Ministère de la Culture : le feuilleton politique de l’été continue à Prague

Miloš Zeman, photo: Khalil Baalbaki, ČRo

Le président de la République a annoncé mercredi qu’il souhaitait qu’un autre candidat au poste de ministre de la Culture lui soit présenté par le Parti social-démocrate (ČSSD). Miloš Zeman estime que le candidat actuel, Michal Šmarda, n’a pas les compétences suffisantes. C’est le dernier épisode en date du feuilleton politique estival tchèque qui fragilise un peu plus le gouvernement de coalition formé par le Parti social-démocrate et le mouvement ANO du Premier ministre Andrej Babiš.

Miloš Zeman,  photo: Khalil Baalbaki,  ČRo
Miloš Zeman a lui-même été le chef du ČSSD pendant huit ans – il sait donc exactement dans quelle position se trouve l’actuel président de son ancien parti, Jan Hamáček, à qui il revient selon l’accord de coalition gouvernementale de nommer plusieurs ministres, dont celui de la Culture.

La constitution tchèque est plutôt claire à ce sujet : le chef de l’Etat n’a pas grand-chose à redire quant aux choix qui lui sont soumis et qu’il doit formellement valider. C’est d’ailleurs ainsi que Miloš Zeman interprétait la loi fondamentale sur les plateaux de télévision quand Václav Havel était encore président :

« Comment devraient se comporter les partis de la coalition gouvernementale si quelqu’un filtrait leurs candidats aux postes de ministres. Je comprends le droit du président de la République à avoir des informations sur ces candidats mais s’il mettait son veto personnel, je pense que ce serait contraire à l’article de la constitution concernant la nomination des ministres. »

Une vingtaine d’années plus tard, la donne semble avoir changé, et Miloš Zeman, premier président tchèque élu au suffrage universel, profite de son deuxième et dernier mandat pour assoir encore davantage son autorité.

Michal Šmarda,  photo: Michaela Danelová,  ČRo
Son communiqué de mercredi ne précise néanmoins pas expressément qu’il refuse de nommer Michal Šmarda, ce qui serait contraire à la constitution et pourrait lui être reproché dans la procédure actuellement en cours au Parlement – il y est seulement indiqué qu’il souhaite que « le chef du ČSSD lui propose un autre candidat », à ses yeux plus compétent.

Jan Hamáček a réagi mercredi en indiquant que son parti ne présenterait pas d’autre candidat. La balle semble désormais être dans le camp du chef du gouvernement, Andrej Babiš, qui aura fort à faire à son retour de vacances, d’autant qu’une nouvelle manifestation est prévue le 21 août pour demander sa démission à cause de ses ennuis avec la justice et de ses conflits d’intérêts.

Pour certains commentateurs, dont Ondřej Konrád sur la radio publique, ce ne sont pas la compétence ou l’incompétence d’un ministre qui sont le vrai enjeu du moment :

« Le ministère de la Culture et les dispositions de Michal Šmarda ne sont pas le plus important en réalité et il est peu probable que le président de la République n’ait pas de projets plus vastes. Il a d’ailleurs déjà évoqué un potentiel remaniement en cas de départ du ČSSD du gouvernement, ce qui signifierait éventuellement que le cabinet serait complété par des fonctionnaires plus ou moins experts et qu’il serait soutenu par les communistes et l’extrême-droite. Mais cela ferait du Premier ministre un simple administrateur d’un gouvernement en réalité dirigé par le président. »

Erik Tabery, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Respekt, va lui plus loin encore et soupçonne Miloš Zeman de « préparer un putsch politique », après ce mercredi qualifié de « jour sombre pour la démocratie tchèque ».