le régime l’appréciait pour ces activités, pour ses talents.»
Encore dans les années soixante Martin Frič tourne, malgré la maladie qui le mine, quelques uns des meilleurs films de cette période. Ce n’est que l’occupation soviétique en 1968 qui l’ébranlera à un tel point qu’il précipitera sa fin en désobéissant à ses médecins. L’artiste qui a su rester lui-même sous tous les régimes, n’a alors plus la force psychique de vivre une nouvelle occupation. Bien que l’alcool lui soit strictement interdit, il transgresse cette interdiction sachant que cette désobéissance lui sera fatale. Il meurt le 26 août 1968, cinq jours après l’entrée des troupes du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. Ses innombrables films continuent à amuser le public encore aujourd’hui.