Mis à l’honneur pour son soutien à Israël, Miloš Zeman sème la controverse
Cette nouvelle revue de presse s’intéressera d’abord à une analyse d’un thème soulevé par le président tchèque Miloš Zeman lors de sa participation à l’Assemblée générale des Nations Unies cette semaine. Elle vous donnera aussi un élément de réponse à la question de savoir pourquoi les années 1990 constituent une période à part dans l’histoire tchèque. Nous évoquerons enfin la position économique qui était celle de la Tchécoslovaquie dans l’entre-deux-guerres, le projet de nouvelles mesures sécuritaires à Prague ou encore le commentaire du cardinal Dominik Duka relatif au message du pape François pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié.
« En s’attaquant aux positions prises sur ce point par l’Union européenne, Miloš Zeman s’est présenté non seulement comme un ami d’Israël, comme il prétend souvent l’être, mais aussi comme un faucon de la politique étrangère tchèque. La diplomatie thèque suit en effet la ligne directrice de l’UE qui considère Jérusalem comme un territoire bénéficiant d’un statut spécifique, et non pas comme la capitale de l’Etat juif. Par ailleurs, aucun pays n’envisage de déplacer son ambassade. »
L’éditorial constate que bien qu’allant à contre-courant de la politique étrangère de l’UE, la position de Miloš Zeman est applaudie par une grande partie de la classe politique tchèque, toutes orientations confondues. Cet engagement s’inscrit dans la politique traditionnellement bienveillante de la République tchèque à l’égard d’Israël. Le journal Lidové noviny cite des spécialistes du Proche-Orient selon lesquels cette position irréfléchie pourrait entraver les relations de la Tchéquie avec les autres pays dans la région. Pour le professeur universitaire Břetislav Tureček, « le discours de Miloš Zeman illustre la position dépourvue de tout sens critique du chef de l’Etat à l’égard d’Israël ».
Les années 1990, une période spécifique de l’histoire tchèque
Les années 1990 occuperont probablement une place aussi exceptionnelle dans l’histoire tchèque que celle des années 1920 ou 1960. Considérant qu’il s’agit là d’une décennie marquée par la chute du totalitarisme et le soulèvement d’un élan de liberté dans l’ancienne Tchécoslovaquie, l’hebdomadaire Respekt a publié un numéro spécial d’une trentaine de textes consacré aux différents aspects de ces années 1990 dites dorées. Dans son éditorial, on peut lire :« On a vu naître de nouvelles institutions, de nouveaux partis et des médias indépendants dans les années 1990. La possibilité de voyager à l’étranger, la prostitution croissante, la consommation de stupéfiants, toutes sortes de nouvelles escroqueries… Tels ont été quelques-uns des phénomènes typiques de cette époque. Pour beaucoup d’adolescents et de jeunes âgés de moins de trente ans, cela a été une période idéale avec moins de règles et davantage d’opportunités. Les générations plus âgées ont en revanche été confrontées à une transformation radicale de leurs vies. La liberté nouvellement acquise allait inséparablement de pair avec l’incertitude. La chute du gouvernement de Václav Klaus à l’automne 1997, conséquence de scandales de corruption, a marqué, symboliquement parlant, la fin des années 1990. Elle a marqué la fin aussi de la conviction naïve selon laquelle tout devait aller facilement. »
Si la majorité des textes de cette édition spéciale de Respekt sont inédits, certains sont toutefois tirés des archives. Leur but n’est pas de rappeler les événements clés, mais plutôt de donner une idée du caractère très divers de l’époque. C’est aussi une façon aussi de rappeler l’existence de nombreuses idées erronées et de constater que la société tchèque a eu besoin de temps pour s’affranchir du mode de pensée totalitaire.
Renouer avec la prospérité économique de l’entre-les-deux-guerres
Beaucoup de temps sera encore nécessaire avant que le niveau de vie des Tchèques atteigne celui des pays d’Europe de l’Ouest. Un texte publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny rappelle à ce sujet que Tchèques et Slovaques ont pourtant connu une période dans leur histoire où leur pays figurait sur le devant de la scène économique et industrielle mondiale :« Lorsque le premier président Tomáš Garrigue Masaryk est décédé il y a 80 ans de cela, il a légué un pays économiquement fort. Mais c’est avant la grande crise, au tournant des années 1920 et 1930, que la Tchécoslovaquie a vécu son âge d’or avec un PIB qui la rangeait à la 17e place à l’échelle mondiale. Sa part dans la production industrielle mondiale était même la dixième la plus importante au monde. »
L’auteur du texte, qui s’appuie sur les résultats d’études réalisées par plusieurs universités internationales, constate que, la Tchécoslovaquie comptait sous la Première République parmi les dix économies les plus efficaces en Europe. A l’époque, la Bohême, la Moravie et la Silésie du nord formaient le nœud industriel de l’ancien Empire austro-hongrois. Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la relance de l’économie du pays a été étouffée par l’instauration du régime communiste. Jusqu’à la chute de celui-ci en 1989, l’économie tchécoslovaque, comparée à celles des autres pays européens, a enregistré une chute dramatique. Ceci dit, les données statistiques internationales retenues par le journal Hospodářské noviny montrent que la position de la Tchéquie s’améliore de nouveau et se rapprochent des indices de l’entre-deux-guerres.
De nouvelles mesures pour plus de sécurité à Prague
Selon le Global Peace Index, la Tchéquie serait le sixième pays le plus sûr au monde. Ce classement n’a cependant pas empêché la municipalité de Prague de décider d’augmenter le nombre de mesures de sécurité dans les rues de la capitale. Une façon d’éviter, affirme-t-on, d’éventuelles attaques terroristes qui sont de plus en plus souvent menées à l’aide d’un véhicule. C’est ainsi que des blocs en béton sont apparus cette semaine à proximité de la place de la Vieille-Ville. Le quotidien Mladá fronta Dnes précise à ce sujet :« La ville de Prague envisage de mettre en place d’autres mesures pour parer au risque d’attaques terroristes de ce type. L’achat pour près de 80 millions de couronnes (3 millions d’euros) de nouvelles caméras pour couvrir non seulement la place de la Vieille-Ville mais aussi la place Venceslas ou le Quartier juif, comme l’installation de barrières dans plusieurs autres localités s’inscrivent également dans ce projet mis sur pied en coordination avec la police. »
Parallèlement, ces initiatives laissent apparaître la crainte d’endommager le caractère spécifique et la beauté historique de Prague. Une crainte d’autant plus grande que lorsqu’il s’agit de commandes publiques, les critères esthétiques ne sont pas forcément pris en compte.
Une autre façon d’interpréter le message du pape François sur les migrants
« Le cardinal Dominik Duka raffermit les gens dans leurs craintes, leur haine et les préjugés, d’où sa popularité auprès de certains extrémistes. » Voilà ce qu’estime l’auteur d’un texte mis en ligne sur le site du journal en ligne Deník Referendum. Celui-ci analyse la façon dont le primas tchèque a interprété dans un commentaire publié sur Internet le message adressé en août dernier par le pape François, en attendant la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié qui sera célébrée le 15 janvier prochain. Nous pouvons lire :« Le pape a présenté sa vision de l’aide à apporter aux migrants et du rôle qui incombe dans cette tâche à l’Eglise dans un message profondément humaniste. Il ne laisse planer aucun doute sur le fait que la protection de la vie, de la santé et la dignité des migrants constituent une priorité absolue. Bien que le message du pape soit parfaitement compréhensible, le cardinal Duka s’est senti obligé de ‘l’expliquer’ aux lecteurs tchèques en désinterprétant ou en omettant certains passages... Cette approche semble correspondre à la perception qu’a le cardinal de la situation actuelle en matière de migration. Il considère les migrants musulmans d’abord comme une menace pour notre civilisation et notre culture ».
Deník Referendum, journal de gauche, rappelle également que, contrairement aux positions conformistes qu’il défend aujourd’hui, Dominik Duka a été un homme courageux sous le régime communiste, emprisonné pour ses convictions dans le même établissement pétitentiaire que Václav Havel.