Le rugby tchèque rêve d'une Coupe du monde
Salut à tous les sportifs et plus particulièrement aux amoureux de rugby. C'est en effet avec l'ovalie tchèque que nous allons continuer de faire plus ample connaissance tout au long de cette émission. Pour cela, trois personnalités majeures d'une activité qui reste mineure en Tchéquie nous serviront de guides : Eduard Krutzner, président de la Fédération tchèque et ancien joueur de Besançon, Michel Bernardin, co-entraîneur français de l'équipe nationale, et son associé, Jan Machacek, l'ancien troisième ligne globe-trotter de l'Association Sportive Montferrandaise devenu depuis entraîneur-joueur du XV tchèque.
Ce dernier, longtemps porte-drapeau du rugby tchèque à l'étranger, en reste, aujourd'hui encore, la locomotive. A l'issue de la victoire contre l'Espagne, obtenue le 27 mars dernier à Prague dans le cadre du Championnat d'Europe amateurs groupe A, c'est dans un français certes un peu traînant mais sans l'accent auvergnat que Jan Machacek a tracé les contours de sa carrière. Une carrière bien remplie qui a fait de lui l'un des premiers et rares professionnels tchèques de rugby :
« J'ai commencé à jouer ici, en Tchéquie, mais en 1995, je suis parti en Nouvelle-Zélande, à Dunedin, dans la province d'Otago, où j'ai beaucoup appris. Ensuite, de 1996 à 1998, j'ai joué à Newport, au pays de Galles, comme professionnel, avant d'aller en Angleterre où j'ai porté les couleurs de Manchester Sale sous les ordres de John Mitchell, le coach néo-zélandais. Après, je suis revenu pour une saison au pays de Galles, à Pontypridd, et enfin j'ai joué pendant trois ans à Clermont-Ferrand avec Tim Lane et les autres... »
-Comment s'est passé votre séjour là-bas ?
« J'aimais beaucoup la vie en France et à Montferrand, il y avait une très bonne équipe, comme le prouve notre participation à la finale du championnat de France en 2001 au Stade de France. C'était incroyable ! »
-Gardez-vous des contacts à Clermont-Ferrand ?
« Oh, toujours ! Je suis en contact avec Gérald Merceron, Olivier Magne (respectivement demi-d'ouverture et troisième ligne de l'équipe de France), et les autres... »
En juin 2003, après huit ans de vadrouille sur la planète ovale, dont trois au pied du Puy de Dôme, Jan Machacek a donc décidé de rentrer au pays :
« J'étais simplement un peu fatigué de m'entraîner quatre à cinq fois par semaine. Et puis je voulais retrouver tous mes copains ici à Prague pour leur donner, transmettre ce que j'ai appris en France. »
- Le haut niveau français ne vous manque-t-il pas ?
« Un peu, si. Mais que ce soit cette année ou dans deux ans, un jour, il faut s'arrêter. Donc, j'ai choisi la saison dernière et je suis content. »
Revenu, entre autres, pour s'occuper de l'équipe nationale, le flanker tchèque y travaille désormais en collaboration avec Michel Bernardin, l'entraîneur français de Saint-Nazaire, club dont pas moins de six joueurs tchèques portent cette saison les couleurs. Mais comment celui-ci est-il arrivé à la tête du XV tchèque ?
« Oh ben, c'est par hasard. J'ai connu le président de la Fédération tchèque il y très longtemps, en 1969, dans le cadre d'un match contre l'équipe nationale tchécoslovaque. Et puis on s'est retrouvés après. Comme j'ai été longtemps en France entraîneur de l'équipe du Bataillon de Joinville, j'ai eu l'occasion de revenir avec cette équipe ici. Et puis avec les liens que nous avons noués dans ces divers contacts, le président m'a sollicité lorsque l'équipe tchèque est montée dans le groupe A du tournoi. Comme j'avais de la disponibilité, j'ai accepté. »
- Comment se passe cette collaboration ? Vous vous déplacez spécialement pour les matches ?
« Je ne viens pas spécialement pour les matches. Dans la semaine qui les précède, je viens pour les préparer. C'est vrai que c'est une préparation qui reste un peu superficielle. Il faudrait qu'elle soit un peu plus profonde dans le travail au niveau des plus jeunes, ainsi, peut-être, que dans la formation de l'encadrement, parce qu'à l'heure actuelle mon action est uniquement concentrée sur l'équipe nationale. Or, si on a envie que le rugby se développe, il faudrait peut-être qu'elle s'étende à toutes les catégories. »
- Comment faites-vous passer vos consignes aux joueurs en ne parlant pas tchèque ?
« Non, je ne parle pas tchèque, mais comme il y a quand même beaucoup de joueurs qui évoluent en France et qui, eux, sont bien dégrossis sur le plan de la connaissance de la langue française, il n'y a pas de problème, j'arrive à communiquer avec l'ensemble de l'équipe à travers le français. »
Un apport français dont ne peut que se féliciter l'autre coach de l'équipe, Jan Machacek :
« Michel possède une grande expérience d'entraîneur. De mon côté, comme j'ai joué pendant quelques années à un très haut niveau en France et en Grande-Bretagne, on combine toutes les nouveautés au niveau de l'entraînement. Ca procure donc un grand plaisir d'être avec Michel et une équipe qui marche aussi bien que la nôtre. »
Fort de cette association franco-tchèque, le rugby tchèque espère donc pouvoir franchir un nouveau palier qui lui permettrait notamment de sortir un peu de l'anonymat duquel il souffre auprès du public. A l'image d'Eduard Krutzner, président de la Fédération, qui, malgré les difficultés que rencontre son sport, fait preuve d'un optimisme à toute épreuve et d'une passion intacte lorsqu'il s'agit d'évoquer le ballon ovale en République tchèque :
« Malheureusement, le rugby est un petit sport dans notre pays. Nous avons certes une tradition de près de quatre-vingts ans, mais chez nous, ce sont le hockey sur glace et le football qui dominent. Un sport comme le rugby rencontre donc des problèmes notamment au niveau des jeunes, des éducateurs et des arbitres. Tout cela nous manque, mais comme nous avons désormais un bon entraîneur de France, Michel Bernardin, nous allons essayer de développer le rugby. »
-Avez-vous des projets pour cela ?
« Oui, nous avons monté un projet de développement portant sur cinq ans. Mais il faut d'abord commencer avec les jeunes, par exemple dans les écoles. Je pense que les Tchèques aiment le rugby, mais c'est un sport de combat. Or, les jeunes sont un peu « fragiles » maintenant pour le sport. Ils préfèrent le « computer », les choses comme ça (rires)... »
Enthousiaste et avec des projets de développement en tête, le rugby tchèque, à l'image de son président, Eduard Krutzner, et de son entraîneur-joueur, Jan Machacek, vit du rêve de participer, un jour, à une Coupe du monde. Un espoir que porte aussi en lui son entraîneur français, et ce même si, en termes d'objectifs, Michel Bernardin veut d'abord se montrer réaliste :
« Dans mon esprit, l'objectif principal à court terme est que l'équipe nationale se maintienne à ce niveau et puis élever le niveau des jeunes pour renouveler cette équipe parce que derrière, c'est ce qui manque. »
-Le rugby tchèque peut-il rêver d'une Coupe du monde ?
« Oui. Pourquoi pas ? On fait partie de la Coupe du monde avec des équipes comme la Géorgie, les Etats-Unis, même si ces derniers ont plus de potentiel en joueurs. Mais les Tchèques peuvent rêver de participer à une phase finale. Maintenant, de là à envisager de la gagner, il y a un chemin qui est très, très long... »