Milena Králíčková, première femme élue à la tête de l’Université Charles
C’est une petite révolution symbolique qui se prépare à l’Université Charles pour l’année prochaine. En effet, le 1er février prochain, Milena Králíčková, médecin de formation et professeure, deviendra la toute première femme à diriger cette institution tchèque historique, fondée au XIVe siècle par l'empereur Charles IV.
Milena Králíčková n’est certes pas la première femme à diriger une université en République tchèque. Il y a quelques années, Danuše Nerudová était devenue à 42 ans la première femme et la plus jeune à se retrouver à la tête de l’Université Mendel à Brno, une institution un peu plus que centenaire. Mais si le nom de Milena Králíčková s’inscrit un peu plus dans l’Histoire, c’est d’une part parce qu’en République tchèque, comme ailleurs, les femmes restent minoritaires à occuper des postes de direction ou de pouvoir, et aussi parce qu’elle s’apprête à prendre les rênes d’une institution prestigieuse et historique.
Fondée en 1348 par le roi de Bohême et empereur germanique Charles IV, sur le modèle de la Sorbonne, elle a été en son temps la toute première université d’Europe centrale d’après laquelle bien d’autres ont ensuite vu le jour dans la région. Outre son fondateur, elle est associée à plusieurs noms marquants de l’histoire tchèque – dont très peu de femmes d’ailleurs –, comme le réformateur Jan Hus, le jeune étudiant qui s’immola en 1969 Jan Palach ou encore le philosophe Jan Patočka. Interrogée par la Radio tchèque sur le symbole que représente son élection et l’égalité des chances dans le milieu universitaire, Milena Králíčková répond :
« Pour l’heure, je n’envisage pas trop cette perspective. Evidemment, je suis très heureuse, mais je vois surtout la grande responsabilité que cela signifie avant tout. Ce qui s’est passé le 22 octobre (son élection, ndlr) représente toujours pour moi cette immense responsabilité. En ce qui concerne l’égalité des chances, cela dépend de quand et où on se situe. Il y a des endroits dans l’espace académique où ce principe d’égalité est déjà implanté et fonctionne, malheureusement il y a d’autres endroits où ce n’est pas le cas. Et c’est justement sur cela que je veux, entre autres, me concentrer, quand je serai rectrice. »
Elue à 55 voix sur 69 membres du Sénat académique réuni, Milena Králíčková va remplacer à ce poste de recteur Tomáš Zima, médecin également, et dont le nom a été récemment associé à plusieurs polémiques, après avoir été soupçonné en 2019 de couvrir le financement secret, par l’ambassade de Chine à Prague, de plusieurs cours faisant valoir les intérêts de Pékin, ou avoir eu des propos controversés sur le Covid-19, « pandémie médiatique », selon lui.
Actuelle vice-rectrice qui, comme tout le monde, a dû gérer les conséquences concrètes de cette pandémie qui, en mars 2020, a vu la fermeture des écoles et le passage à un enseignement en ligne, Milena Králíčková ne partage pas les opinions de son futur prédécesseur :
« En ce qui concerne l’université dans son ensemble, nous avons tout organisé de sorte que soient pleinement respectées toutes les mesures sanitaires en place. Je suis très heureuse de voir aujourd’hui que tous nos étudiants sont très prudents et vigilants. Il y a des résidences universitaires à Prague où 90% des étudiants sont vaccinés. C’est une excellente nouvelle : nos étudiants prennent cette pandémie au sérieux, ils sont prêts à se faire vacciner et sont responsables. »
Les 50 000 étudiants des 17 facultés de l’Université Charles auront-ils une année universitaire 2021-2022 complète et en présentiel ? Difficile de l’affirmer sans broncher alors que les chiffres des contaminations ne cessent de grimper dans le pays :
« Je veux croire que nous pourrons maintenir le présentiel au moins pour tout ce qui concerne l’ensemble des enseignements pratiques, en laboratoire etc. Je ferai tout pour que cela soit maintenu et je me battrai dans ce sens dans les discussions avec le ministère de l’Education. Le présentiel est absolument nécessaire dans ce cas-là. D’un autre côté, en ce qui concerne les programmes d’étude qui rassemblent 200-250 étudiants dans une salle, je ne mettrai pas main au feu sur cette question du présentiel. Néanmoins, si cela devenait nécessaire, nous sommes prêts à basculer dans les cours à distance. »
Agée de quarante-neuf ans, Milena Králíčková est diplômée en médecine générale de la faculté de médecine de l'université Charles à Plzeň, où elle dirige le département d'histologie et d'embryologie depuis 2011. Depuis 2014, elle a occupé le poste de vice-rectrice aux affaires étudiantes à l'Université Charles dans la capitale tchèque. Depuis 2019, elle est l'une des responsables de l'Alliance universitaire européenne 4EU+, coordonnée par la Sorbonne à Paris et qui regroupe, outre l'Université Charles, les universités de Heidelberg, Copenhague, Milan et Varsovie.
L'Université Charles est actuellement classée parmi les trois cents premières universités dans les classements comparatifs. Pour Milena Králíčková, les universités tchèques dans leur ensemble doivent améliorer leur financement si elles veulent aller plus loin. Une des priorités mise en avant par son programme est, entre autres, l’amélioration de la qualité de l’enseignement et des sciences, avec pour objectif également, de booster la place de l’Université Charles plus haut dans ces fameux classements :
« Il faut un travail de fond dans chaque faculté. Il s'agit de rendre notre recherche compétitive. Et plus nous aurons d'équipes qui réussissent dans des projets et des subventions internationales, plus nous aurons d'universitaires étrangers ici, plus nous nous approcherons du niveau d’autres écoles à l’étranger. L’amélioration de la qualité de l’enseignement et des sciences est vraiment au cœur de ce qui m’anime. Et si on ne bouge pas dans les classements et que nous sommes devancés par une école asiatique mieux financée, cela ne m’empêchera pas de dormir car cette qualité est ma priorité. »
Milena Králíčková, qui doit encore être formellement nommée par le président de la République, prendra ses fonctions le 1er février 2022 pour un mandat courant jusqu’en 2026.