« Même en liquidant Zelensky, la Russie n'obtiendrait rien »
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quitté son pays pour la première fois depuis le 24 février ce mercredi pour se rendre à Washington. Près de dix mois après l’invasion de l’Ukraine, ce chef d’Etat au parcours improbable est devenu pour beaucoup le symbole de la résistance à l’oppresseur russe. Pour Lenka Víchová, malgré son rôle primordial, il ne faut pas surestimer Volodymyr Zelensky.
Chercheuse en langue et civilisation ukrainiennes, Lenka Víchová était à Kyiv au moment de l'invasion et est l'une des plus grandes connaisseuses du pays en Tchéquie.
Lenka Víchová : « Les gens en Occident ont tendance à surestimer Zelensky en pensant qu'il est le leader et que toute la nation ukrainienne est derrière lui. Il est le président et commandant en chef du pays, oui, mais je pense que c'est une incompréhension du caractère national ukrainien, car un Ukrainien ne choisit pas un tsar, le seul dirigeant. Historiquement, l'Ukrainien choisit son leader parmi ses égaux, c'est-à-dire le premier parmi ses pairs. »
Devenu une célébrité médiatique dans un contexte tragique, acceptant même une invitation récente dans le Talk-show de David Letterman, Volodymyr Zelensky est évidemment aujourd'hui la bête noire du Kremlin.
Lenka Víchová : « Il est surestimé de la même manière en Russie. Il y a aussi une incompréhension du caractère national, de manière inversée. En février nous avons vu qu'un grand pourcentage d'Ukrainiens ont pris leur vie en main et ont pris les armes de leur propre initiative. J'ai moi-même parlé à des hommes qui ont défendu Irpin ou le nord-est de l'Ukraine sans avoir de contact avec l'armée ukrainienne pendant plus de deux semaines. Cela signifie qu'en liquidant la direction politique ukrainienne comme il semble que cela a été son intention, la Russie n'obtiendrait rien. »
Interrogée par Český rozhlas Plus, Lenka Víchová ajoute que la jeunesse et le côté beau garçon du président ukrainien y sont également pour beaucoup dans l’image très positive de Volodymyr Zelensky qu’elle dit parfois vu à l’étranger comme « une sorte de Belmondo à la tête d’un Etat ».
Lenka Víchová : « Ce qu’il a accompli depuis le 24 février est remarquable. Mais je pense que la ligne qu’il a tenue pendant trois ans ne sera pas oubliée par beaucoup d’Ukrainiens. Il a gagné les élections avec des gens fatigués de la guerre. Il était contre Porochenko, qui a souligné que rien n’était encore gagné, que la guerre continuait, que le pays devait se préparer, garder l'armée en forme et prendre soin des instruments hybrides avec lesquels la Fédération de Russie s'est immiscée en Ukraine, comme la langue, culture et religion. Si bien qu'aujourd'hui Zelensky réalise le programme électoral de Porochenko, dont le slogan était ‘langue, foi, armée’. Et c'est ce que Zelensky fait aujourd'hui. »
Selon Lenka Víchová, les potentiels concurrents politiques de Volodymyr Zelensky ont dû se mettre en retrait ou sont maintenus à l’écart pendant que les combats continuent. Le rôle d’un homme a cependant été mis en lumière ces dernières semaines – celui du général Valeri Zaloujny, commandant en chef des forces armées d'Ukraine :
Lenka Víchová : « Il remplit de manière incroyable son rôle en tant que chef militaire de l’armée et pour l’instant n’a pas montré d’ambition politique. Il se peut cependant après la guerre qu’apparaisse un combattant avec une telle ambition. Il est en tout cas plus que vraisemblable que ceux qui ont combattu dans l’armée ou la défense territoriale ne resteront pas passifs une fois les combats terminés, car ce seront eux qui auront assuré la survie de l’Ukraine. »