Le château de Sychrov
Nous aimerions vous présenter aujourd'hui l'un des joyaux culturels de notre pays, le château de Sychrov, en Bohême du nord, dont l'histoire est étroitement liée à la France, à travers les ducs de Rohan, venus s'installer ici, après la Révolution française.
La Bohême du nord est une région riche en monuments de tous les styles. Parmi les châteaux féodaux, la résidence de Sychrov est en quelque sorte exceptionnelle. Dès à premier abord, son architecture trahit les influences françaises. Les connaisseurs y remarqueraient une inspiration par le château Josselin, en Bretagne, ce qui n'est point un hasard. Les Rohan, propriétaires de Josselin depuis 1407, sont venus, après la Révolution française, s'installer en Bohême protestante, choisissant Sychrov pour leur résidence.
L'évolution architecturale du château de Sychrov est relativement récente. Au milieu du XVIIème siècle, il n'y avait là encore qu'une ferme et une modeste résidence datant du XIVème siècle. Après la bataille de la Montagne Blanche, prélude de la Guerre de Trente ans, ce manoir s'est considérablement délabré et ce n'est qu'en 1690, qu'il a été remplacé, sous Jean-Jacques de la Motte, par un petit château baroque. Celui-ci a survécu, avec quelques aménagements architecturaux, à tout le 19ème siècle, après avoir été acquis, par les comptes de Wallenstein.
En l820, Sychrov a été acheté par le prince Charles-Alain de Rohan, le premier de la lignée qui devait lui imprimer son aspect actuel trahissant l'empreinte de la maison des Rohan en Bretagne, et qui devait rester son propriétaire pendant 125 ans, jusqu'en 1945. Après 1948, Sychrov a été nationalisé et il reste, même aujourd'hui, un château appartenant à l'Etat.
Charles-Alain de Rohan a procédé à la première reconstruction du château de Sychrov, alors encore baroque, en 1822. Entre autres, l'aile orientale a été surélevée et le château a acquis certains traits du classicisme. Environ 10 ans plus tard, ont été ajoutés d'autres corps de bâtiment qui ont constitué, finalement, l'actuelle disposition du château autour d'une cour centrale. L'ancien roi de France, Charles X, vivant alors en exil en Bohême, a été l'un des premiers hôtes, en 1834, dans ce château nouvellement aménagé.
Le propriétaire suivant de Sychrov, Camille, prince de Rohan, s'est inscrit dans l'histoire de cet ouvrage par une reconstruction importante qui a duré, à partir de 1847, presque 30 ans. La conception néogothique, qui était alors à la mode, s'y est imposée. Il est naturel que chez les Rohan français, les réminiscences du moyen âge aient été liées avec le gothique français dont l'influence s'est fait sentir aussi à Sychrov. Les caractères les plus marqués de cette reconstruction résidaient dans l'emplacement des deux tours dominantes, la Tour cylindrique de Bretagne, et la Tour carrée des Rohan. Tous les bâtiments annexes du château ont été habillés d'éléments néogothiques, de sorte qu'on a réussi à doter d'un effet harmonieux tout l'ensemble du château, autrement assez simple.
L'équipement intérieur du château est beaucoup plus fastueux. La conception pseudo-gothique de l'architecture y est combinée, avec beaucoup de goût, au style en vogue à l'époque, le "second rococo", inspiré de l'exubérance des formes du style Louis XV authentiques. Il faut souligner que le décor des intérieurs a été confié à des artistes tchèques.
L'aménagement actuel des espaces du château respecte les particularités caractéristiques de l'architecture des intérieurs de Sychrov. Parmi les objets qui y sont exposés, on compte, en premier lieu, une collection de tableaux totalisant plus de 200 pièces et représentant une galerie quasi complète de personnages plus ou moins éminents de l'histoire de la France, y compris de nombreux membres de la famille des Rohan et des souverains de France. Ce sont soit des originaux, soit des répliques de tableaux plus anciens. Parmi les oeuvres d'art qu'on trouve à Sychrov, l'attention du visiteur est captivée par l'imposante statue de marbre blanc, représentant Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lorraine, qui conduisait l'armée des chevaliers français à la première croisade et qui, après la prise de Jérusalem, en 1099, a été élu souverain.
Les murs des salles sont recouverts de tentures de velours originales, portant les emblèmes princiers - hermine de Bretagne et les fleurs de lis de France. Les intérieurs, ainsi que les murs extérieurs de Sychrov, sont ornés des armoiries de familles nobles françaises. Les plafonds sculptés avec art, les lambrissages des murs, les peintures sur vitraux, la riche bibliothèque et beaucoup d'autres objets d'art méritent également l'attention du visiteur.
Le parc de Sychrov, fondé par Charles-Alain de Rohan, et achevé par son successeur, fait partie intégrante du château. Camille de Rohan, en procédant à son extension, n'était pas guidé par les aspects esthétiques: en tant que botaniste et surtout dendrologue de renom, il avait des aspirations scientifiques. Il a fait réaliser les plans des jardins par deux spécialistes locaux qui ont réussi à créer un type de parc à l'anglaise où ont été réunies, à l'époque de sa grande réputation, dans les années soixante-dix du XIXème siècle, quelques 400 espèces et formes de conifères et environ 1500 espèces d'essences à feuilles caduques dont l'ensemble produisait un effet esthétique incomparable.
Notre description du château de Sychrov serait incomplète si nous n'indiquons pas la place qu'il occupe dans la tradition musicale de la nation tchèque. Sychrov est lié à plusieurs séjours du compositeur Antonin Dvorak, qui venait visiter son ami, Antonin Göbel, commissaire du domaine de Sychrov. Dvorak y est venu très souvent, entre 1877 et 1896, il y a composé plusieurs oeuvres, par exemple le concerto pour violon en la mineur qui a accompagné notre programme. Une salle portant le nom Dvorak et une plaque commémorent les séjours du compositeur à Sychrov.