La plus grande affaire antisémite tchèque revit en Moravie
Un Musée juif régional vient d'être ouvert dans le village de Polna, en Moravie du sud, dans une synagogue récemment rénovée. Son inauguration se range parmi les événements le plus importants des Journées du patrimoine européen. Plus de détails avec Magdalena Segertova.
Ce n'est pas par hasard que le nouveau musée juif en République tchèque se trouve à Polna. Ce petit village sur le Plateau tchéco-morave s'est inscrit tristement dans l'histoire du pays, et ceci par une vague immense de manifestations de l'antisémitisme, vague qui a submergé, il y a plus de cent ans, les villes tchèques et moraves, ainsi que toute l'Europe. Cette hystérie collective est connue sous le nom de "hilsneriade". Qu'est-ce qui s'est passé donc, en 1899, à Polna? Dans une forêt près du village, une jeune fille chrétienne a été assassinée. On a tout de suite parlé d'un meurtre rituel et la bête noire a été immédiatement montrée du doigt - un vagabond juif, Leopold Hilsner. Sur la base de témoignages contestés, il a été condamné à perpétuité et, après 19 ans de prison, libéré grâce à une amnistie du dernier empereur de l'empire austro-hongrois, mais aussi grâce à l'intervention du futur Président tchèque, Tomas Garrigue Masaryk.
Le musée de Polna est le seul à rappeler, par la presse de l'époque par exemple, cette hystérie antisémite qui accompagnait le procès : des magasins juifs ont été endommagés, leurs maisons pillées, les ouvriers des usines en possession des juifs faisaient la grève... Et comment les juifs se sont-ils, en fait, retrouvés à Polna? Chassés, au 16e siècle, de Jihlava, ville située à proximité, ils y ont trouvé un refuge, construit un ghetto et une synagogue abritant aujourd'hui le musée. Après l'affaire Hilsner, une centaine de juifs sont restés à Polna, 600 ayant quitté le village. Plus triste encore, cinq femmes seulement y sont revenues des camps de concentration nazis.
Le destin de la synagogue a été, lui aussi, mouvementé. Fermée en 1941, elle tombait en ruine. Il y a dix ans, les habitants de Polna ont initié sa rénovation. La synagogue est d'autant plus unique, qu'elle se trouve dans l'un des trois ghettos juifs en Tchéquie qui ont été conservés. Parmi les invités à l'inauguration du musée, l'ambassadeur de France en République tchèque, Philippe Coste, heureux que la France ait pu aider à sauver un si beau monument historique. En effet, le gouvernement français a investi dans la rénovation des monuments juifs en Tchéquie 4 millions de couronnes. L'ambassadrice d'Israël, Erella Hadar, a apprécié surtout la collection du musée, consacrée à la communauté juive de Polna et, évidemment, à Léopold Hilsner. D'ailleurs, sa faute n'a jamais été prouvée.