Une visite du ghetto juif de Trebic inscrit sur la Liste de l'UNESCO

Trebic - Zamosti

Le quartier juif de Trebic et la basilique Saint-Procope de cette ville de Moravie occidentale sont, depuis le 3 juillet, le XIIe site tchèque inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. C'est sans doute une raison suffisante pour nous y rendre.

Trebic est une ville discrète de 39 000 habitants, située dans la partie occidentale de la Moravie du sud. Après deux heures de voyage en voiture, on quitte l'autoroute Prague - Brno, à la sortie de Valaske Mezirici. Il faut encore parcourir quelques 20 kilomètres pour arriver dans la ville de Trebic. Son inscription sur la Liste de l'UNESCO y fait, déjà, venir une foule de touristes, de Prague et d'Autriche notamment, nous dit l'adjoint du maire, Jan Karas, qui nous a accueillis et servi de guide, avec Lubor Herzan, architecte. Les deux affirment ne pas avoir osé espérer ce succès. Le principal argument pour - l'état original des deux sites, l'un qui est juif - le ghetto, deux synagogues et le cimetière, et l'autre, chrétien, la basilique Saint-Procope, datant de 1260.

Deux ponts mènent de la place centrale de Trebic au quartier juif qui s'étend le long de la rivière Jihlava et est appelé par les habitants de Trebic -V Zidech - aux Juifs ou encore Zamosti - derrière les ponts. En regardant le ghetto du pont, on est surpris par sa grandeur, par l'entassement de maisons minuscules et par leur architecture typique qu'on ne trouve nulle par ailleurs. Certaines maisons sont déjà réparées, leurs façades et leurs toits brillent de neuf. La première maison qui attire notre attention est l'une des plus précieuses. Sur une plaque, nous lisons que son architecture porte les motifs typiques des bâtiments plus riches du ghetto juif: c'est une maison avec, au coin, des arcades, reposant sur une seule colonne massive, et avec un noyau Renaissance. D'autres maisons à côté sont elles-aussi déjà réparées, mais quand on continue plus vers l'intérieur du ghetto, on s'aperçoit de l'état délabré de certains bâtiments. L'architecte Lubor Herzan qui, enfant, jouait dans ces coins obscurs et à qui un grand mérite revient dans la sauvegarde du ghetto, s'en souvient:

"Depuis le milieu du XXe siècle, la ville juive souffrait d'une dégradation. La division de la ville en deux parties, chrétienne et juive, a pris fin: les chrétiens pauvres s'installaient dans le quartier juif alors que les riches Juifs déménageaient dans la ville chrétienne. La frontière entre les deux parties n'était plus religieuse, mais patrimoniale. Tout était négligé dans le ghetto - les conduites d'eau, d'électricité, la canalisation, tout. L'endroit plongeait dans l'obscurité. Plus encore, il se trouvait dans une zone inondable. Des investissements importants n'y étaient déjà plus faits depuis la fin des années vingt du XXe siècle. Paradoxalement, c'était une chance, car le ghetto était épargné d'interventions irréversibles dans sa structure urbanistique et il a pu se maintenir dans son état originel, bien que délabré. Dans les années soixante-dix, il a été décidé de démolir le ghetto et de construire, à sa place, des maisons en panneaux. Heureusement, il n'en a rien été."

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, un tournant s'est produit: la mairie a adopté la vision d'une revitalisation du ghetto. L'architecte Lubor Herzan explique:

"On a pu édifier une nouvelle infrastructure grâce à un prêt que la ville a obtenu de la partie américaine, du programme Muphis. La somme de 40 millions de couronnes a permis de construire un système anti-inondations. C'était une condition indispensable pour que la vie retourne dans le ghetto juif."

Dans quelle mesure les maisons sont-elles habitées ? Et est-ce que leurs habitants font face à des limitations découlant de l'inscription du quartier sur la Liste de l'UNESCO ? Ce sont les questions posées à l'architecte Herzan:

"90% des maisons sont en propriété privée. Quant aux limitations, elles existaient déjà avant, car depuis 1990, le territoire faisait partie de la zone municipale protégée, avec toutes les conséquences qui en découlent, et depuis 2002, il a été classé monument culturel national."

Nous voilà arrivés devant une pittoresque maison abritant un café et une boutique d'antiquités. La propriétaire, Pavla Mikesova, nous invite à entrer:

"Nous n'habitons pas dans cette maison, nous y avons aménagé un café spécialisé, unique en son genre à Trebic, proposant 35 sortes de café et d'autres spécialités. L'aménagement des intérieurs du café, au rez-de-chaussée, a été adapté au style d'un café oriental. Au 1er étage, nous avons une boutique d'antiquités. Dans le voisinage immédiat, on a ouvert deux ateliers de céramique vendant leurs produits, une librairie, une galerie... Chaque maison est différente, au fil du temps, leurs noyaux originaux ont été agrandis, de sorte que les maisons forment aujourd'hui un labyrinthe, avec plusieurs entrées et sorties," précise Pavla Mikesova.

Nous quittons sa maison pour arriver dans la grande Synagogue, élevée en 1737, de style Renaissance tardive. Depuis les années vingt du XXe siècle, la synagogue a cessé d'être utilisée à des fins de culte, mais comme un dépôt de marchandises. Une reconstruction complète était nécessaire pour qu'elle retrouve sa beauté d'autrefois. Aujourd'hui, la synagogue présente une véritable merveille de Trebic et elle sert à l'organisation d'expositions et de concerts. L'entrée, sous une voûte d'arête, est reliée à la salle principale par trois arcades. L'espace principal porte des décorations en stucs baroques, les murs sont décorés de textes en hébreu et d'ornements aux motifs végétaux.

A la question de savoir quels sont les originaires célèbres de Trebic, l'architecte Herzan répond que très peu de Juifs - de 10 à 20, sont retournés après la guerre dans la ville. La plus célèbre est sans doute la famille Subak dont les membres vivent aujourd'hui aux USA, en Angleterre, en Ecosse et en Autriche, mais ils viennent régulièrement, chaque année, dans leur ville natale. L'ancienne usine Subak a été dans les années quatre-vingt-dix reconstruite et transformée en logements. Ces 29 nouveaux logements ont également contribué à ce que la vie revienne dans le ghetto juif de Trebic.

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