Miroslav Ondříček, le caméraman fétiche de Miloš Forman, s’est éteint à l’âge de 80 ans
C’est une bien triste nouvelle pour la cinématographie tchèque qui est tombée samedi dernier. Monstre sacré de la caméra, Miroslav Ondříček s’est éteint à l’âge de 80 ans. L’ensemble de la scène cinématographique a rendu hommage à cet artiste exceptionnel, témoin de la naissance de la Nouvelle vague tchèque.
Si le régime communiste ne donne pas le feu vert à la participation de Miroslav Ondříček au film L’Arnaque de George Roy Hill en 1974 ou au film de Forman, Vol au-dessus d’un nid de coucou, en 1975, le régime autorisera néanmoins en 1983 le tournage du film Amadeus en Tchécoslovaquie. Surveillé par la police secrète, au même titre que Miloš Forman, Miroslav Ondříček subit une crise cardiaque pendant le tournage, et même s’il est privé de sa parole pendant un certain moment, il achèvera le film en communiquant par des bouts de papiers. A propos de la création de ce film exceptionnel sur la vie du compositeur Wolfang Amadeus Mozart, le fils de Miroslav Ondříček, David Ondříček, devenu lui-même réalisateur, a dévoilé davantage sur cette période :
« Il ne dormait presque pas et cela a été très difficile pour lui de créer quelque chose qu’il n’avait jusqu’à alors jamais fait. Il voulait faire le film avec des bougies, avec un éclairage naturel. Je me souviens qu’il avait disposé une série de bougies et m’obligeait à lui chronométrer le temps que mettait chaque bougie à se consommer. Il les regardait et mesuraient leur intensité lumineuse à l’aide d’un posemètre. Cela se voyait qu’il y mettait tout son cœur. Amadeus a été son film majeur. »Même si le film Amadeus remporte huit Oscars, et que Miroslav Ondříček sera aussi nommé pour la meilleure caméra, il n’obtiendra malheureusement pas la célèbre statuette; statuette en or pour laquelle il avait notamment été nommé trois ans auparavant pour le film Ragtime. Avec Amadeus, il remporte toutefois le BAFTA, le prix de l’Académie britannique des arts de la télévision et du cinéma, de la meilleure photographie. Miroslav Ondříček est alors devenu un personnage incontournable de la cinématographie mondiale, peut-être bien aussi pour sa capacité à savoir rassembler les différentes équipes de tournage, faculté pour laquelle il devient notamment très populaire auprès des Américains. Le plasticien Theodor Pištěk, récompensé de l’Oscar des meilleurs costumes pour le film Amadeus, a précisé dans ce sens :
« J’ai toujours été très surpris de quelle façon les équipes de tournage et les équipes chargées de l’installation du matériel d’éclairage le respectait profondément. Ils portaient un regard vers lui, comme vers une image sainte. C’étaient quand même des équipes de tournage qui avaient déjà un certain vécu derrière elles. »Aux États-Unis s’offrent alors à Miroslav Ondříček de nouvelles collaborations avec d’autres réalisateurs de renom, comme George Roy Hill, avec lequel il tournera Le Monde selon Garp. Avec la réalisatrice Penny Marshall, Miroslav Ondříček filme L’Eveil en 1990, avec Robert De Niro et Robin Williams, puis Une Equipe hors du commun avec Madonna et Tom Hanks en 1992, La Femme du pasteur en 1996, ou Ecarts de conduite en 2001. Lors d’un documentaire réalisé en 2013, Miloš Forman, n’a pas manqué d’éloges sur son collègue le plus proche :
« Je n’avais pas besoin de discuter à propos de quoi que ce soit avec Mirek, parce-qu’il voyait tout de la même façon. Il éclairait le tout pour que la caméra puisse filmer n’importe quel endroit. Moi, je n’y comprenais rien à l’époque et je ne m’immisçais pas dans son travail. Donc en fait, l’apparence du film est due en entier à son travail à lui. »Avec à son compte quarante films au total, dont la moitié tournée avec des coproductions étrangères, Miroslav Ondříček a notamment été récompensé en 2004 par l’Association des caméramans américains pour sa contribution à la cinématographie mondiale.