Mostra de Venise 2022 : deux coproductions tchèques et « L’Oreille » de Kachyňa
La sélection de la 79e Mostra de Venise a été annoncée. Parmi les films hors section principale, deux coproductions impliquant des sociétés de production tchèques. Et un trésor de la cinématographie tchécoslovaque dans la section Venice Classics.
Le Festival international du film de Venise a annoncé mardi 26 juillet les films au programme de sa 79e édition, qui se tiendra du 31 août au 10 septembre et s’ouvrira avec le film américain « White Noise », de Noah Baumbach, qui est une adaptation du roman « Bruit de fond » de Don DeLillo.
La section principale de la compétition comprendra cette année 23 films, dont 10 productions américaines et 7 françaises. Pas de film tchèque, donc. On trouve néanmoins deux coproductions tchèques dans la section Orizzonti (Horizons).
Coproduction tchéco-slovaque, le film « Oběť » (« La victime ») raconte l’histoire d’Irina, une mère célibataire ukrainienne vivant dans une ville de province tchèque et qui est prête à tout pour le bien de son fils unique. Lorsqu’elle apprend qu’il est hospitalisé, gravement blessé après une agression apparemment gratuite, elle décide de se battre pour faire la lumière sur cette attaque. Son combat bouleverse le voisinage et la société dans son ensemble, mais également la relation entre la mère et le fils, notamment lorsque ce dernier décide de lui raconter ce qui s’est réellement passé lors de cette nuit fatidique…
Ce premier long métrage du Slovaque Michal Blaško, qui sortira dans les salles tchèques le 6 octobre, est inspiré d’une histoire vraie. Tourné sous forme de portrait intimiste et authentique, il montre comment un mensonge de gosse peut aisément enfler jusqu’à provoquer une vague de réactions xénophobes passionnelles, et comment notre société peut faire déchoir une de ses mascottes pour en faire une caricature en l’espace d’un instant.
La section Orizzonti présentera également une coproduction romano-franco-gréco-bulgaro-tchèque du réalisateur roumain Mihai Mincan, connu jusqu’à présent pour ses documentaires. « To the North » est donc son premier film de fiction. On y suit un marin philippin croyant qui travaille sur un transatlantique et tombe un jour par hasard sur Dumitru, un jeune passager clandestin roumain. Emu par le fait que Dumitru, effrayé, serre une Bible dans ses mains, le marin se lance dans un jeu dangereux afin de sauver la vie du garçon.
Comme l’autre coproduction tchèque présentée à la Mostra de Venise, le film « To the North » est inspiré d’un événement survenu en 1996, impliquant un marin philippin travaillant sur un porte-conteneurs taïwanais ainsi qu’un passager clandestin d’Europe de l’Est. Par ailleurs, l’un des cousins du réalisateur a de cette façon navigué illégalement vers les Etats-Unis, et Mihai Mincan a expliqué qu’il lui avait ensuite confié comment « la grande peur qui l’avait tenaillé tout du long, celle d’être découvert et jeté dans l’océan, l’avait transformé en une personne totalement différente, une sorte de bête humaine, prête à renoncer à toutes ses valeurs morales dans un seul et unique but : survivre ».
Enfin, les amateurs de cinéma tchécoslovaque plus classique et moins co-produit auront le plaisir de voir – ou de revoir – dans la section Venice Classics, le film « Ucho » (« L’oreille ») de Karel Kachyňa. Fini de tourner en 1970, il a été interdit de diffusion, et n’est sorti dans les salles qu’en juin 1990. Il faut dire que ce drame psychologique intime – qui comporte également des éléments de satire, de farce, de burlesque, de film policier et même des moments hitchcockiens – aborde un thème ô combien sensible à l’époque de sa réalisation : celui de la surveillance des citoyens tchèques et slovaques par le régime communiste, et notamment des membres du parti et personnalités politiques haut placées.
En effet, dans les années 1950 et 1960, la devise était « Fais confiance, mais contrôle ». C’est pourquoi étaient installés dans les villas des hauts fonctionnaires tels que Ludvík, vice-ministre et héros du film « Ucho », des dispositifs d’écoute appelés couramment « oreilles ». Ils permettaient à la sécurité d’Etat de contrôler ces personnes jusque dans leur intimité.
Ces dernières années, la section Venice Classics avait présenté d’autres films tchécoslovaques tels que « Extase » de Gustav Machatý en 2019, et « Černý Petr » (« L’As de pique ») de Miloš Forman en 2017.