Musique, films et vente en ligne en République tchèque
La plupart des médias américains ont vu avec nostalgie l'annonce, par Tower Records, de la fermeture prochaine de ses 89 magasins. Entièrement digitalisé, le plus grand détaillant américain de musique mise tout sur Internet et iTunes. L'âge du tout numérique gagne sans conteste du terrain et, au début 2006, les ventes de musique en ligne ont doublé. Elles représentent, au niveau international, 11 % des sources d'enregistrement de musique. Parallèlement, les ventes traditionnelles de disques ont baissé de 10 %. Le phénomène n'épargne pas la République tchèque.
S'il n'existe pas encore de chiffres officiels quant au nombre de sociétés de vente de musique en ligne en République tchèque, une chose est sûre : ici aussi, les magasins électroniques viennent révolutionner le marché et le magasin traditionnel. Preuve de la maturité du secteur, les acteurs du business on line sont regroupés dans une Association du Commerce Electronique, l'APEK.
Inspiré par le logiciel de télécharchement musical de Apple, iTunes, l'opérateur Vltava Stores a lancé sa boutique en ligne, Allmusic.cz, un site internet qui devrait fournir, d'ici la fin de l'année 2006, 500 000 enregistrements disponibles pour le téléchargement. Le marché national s'ouvre entièrement puisque iTunes n'accepte, en général, pas les cartes bancaires tchèques. En 2005, les Tchèques ont consacré 10 milliards de couronnes aux services en ligne, soit 40 % de plus qu'en 2004.
Vltava Stores gère 5 boutiques en ligne et devrait bientôt rajouter l'anglais sur ses sites. Parmi ceux-ci, Vltava.cz, considéré comme le doyen des sites tchèques de vente en ligne (il remonte à 1996). Depuis ses débuts, la société a fait bien du chemin. Nommée à l'époque Computer Press, elle dégageait alors 100 000 couronnes de chiffre d'affaires. Aujourd'hui, ceux-ci atteignent, pour 2005, les 420 millions de couronnes (15 millions d'euros) ! Ses principaux concurrents sont les opérateurs de Kasa.cz ou encore de Obchodni-dum.cz.Folie des grandeurs ? Vltava Stores ne lésine pas sur les moyens publicitaires. Pour la troisième année consécutive, la société a distribué 1 millions de prospectus dans toute la République tchèque lors du dernier Noël. Et pour ses 10 ans d'existence, elle a créé des vidéos publicitaires diffusés à bord des autocars de la société Student Agency, opérant entre Prague et Brno. Lucide, le patron d'Internet Mall, leader sur la vente en ligne et principal concurrent de Vltava Stores, prétend que l'enjeu, avant même la qualité des services, c'est la force publicitaire. Vltava Stores a déjà fusionné avec certains de ses concurrents, comme InternetShops et Cybex Ditribution. Et elle ne cesse d'être courtisée : plusieurs sociétés auraient déjà proposé de rentrer dans son giron et de se faire racheter.
En 2005 et 2006, à deux reprises, Vltava Stores s'est vu décerné le prix du Commerçant Online de l'année. Présente sur le marché Internet slovaque, la société ne compte pas s'étendre au-delà à moyen terme. En revanche, elle devrait acquérir de plus en plus de sociétés concurrentes d'ici les deux prochaines années. Avant de bâtir les étages, ne faut-il pas solidifier les fondements ? Pour l'année 2006, la société table sur une croissance de 30 %, et comme chaque année, la période de Noël fera figure de test.
Face à un marché prometteur, la seule ombre au tableau pour les sociétés de vente en ligne, c'est le piratage. En 2003-2004, l'Union européenne et l'Association Internationale de la Propriété intellectuelle avaient déjà critiqué les clubs de propriétaires de CD, apparemment une spécificité et un cas unique en République tchèque. Il s'agit d'associations de particuliers, possédant généralement une boutique ayant pignon sur rue. Des avocats avaient alors rassemblé un volumineux dossier, démontrant que ces clubs pratiquaient de manière intensive le piratage, c'est-à-dire le copiage de CD. Cette pratique représente à terme une sérieuse menace pour l'industrie du disque. En 2003, les autorités avaient établi à 370 000 le nombre de CD piratés en République tchèque. Soit un manque à gagner de plus de 90 millions de couronnes.
Il y a une dizaine de jours, l'Union tchèque Anti-Piratage, la CPU, a sollicité de la part des médias une diffusion de leur nouvelle campagne contre le partage de films sur Internet et l'achat au noir de copies de DVD. A cette occasion, elle a lancé son site Internet (www.filmynejsouzadarmo.cz), avec comme slogan : les films ne sont pas gratuits. Selon les chiffres du CPU, sur tous les films détenus en République tchèque, 40 % seraient piratés. La vente totale de DVD est estimée pour l'année 2006 à 2 millions, soit 250 000 de moins que l'année dernière. Les risques pénaux encourus par les pirates sont bien réels : 2 ans de prison et une amende allant jusqu'à 5 millions de couronnes. Mais les peines sont rarissimes.
Au début du mois, d'autres acteurs des nouvelles technologies ont décidé de prendre des mesures. Il ne s'agit pas de l'industrie de la musique mais de celle des logiciels informatiques. L'Alliance du Logiciel Commercial a débuté une campagne anti-piratage tandis que Microsoft parfait son système de contrôle des ordinateurs et de détection des logiciels copiés. Mais ce sont aussi, individuellement, les fabricants de logiciel qui ont décidé de se mobiliser.