"Merci, on s'en va": tchèque-up pour les hôpitaux allemands
Les médecins tchèques en ont marre de ne pas être assez rémunérés et ils le font savoir. « Merci, on s’en va » est le titre de la campagne lancée récemment et qui a déjà recueilli le soutien de milliers de docteurs prêts à émigrer pour obtenir de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. Une menace d’autant plus crédible que les pays voisins comme l’Allemagne et l’Autriche sont prêts à les accueillir les bras ouverts.
« Nous sommes une association de cliniques du Brandebourg en Allemagne et nous cherchons des médecins et des assistants médecins dans plusieurs domaines. Nous espérons trouver ici à Prague le personnel qualifié dont nous avons besoin. En Allemagne il y a une certaine pénurie de main d’œuvre dans le secteur médical, nous manquons notamment d’anesthésistes et de chirurgiens et nous devons donc rechercher à l’étranger, dans toute l’Union européenne. »
En seulement deux jours, pas moins de six mille docteurs tchèques sont venus se renseigner lors de ce salon sur les opportunités et les conditions de travail dans les pays germanophones voisins. Première motivation : le salaire. Petr est radiologue depuis deux ans dans un hôpital de province. Il touche à peine l’équivalent de 730 euros brut par mois :
« En Allemagne, je pourrais gagner 2 600 euros net d’impôt, ça fait environ quatre ou cinq fois plus qu’ici. Ici, mon salaire est même inférieur au salaire moyen. En plus, les perspectives ici sont quasi nulles, je ne peux pas avancer dans ma formation professionnelle. Mon père est médecin et il ne voulait pas que je fasse médecine à cause de l’état du système. Il s’est fait une raison en pensant que ça allait changer. Ça fait huit ans que j’ai commencé mes études et entre temps rien n’a changé, c’est même pire qu’avant. »
« Merci, on s’en va » (« Děkujeme, odcházíme » en tchèque): c’est sous ce slogan que le syndicat tchèque des médecins a lancé une campagne destiné à avertir les pouvoirs publics de l’urgence de la situation. Environ 4 000 médecins tchèques menacent d’émigrer dès l’année prochaine si leurs conditions de travail et leurs rémunérations ne changent pas. Martin Engel est à la tête de ce mouvement :
« Dans tous les pays européens, le salaire perçu par les médecins est supérieur au salaire moyen, et en Europe de l’Ouest il est entre trois et cinq fois supérieur. Ici, un médecin qui débute touche moins que le salaire moyen en République tchèque, qui est aujourd’hui presque l’équivalent de 1 000 euros. Nous voulons que la rémunération horaire d’un médecin débutant soit doublée, la faire passer de 100 à 200 couronnes tchèques. »
200 couronnes tchèques, soit environ 8 euros brut par heure : une revendication qui peut paraître modeste, mais le gouvernement tchèque mène une sévère politique de rigueur avec des coupes drastiques dans le budget de chaque ministère, dont celui de la Santé. Le ministre a fait savoir que les salaires pourraient même baisser l’année prochaine…Vít Mortaň travaille dans un hôpital du centre de Prague. Il a déjà fait trois stages dans des hôpitaux français et a pu comparer :
« Ma spécialité est la médecine interne et la néphrologie. Je travaille depuis trois ans ici et mon salaire est de 800 euros. Si on compare avec les salaires en Europe de l’Ouest, c’est ridicule. En République tchèque, c’est à peu près ce que touche une secrétaire à la banque, c’est ridicule. Pour les médecins tchèques, l’Allemagne c’est plus facile, ce n’est pas loin et aujourd’hui c’est même possible de travailler en Allemagne et de vivre en République tchèque. La Grande-Bretagne, c’est mieux pour la langue, mais le système d’attestations et d’équivalences est plus compliqué. Les systèmes tchèque et allemand sont beaucoup plus proches. »
Selon vous la situation est catastrophique dans le système médical tchèque ?
« Catastrophique, si nous comparons avec l’Europe de l’Ouest. Si nous comparons avec l’Europe de l’Est-ce n’est pas si catastrophique que ça. Les traitements et les médicament coûtent pratiquement la même chose qu’à l’Ouest mais les salaires ne sont pas les mêmes. »
Que pensez-vous de la campagne « Merci, on s’en va » ?
« Je la soutiens, mais je pense que ça va être très dur de persuader les politiques et surtout les gens ordinaires qui ne sont pas informés de la situation dans la Santé tchèque. Nous sommes les médecins, nous pouvons voir que la situation est mauvaise. Si vous êtes opéré par un chirurgien peu expérimenté, c’est difficile. Mais c’est difficile pour les jeunes médecins de pratiquer et d’apprendre, parce qu’il n’y a pas de médecins expérimentés. Il y a seulement le chef et les jeunes. »Vít Mortaň, comme beaucoup d’autres jeunes médecins tchèques aujourd’hui, n’a pas vraiment envie de quitter son pays. Mais il va y réfléchir sérieusement, si les conditions ne s’améliorent pas bientôt.