Mozart et Myslivecek : histoire d'une amitié
Parmi les nombreux amis tchèques de Mozart, on compte Josef Myslivecek - un génie musical qui s'est établi en Italie. Ils se sont rencontrés pour la première fois en 1770, à Bologne, une ville très prestigieuse au niveau musical. Myslivecek, surnommé par les Italiens Il Bohemo, est venu y présenter l'un de ses trente opéras italiens. Il avait 33 ans. Mozart, âgé de 14 ans et accompagné par son père, était alors « en tournée » en Italie.
Très vite, Josef Myslivecek, les deux Mozart et même la soeur de Wolfgang, Nannerl, se sont liés d'amitié. Pendant plusieurs années, ils ont entretenu une riche correspondance, ils s'envoyaient non seulement des lettres, mais aussi des copies de partitions. Proches musicalement et personnellement, Mozart et Il Bohemo avaient, pourtant, des destins bien différents. Ecoutez le musicologue Stanislav Bohadlo qui a étudié la correspondance des deux amis :
« Le père de Myslivecek était meunier de profession. Donc ni lui, ni personne n'a aidé le fils au début de sa carrière. Tous les succès de Josef Myslivecek sur la scène musicale italienne ont été accomplis au prix de nombreux sacrifices. Sa vie est jalonnée de moments difficiles, il a vécu dans une misère quasi permanente. Tandis que Mozart était, au moins du temps de son enfance, couché sur un lit de roses, pour ainsi dire. Et tout cela grâce à son père qui était un musicien extraordinaire et très bien établi dans le milieu musical. Ce qu'ils ont en commun, c'est sans doute un grand amour pour la musique, un immense désir de composer qui n'est pas un caprice, mais une véritable vocation. Tous les deux auraient pu choisir un chemin plus simple, mais ils ont choisi justement celui qui était le plus compliqué. »
Stanislav Bohadlo est auteur de l'ouvrage le plus complexe et détaillé qui existe en tchèque sur la correspondance de Josef Myslivecek. Il y a brisé une image stéréotypée et idéalisée que les musicologues se faisait avant de l'amitié entre Myslivecek et les Mozart père et fils. Après s'être échangés de nombreuses lettres, Myslivecek et le jeune Mozart se rencontrent, en 1772 à Milan et, cinq ans plus tard, à Munich. Mais cette dernière fois, ce sera dans un contexte assez triste : gravement malade, Myslivecek est hospitalisé, son visage étant déformé suite à une intervention chirurgicale. Il promet pourtant à Mozart de l'aider à obtenir un poste stable à Naples - une promesse qui restera inaccomplie. Elle marquera une rupture entre lui et Leopold Mozart notamment, qui, auparavant, proposait les compositions de Myslivecek à la cour archiépiscopale de Salzbourg. De plus, Mozart senior est persuadé que Myslivecek souffre de la syphilis et le dit responsable de son état de santé désastreux. Et Wolfgang Amadeus, dans tout cela ? Lui aussi gardait le silence et ne fréquentait plus son ami, et pourtant... Ecoutez Stanislav Bohadlo :
« On peut déduire des lettres de Mozart qu'il est intervenu à plusieurs reprises auprès de la cour du prince-archevêque à Salzbourg et a recommandé Josef Myslivecek en tant que maître de chapelle idéal de l'orchestre archiépiscopal. Dans une de ses dernières lettres, il reproche à l'abbé Bullinger d'être passé à côté de cette occasion unique, car, écrit-il, 'Myslivecek aurait donné à la musique de la cour de Salzbourg une toute autre dimension.' »
Ajoutons que Josef Myslivecek est mort à l'âge de 44 ans, à Rome, complètement isolé de la société.