Mikhaïl Gorbatchev, un « espoir » au « rôle essentiel dans l’évolution de la politique tchécoslovaque »
Ancien dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev est décédé mardi 30 août à l’âge de 91 ans. De l’avis général, son rôle dans l’évolution de la politique tchécoslovaque et dans la fin de la guerre froide a été crucial.
En République tchèque, les réactions se multiplient après l’annonce de la mort de l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, décédé mardi à Moscou des suites d’une longue maladie. Les dirigeants politiques tchèques saluent ainsi sa contribution « à l’effondrement des régimes communistes d’Europe centrale et orientale et à l’implosion de l’URSS » (Premier ministre Petr Fiala), le fait qu’il a « réalisé l’impossible » (ministre de la Défense Jana Černochová) ou encore ce qu’il a donné à son peuple : « l’espoir de la liberté, du respect des droits de l’homme et d’un meilleur avenir pour la Russie » (ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský).
L’historien Matěj Bílý, de l’Institut d’étude des régimes totalitaires, revient sur l’importance de Mikhaïl Gorbatchev dans l’histoire de la Tchécoslovaquie :
« Mikhaïl Gorbatchev a joué un rôle essentiel dans l’évolution de la politique tchécoslovaque, car ce sont les réformes qu’il a initiées au milieu des années 1980 qui ont conduit tout d’abord à l’affaiblissement de la dictature de l’Etat socialiste tchécoslovaque, et par la suite à l’effondrement général des régimes de ce type en Europe centrale et orientale. Même si Gorbatchev n’était pas l’instigateur direct des événements de novembre 1989 en Tchécoslovaquie, on peut affirmer que sans les réformes politiques et économiques qu’il a réalisées en Union soviétique, le pouvoir communiste en Tchécoslovaquie ne se serait probablement pas effondré. Et la démocratisation du système n’aurait pas eu lieu. »
Un rôle essentiel dans la chute du rideau de fer
Né en 1931, Mikhaïl Gorbatchev a été à la tête de l’URSS à partir de 1985, date à laquelle il a initié des changements pour réformer le système communiste et redonner de la force à l’empire soviétique de l’époque. Mais c’est le contraire qui a eu lieu : l’Union soviétique s’est effondrée et le système communiste s’est écroulé. Plus tard, Gorbatchev avait d’ailleurs avoué que réformer n’était en fait pas possible…
Gorbatchev, en tant que chef du parti communiste et donc de toute l’Union soviétique, a joué un rôle capital dans la fin de la guerre froide et de la chute du rideau de fer. Il a été le premier et aussi le dernier président de l’Union soviétique : élu à ce poste nouvellement créé le 14 mars 1990, sa présidence a cependant été de courte durée, puisqu’il a démissionné le 25 décembre 1991, la veille de la dissolution de l’Union soviétique. Boris Eltsine est alors devenu Président de la Russie, nouvel Etat indépendant.
Des réformes aux conséquences inattendues
Pour l’historien Miroslav Vaněk, de l’Académie tchèque des sciences, le leader soviétique n’avait pas prévu les conséquences des réformes entrées dans l’histoire sous les noms de perestroïka et de glasnost, c’est-à-dire restructuration économique et liberté d’expression :
« A mon avis, Gorbatchev lui-même ne se doutait pas de la nature des changements qu’il avait déclenchés. Il ne savait pas quelle serait l’évolution des événements. Même ses déclarations publiques ont changé avec le temps. Il y a une grande différence entre ses déclarations de 1987 et celles de 1989. Je pense que la période de quatre ans et demi (en Union soviétique la perestroïka a continué jusqu’en 1991) a été très courte et beaucoup de choses sont arrivées. »
Inspiré par le Printemps de Prague
Hier, le chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský a rappelé que Mikhaïl Gorbatchev avait été « inspiré par le Printemps de Prague ». L’historien Karel Svoboda, de l’Université Charles, est lui aussi convaincu que le chef du parti communiste soviétique a été influencé par le socialisme à visage humain, idée maîtresse des artisans du Printemps de Prague. Il y a quelques temps, il avait confié à Radio Prague International :
« A une certaine époque, Gorbatchev avait vraiment une vision du socialisme à visage humain. Il pensait que cela pourrait être une voie pour faire progresser le socialisme, pour le faire redémarrer, assurer son fonctionnement dans l’avenir et accélérer le développement de la politique économique. C’était sans doute son idée. »
Lauréat du prix Nobel de la paix en 1990, Mikhaïl Gorbatchev est devenu le favori de l’Occident et l’espoir de l’Orient, mais il n’a pas gagné le respect dans son propre pays. Pour beaucoup, plus que le retour de la liberté tant désirée, ses réformes ont signifié une perte de sécurité, et de nombreux Russes ne peuvent toujours pas oublier l’effondrement de l’Union soviétique.
Favori de l’Occident et espoir de la Tchécoslovaquie
Pour ce qui est de la vision qu’avaient les Tchécoslovaques et qu’ont désormais les Tchèques de l’ancien dirigeant de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev, elle diffère selon la période prise en compte, comme l’explique Matěj Bílý :
« Les Tchécoslovaques évaluent Gorbatchev différemment avant et après novembre 1989. Avant cette date, une partie de la société tchèque et slovaque était mécontente de l’évolution de la Tchécoslovaquie et refusait le monopole du parti communiste au pouvoir. Elle voyait donc en Gorbatchev un espoir, et soutenait ses efforts, sans pour autant savoir précisément où Gorbatchev irait avec son projet ni sur quoi ces changements déboucheraient. »
« Après novembre 1989, Gorbatchev est devenu un genre de personnalité glorifiée, célébrée en Tchécoslovaquie pour ses efforts qui ont au final permis la chute du pouvoir communiste. C’est en ce sens qu’on l’évoque en Tchécoslovaquie, ce qui diffère très légèrement de la façon dont on l’évoque dans le monde occidental, où Gorbatchev est évoqué comme un homme d’Etat dont la politique, la conciliation et la capacité à faire des concessions ont permis la fin de la guerre froide. »
Mikhaïl Gorbatchev sera enterré dans un cimetière de Moscou, conformément à ses dernières volontés. Néanmoins, en raison de l’invasion russe en Ukraine et des sanctions qui en découlent, la présence de personnalités étrangères – de République tchèque ou d’ailleurs – est incertaine, d’après l’agence de presse allemande DPA.