Martin Polívka : « C’est un peu un préjugé de croire que les Tchèques ne savent pas se retrouver à l’étranger »
« Etudiants et jeunes professionnels tchèques en France », tel est le nom d’une association créée il y a deux ans à Paris, et qui a pour objectif de réunir, comme son nom l’indique, les Tchèques vivant en France. Depuis sa création, l’association a bien grandi. Pour preuve, les différents événements qu’elle organise, comme la récente conférence sur la partition de la Tchécoslovaquie, 20 ans après, qui s’est déroulée mi-avril au Centre tchèque de Paris. Pour parler de l’association et tirer le bilan de ses activités, deux ans après son lancement, Martin Polívka, son président, au micro de Radio Prague.
Il faut préciser pour les auditeurs : on est rue de la Huchette, il y a évidemment plein de bruit et on a même du sortir du bar pour se parler. Vous vous retrouvez donc ici, une fois par mois, les jeudis…
« Exactement. On fait aussi des débats à peu près tous les mois, sur des sujets économiques, politiques, culturels, sur l’immigration tchèque en France. Mais aussi on essaye de faire en sorte que les gens se tournent vers nous quand ils ont besoin des conseils pour leur vie à Paris ou s’ils veulent rencontrer des Tchèques vivant sur place. »
Justement, pouvez-vous rappeler la genèse de cette association ?
« C’était très simple : on était des amis de Sciences Po essentiellement, mais aussi de la Sorbonne. On se voyait de temps en temps au Centre tchèque qui tous les vendredis, propose des concerts de jazz et qui attire pas mal de Tchèques. On avait l’impression qu’il fallait faire un peu plus, qu’il fallait se réunir autour de sujet différents. Nous avons donc créé cette association. »Quel est le profil des membres ? Vous dites qu’à l’origine, il y avait pas mal d’étudiants de Sciences Po. J’imagine que ça s’est diversifié…
« Effectivement on a des étudiants de partout, de toutes les universités, plutôt d’Ile-de-France. Par contre, il y a une génération de personnes qui ont déjà eu leur diplôme, des jeunes travailleurs très bien insérés dans la société française. Il y a aussi de nouveaux étudiants qui arrivent, des Erasmus. Aujourd’hui, je pense que nous avons une centaine, voire 150 personnes qui gravitent autour de nous, qui viennent à nos événements. »Vous disiez que vous aidiez les gens qui arrivent en France, qui ont parfois des problèmes à s’orienter. C’est vrai que Paris est une grande ville, c’est parfois un peu difficile. L’administration française peut aussi être compliquée surtout quand on ne parle pas encore très bien le français. Quel est le type de conseils que vous donnez ? Comment aidez-vous ces gens ?
« Il y a de tout. Le problème le plus récurrent, c’est les difficultés à trouver un logement à Paris. C’est différent par rapport à ce à quoi les gens les sont habitués en République tchèque. Il y a beaucoup de questions autour de l’assurance maladie et la sécurité sociale. Sinon, il y a plein de gens qui demandent où acheter des vêtements, où faire ses courses, comment aller au théâtre sans dépenser 100 euros pour sa soirée… »Vous parliez d’organisation de débats etc. Est-ce que ces rencontres ont donné l’occasion par exemple à des réunions autour de la récente élection présidentielle ? Est-ce que ce type d’occasions vous réunit ?
« On a plutôt fait cela de manière informelle dans ce cas précis. Il faut dire que nous travaillons beaucoup avec le Centre tchèque qui nous met à disposition leurs salles. Ils organisent aussi pas mal d’événements. Donc notre idée n’est pas de copier leur programme, mais de faire quelque chose à part, en parallèle du programme officiel du Centre tchèque. »
Parmi les événements que vous organisez, en mai, il y aura Mode.cz. Pourquoi cet événement en particulier ? Ce n’est ni un événement politique, ni une rencontre pour accueillir de nouveaux arrivants…
« On essaye de faire aussi des événements jeunes, dynamiques, différents, qui pourraient attirer du monde. Une fois par an, en général, nous organisons un événement de ce genre, comme Mode.cz. Je rappelle que l’an dernier, nous avions organisé un événement où un culturologue de l’Université Charles de Prague était venu pour faire un atelier sur les alcools tchèques et les boissons qui se buvaient à l’époque communiste. »Il y a deux ans, notre collègue Alexis Rosenzweig avait tourné un entretien avec un de vos collègues. Il avait signalé que les Tchèques ont parfois un peu du mal à se retrouver entre eux quand ils sont à l’étranger, contrairement aux Slovaques. Finalement, j’ai l’impression qu’avec cette association, ça marche plutôt bien…
« Ca a l’air de très bien marcher. Je pense que c’est un peu un préjugé de croire que les Tchèques ne font pas grand-chose ensemble à l’étranger. A force de proposer ce type d’événements, les gens viennent et nous sommes même surpris de la participation qui est importante. A quoi est-ce que cela tient, je ne saurais pas dire. Mais après une génération qui n’avait peut-être pas trop le sens et le goût de l’organisation car tout ce qui y avait trait, que ce soit institutionnel ou associatif, avait une connotation négative. Nous, nous sommes nés autour de la révolution de velours, donc nous ne sommes plus trop marqués par cela. Le besoin de se retrouver à l’étranger, de partager le bon et le mauvais, revient et est naturel. »En dehors de cet événement, Mode.cz, vous avez des projets à venir dont on peut parler sans dévoiler trop de secrets ?
« Je pense que nous allons aborder encore une fois, mais de manière différente, la question des Tchèques à l’étranger, notamment en France. Nous envisageons d’organiser des événements autour de l’histoire communiste du point de vue de la jeune génération. On est en train de préparer un événement autour de la musique populaire, mais tout cela reste à concrétiser encore. »