Milena Jesenska
Le portrait de la remarquable journaliste Milena Jesenska a déjà été diffusé dans le cadre de l’émission les Tchèques célèbres et moins célèbres en mai 2001. Mais cette fois-ci l’émission sera concentrée sur Milena-amie intime, Milena grand amour de l’écrivain tchèque de langue allemande Franz Kafka.
Milena Jesenska était la fille du professeur Jan Jesensky, spécialiste renommé en chirurgie maxillaire, et descendant de célèbre chirurgien Jan Jessenius qui pratiqua en juin 1600 la première autopsie en Europe centrale. Milena, qui avait perdu sa mère à l’âge de treize ans, était une grande rebelle qui ne voulait pas se plier à l’autorité étouffante de son père. Lorsque, immédiatement après avoir atteint sa majorité, Milena épouse le traducteur et correspondant à l’étranger Ernst Pollak contre la volonté de son père, ce dernier devient fou de rage et rompt toutes relations avec sa fille. D’ailleurs, leurs rapports seront toujours plutôt froids. En 1920 Milena part avec E. Pollak dont elle est très amoureuse à Vienne. C’est là que pour la première fois elle rencontre Franz Kafka qui revient de Merano pour soigner une tuberculose avancée. Inutile de présenter Franz Kafka, écrivain mondialement connu pour sa personnalité surprenante et par ses œuvres littéraires telles que le Château, le Procès ou la Métamorphose. Milena parle de sa première rencontre avec l’écrivain juif dans son recueil de feuilletons « Le chemin de la simplicité », publié en 1926.
Grande, mince à la démarche souple et au regard bleu intense, Milena fascine et attire le regard des hommes aussi bien que des femmes. Il n’est donc guère étonnant qu’elle ait également fasciné Kafka. Mais à l’époque le cœur de la journaliste ne bat que pour Ernst Pollak. Homme à femme, les tromperies de Pollack sont quotidiennes. Pourtant Milena n’arrive pas à rompre et fuir la relation tyrannique. Elle fait divers petits métiers pour gagner sa vie. Finalement, elle se lance dans la traduction et commence à écrire et à publier ses premiers articles pour le journal tchèque Tribuna. Elle se fait une petite place au soleil comme correspondante de mode. Milena est tellement fascinée par les œuvres de Franz Kafka qu’elle décide de traduire la Contemplation, le Chauffeur, le Verdict et la Métamorphose. Elle sera la première traductrice tchèque à les avoir traduites. Il est à noter que Milena Jesenska était une traductrice remarquable qui a entre autre traduit Jules Laforgue, Guillaume Apollinaire, Romain Rolland, Maxim Gorki, Henrich Mann ou Franz Werfel. Elle envoie les traductions des œuvres de Kafka à la maison d’édition Kafka. C’est l’écrivain en personne qui lui répond.
Pour Franz Kafka la première rencontre avec Milena est un coup de foudre. Pour Milena le sentiment viendra plus tard. L’entrée de la jeune femme dans la vie de l’écrivain de génie est comme un coup de vent frais. Milena c’est le mouvement, la joie, la vie. L’histoire d’amour commence par une relation épistolaire qui rapidement se matérialise et devient une passion déchaînée.
Milena a vingt quatre ans et Franz Kafka est gravement malade. Le feu ardent qui brûle dans le cœur de Milena l’épuise. Il se rend bien compte qu’une vie commune est pratiquement impossible. C’est lui-même qui désire la rupture. Un choc pour Milena qui assume très mal la décision de l’écrivain. Franz Kafka meurt en 1924 au sanatorium de Kierling près de Vienne.
Les deux êtres exceptionnels n’ont jamais cessé de s’écrire. Les très connues Lettres à Milena et Baisers écrits de Franz Kafka sont un témoignage tangible et immortel de leur grand amour. Ni la rupture, ni la mort n’on pu mettre fin au lien de la journaliste Milena Jesenska et de l’écrivain juif Franz Kafka.
Milena survécut à Franz Kafka d’une vingtaine d’années. Bien des hommes passèrent dans sa vie et elle a encore vécu une grande passion avec l’architecte Jaromir Krejcar, le père de sa fille Honza. Une relation qui s’est très mal terminée. Mais il n’y a jamais eu d’équivalent à l’affection qu’elle portait à Kafka. Après l’entrée des troupes allemande à Prague, Milena travaille dans la résistance. Elle est arrêtée par les nazis en novembre 1939 et déportée au camp de concentration de Ravensbrück où elle meurt le 17 mai 1944.