N’ayez pas peur de l’opéra

N’ayez pas peur de l’opéra

«  Maintes fois nous avons essayé de transmettre notre amour de l'opéra aux personnes qui, comme nous en étions convaincus, n'étaient pas à l’abri d'une telle contagion,  » peut-on lire dans la préface du livre que ses auteurs Jan Jiráň et Robert Rytina ont intitulé Nebojte se opery - N'ayez pas peur de l'opéra. Dans douze chapitres consacrés à une douzaine d'opéras célèbres, les auteurs évoquent les sommets de l'art lyrique et tentent de démontrer que les livrets d'opéra ne sont pas aussi naïfs et bêtes comme on le croit souvent.

Douze récits d'opéra pour tout un chacun

Qu'est-ce que l'opéra ? Faut-il le considérer plutôt comme une pièce de théâtre ou comme une composition musicale ? Est-ce la musique ou la parole qui est décisive pour la qualité et pour le succès d'une œuvre lyrique ? Ce débat qui dure depuis la naissance de l'opéra en Italie au XVIIe siècle, ne sera probablement jamais résolu parce que l'opéra est un art vivant qui reflète une grande diversité d'opinions, de goûts et de styles. Jan Jiráň, co-auteur du livre qui a pour sous-titre «  Douze récits d'opéra pour tout un chacun  », tient compte de l'importance de la parole et de l'élément dramatique dans l'art lyrique et cherche à réhabiliter le livret d'opéra :

Jan Jiráň | Photo: Elena Horálková,  ČRo

«  Je pense que l'opéra est aujourd'hui couvert d'une couche de méfiance et que son public est souvent assez rigide et un peu sclérosé. Il faut seulement se débarrasser de certains préjugés. En écrivant les synopsis de tous ces opéras, je me suis toujours rendu compte que le sujet était encore plus fort que je ne le pensais.  »

L'opéra conçu comme un art populaire

Photo: VitVit,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

Jan Jiráň refuse de considérer l'opéra comme un genre exclusif destiné à un public particulier. Bien sûr, il ne peut pas nier que l'art lyrique est né dans les milieux aristocratiques comme un divertissement magnifique et onéreux pour un public privilégié, mais il insiste plutôt sur les aspects et les tendances démocratiques qui se sont manifestés également dans l'histoire de l'opéra :

«  On oublie qu'aux XVIIIe et XIXe siècles, il n'y avait ni la télévision, ni la radio, et l'opéra était un art populaire comme aujourd'hui la musique pop. Les gens dans la rue sifflaient des airs d'opéra de Mozart et il ne s'agissait pas seulement d'intellectuels ou de musiciens mais aussi de gens ordinaires. Mes grands-parents chantaient encore couramment des airs d'opéra qui faisaient partie de la musique populaire.  »

La Fiancée vendue en versions chantée et parlée

'N’ayez pas peur de l’opéra' | Photo: Radioservis

Le livre N'ayez pas peur de l'opéra paru aux éditions Radioservis est l’aboutissement d'une assez longue gestation. Celle-ci commence en 2013 par le lancement d'un disque qui présente l'opéra La Fiancée vendue de Bedřich Smetana dans une version mi-parlée mi-chantée. Jan Jiráň et Robert Rytina ont transformé le célèbre opéra en une pièce de théâtre d'un genre spécial. Les dialogues et les monologues confiés à des comédiens de théâtre dramatique alternent sur le disque avec les airs les plus populaires de l'opéra interprétés par des chanteurs professionnels.

Robert Rytina | Photo: Petr Veber,  ČRo

Cette tentative de mettre en relief l'intrigue de cette œuvre qui est le pilier du répertoire lyrique tchèque, est très bien accueillie par le public et devient un instrument de l'enseignement d'histoire de la musique appréciés aussi bien par les écoliers que par leurs parents. Le succès encourage les deux auteurs à récidiver. Ils finiront par traiter de la même façon douze opéras du grand répertoire et les synopsis de ces mêmes œuvres seront racontés et développés finalement par Jan Jiráň aussi dans son livre :

Photo repro: Václav Richter,  Jan Jiráň,  Robert Rytina,  'Nebojte se opery'/Radioservis

«  Dans notre livre nous racontons le sujet de chaque opéra sur quelque vingt-cinq à trente pages. C'est donc l'action de l'œuvre dans sa complexité y compris les dialogues. Enfant, j'aimais les livres où il y avait beaucoup de dialogues que je récitais pour moi-même en adaptant ma voix aux différents personnages et j'ai profité de tout cela dans ce livre. Il y a donc beaucoup de dialogues et pas seulement de l'action. En écrivant ces histoires je me suis rendu compte qu'elles étaient beaucoup plus profondes et plus dramatiques que je ne le supposais.  »

Une série de douze sommets de l'art lyrique

Les grands sujets et les grands personnages immortalisés par la musique défilent devant le lecteur qui trouve donc dans le livre l'histoire de Mařenka, héroïne de l'opéra La Fiancée vendue de Bedřich Smetana, qui se croit trahie par son amant, mais aussi le drame de Rusalka, ondine qui a eu le malheur de tomber amoureuse d'un homme et pour laquelle Antonín Dvořák a composé le célèbre Chant à la lune.

Photo repro: Václav Richter,  Jan Jiráň,  Robert Rytina,  'Nebojte se opery'/Radioservis

«  L'opéra évoque toujours l'amour, la haine, le pardon et la générosité car les gens sont toujours pareils,  » dit Jan Jiráň et illustre ses paroles en racontant dans son livre l'action d'autres grandes œuvres lyriques sans oublier Carmen de Georges Bizet, Don Giovanni et la Flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart, Le Barbier de Séville de Gioacchino Rossini, La Traviata de Giuseppe Verdi, Turandot de Giacomo Puccini, Jenůfa de Leoš Janáček et d'autres titres. Il explique les critères de cette sélection :

Photo repro: Václav Richter,  Jan Jiráň,  Robert Rytina,  'Nebojte se opery'/Radioservis


«  Nous avons choisi surtout les opéras qui sont souvent présentés dans les théâtres tchèques pour donner aux enfants et aussi aux adultes la possibilité de lire ces textes avant d'aller voir au théâtre par exemple Rusalka, Turandot ou Carmen. Et nous avons aussi cherché à équilibrer un peu notre choix et avons sélectionné six opéras comiques et six drames lyriques.  »

Le talent des librettistes

Photo repro: Václav Richter,  Jan Jiráň,  Robert Rytina,  'Nebojte se opery'/Radioservis

De nombreuses notes, remarques et photos accompagnent cette excursion dans le monde merveilleux de l'art lyrique qui enchante les uns et décourage les autres. Il en résulte que l'opéra est donc à la fois une œuvre musicale et littéraire et que les meilleurs opéras ont été créés grâce aussi au talent d'excellents librettistes. Sans nous joindre à la dispute de ceux qui s'interrogent depuis des temps immémoriaux s'il faut accorder la primauté à la musique ou à la parole, nous pouvons conclure, et le livre de Jan Jiráň et de Robert Rytina le confirme, qu'un bon opéra ne peut naître que dans une fusion de la musique et de la littérature et que cette fusion rare et magique est un des grands secrets de l'art.

Photo repro: Václav Richter,  Jan Jiráň,  Robert Rytina,  'Nebojte se opery'/Radioservis
Auteur: Václav Richter
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