Mise en place de trois nouvelles cloches à Notre-Dame-de-Tyn
Les touristes qui sont passé mardi dernier par la place de la Vieille-Ville de Prague, devant l’église Notre-Dame-de-Tyn, auront été témoins d’un événement qui ne se produit certes pas plus d’une fois dans la vie, quand on a de la chance, mais plutôt une fois par siècle ou millénaire. Il ne s’agissait rien de moins que de la suspension de trois cloches de grande taille en haut des clochers, à 55 mètres de hauteur. Les émotions étaient fortes compte tenu de l’importance de l’événement par rapport au passé et au futur : Notre-Dame-de-Tyn est la deuxième cathédrale de Prague et les cloches qui viennent d’être installées sonneront du haut des clochers pendant des siècles à venir.
La plus petite des cloches, Saint-Jean-Népomucène, pèse de 300 kg, Sainte-Ludmila est plus lourde de 200 kg. En regardant le travail des grues, on se demande comment les bâtisseurs médiévaux parvenaient à suspendre les cloches dans les tours des églises. Notre guide l’explique :
« Ils étaient capable de le faire, par exemple la grande cloche gothique dans la tour sud de cette église s’y trouve depuis 1540. Les cloches étaient suspendues dans les tours dans le cadre de la construction de celles-ci, l’emplacement de la cloche était prévu durant les travaux mêmes. »Les travaux de construction de l’église Notre-Dame-de-Tyn ont commencé en 1365 sous la conduite de l’architecte français, Mathieu d’Arras, avec l’aide de Petr Parléř. La nouvelle dominante de la place de la Vieille-Ville a remplacé une ancienne église romane du XIIe siècle. Les clochers de l’église de 80 mètres de haut ont été terminés par Matěj Rejsek, en 1511, sous le règne de Georges de Poděbrady. Symbole de l’opposition entre catholiques et protestants, Notre-Dame-de-Tyn a été jusqu’en 1621 l’église des Hussites.
Un calice d’or, symbole hussite, représenté sur le pignon, a été enlevé après la bataille de la Montagne blanche, en 1621 et remplacé par une représentation de la Vierge en signe de la victoire de la Contre-Réforme. En 1626, une foudre a endommagé la voûte rénovée dans le style baroque qui composera désormais l’intérieur de l’église. Les peintures d’autel sont l’œuvre du plus célèbre peintre baroque tchèque Karel Škréta. L’astronome danois Tycho Brahé à la cour de Rodolphe II, mort en 1601, y est enterré. A la fin du XIXe siècle, l’écrivain Franz Kafka alors encore enfant, habitant une maison intégrée dans l’enceinte de la cathédrale, suivait les messes par une fenêtre creusée dans son mur.Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les cloches de cette église, de même que de la plupart des autres dans le pays, ont été confisquées pour être coulées et transformées en armes. Ecoutons notre guide, Štěpán Filipec :
« Depuis la fin de la guerre, la place des cloches confisquées est restée vacante et ce n’est qu’après 1990 que l’Eglise est dans une situation où elle peut commander de nouvelles cloches en commençant par les plus importantes. En effet, Notre-Dame-de-Tyn est la principale cathédrale de Prague juste après la cathédrale Saint-Guy et il est donc naturel qu’elle soit dotée de nouvelles cloches, à part celle de Sainte-Marie qui n’avait pas été réquisitionnée en raison de son gros poids : 6,5 tonnes. Dans notre époque pressée, les cloches sont une référence, un rappel de ce qu’il n’y a pas que le plan horizontal, mais aussi vertical – en émettant leur son, les cloches rappelleront aux passants qu’ils ne sont pas seuls sur la Terre… »Et quand pourra-t-on entendre pour la première fois le battant des nouvelles cloches de Notre-Dame-de-Tyn ? Le pasteur Štěpán Filipec espère que ce sera dès le 25 mars prochain :
« Nous comptons que ce sera pour la première fois pendant les fêtes de Pâques, lorsque nous fêterons la résurrection : c’est à midi lors du dimanche pascal que toutes les cloches devraient sonner du haut de Notre-Dame-de-Tyn. »
Dans les pays tchèques, les cloches jouissaient d’un grand respect, de même que le métier de fondeur de cloches. Sous le règne de Charles IV, qui a constitué un nouvel ordre des métiers à Prague, la fonte des cloches était effectuée encore par des potiers d’étain, avant d’être confiée aux fondeurs de cloche qui ont créé à Prague leur corporation. Les premiers ateliers se trouvaient dans la rue Zvonařská, actuelle rue Jungmanova. Le plus célèbre fondeur pragois s’appelait Brikci. Le secret de la production des cloches se transmettait de génération en génération. Depuis les temps de l’empereur Rodolphe II, au XVIe siècle, jusqu’en 1920, les cloches à Prague étaient coulées par la famille Diepold. Le métier de fondeur a atteint son apogée au XVIe siècle. C’est alors qu’est née la plus grande cloche, Sigismond, suspendue dans la tour de la cathédrale Saint-Guy. Après la bataille de la Montagne Blanche, les familles tchèques de fondeurs ont commencé à disparaître. Les cloches étaient importées des ateliers étrangers, notamment allemands, et cette situation a duré pratiquement jusqu'au début du XXe siècle. En dépit de la tradition interrompue, deux grands ateliers de fondeur se sont maintenus jusqu’à présent en Bohême et en Moravie : à Brodek, près de Přerov, c’est la famille Dytrych, et à Zbraslav, dans la banlieue de Prague, les cloches sont fondues par la famille Manoušek.