L'instant de vérité
Grâce au match nul (3-3) face au Canada, les hockeyeurs tchèques terminent deuxièmes de leur groupe. Jeudi, en quarts de finale, ils affronteront la Russie. La République tchèque toute entière retient son souffle... Guillaume Narguet aussi.
Depuis quelques jours, c'est avec des yeux cernés par la fatigue que le supporter tchèque se rend le matin au travail ou à l'école. Du fait du décalage horaire, les matchs du tournoi de hockey sur glace des jeux Olympiques de Salt Lake City se déroulent en effet tard dans la nuit. Pourtant, chaque fois, à quelques minutes du coup d'envoi, c'est le même phénomène, magique, mais mystère impénétrable pour l'étranger peu au fait des us et coutumes en Tchéquie, qui se reproduit: les immeubles monstrueusement gris des cités semblent lentement se réveiller, un à un, derrière chaque fenêtre, les lumières des écrans de télévision se remettent à briller. Dans les brasseries, restées exceptionnellement ouvertes, les gorges se font plus sèches et l'or du pays, la bière, indissociable du hockey et indispensable, pour tout fan qui se respecte, au bon déroulement de la partie, coule alors à flots. Le pays n'a plus d'yeux que pour ses protégés, le petit poucet tchèque défendant l'honneur de la patrie en danger face à l'ogre canadien, russe ou américain. Puis, on en reste bouche bée. Le match contre la Suède avait déjà donné un aperçu du niveau du tournoi. Et ce mardi, le choc face au Canada a de nouveau été une démonstration de ce qui se fait de mieux en hockey: des buts, mais aussi des prouesses du gardien de but tchèque Dominique Hasek, des renversements de situation au tableau d'affichage, des mises en échec, des exploits techniques, bref, un drame comme l'espéraient les amoureux de hockey. Surtout, ce fut une véritable opposition de style. A celui tout en puissance des Canadiens, les Tchèques ont répondu avec leurs armes traditionnelles grâce à des joueurs excellents patineurs au service d'un jeu riche en combinaisons. A l'arrivée, les deux équipes se sont quittées dos à dos sur un score de parité de trois buts partout, devant un public accompagnant debout leur sortie de la glace. En quarts de finale, les Tchèques se mesureront à leur rival historique, l'ennemi russe. Rencontre qui constituera une revanche de la finale des précédents Jeux de Nagano au terme de laquelle la Tchéquie avait conquis la médaille d'or grâce à un but de son défenseur Petr Svoboda, dont le nom, traduit en français, signifie "Liberté". Tout un symbole, dans l'histoire de ces confrontations dont certaines, notamment celle de 1969 au lendemain du Printemps de Prague, restent pour toujours gravées au plus profond de la conscience collective tchèque.