Un Pont entre l'Orient et l'Occident...

Saints Cyrille et Méthode

Comme chaque année, ce 5 juillet est l'occasion de fêter les apôtres Saints Cyrille et Méthode. Envoyés vers 864 dans les Pays tchèques par Byzance, les deux missionaires devaient participer à la christianisation du pays. Cette année, la célébration prend un relief particulier. La République tchèque s'est en effet récemment prononcé pour la référence à l'identité chrétienne dans la future constitution européenne. L'occasion de revenir sur un thème déjà abordé sur nos ondes : la spécificité de l'histoire religieuse en Tchéquie.

Et si la Tchéquie était aujourd'hui un pays de rite grec orthodoxe ? Avec des si, on mettrait certes Paris en bouteille... Mais la question est loin d'être incongrue. Dès l'origine, le christianisme prend une forme originale en terre tchèque, balançant un court mais décisif instant entre christianisme occidental et oriental.

Entre Rome et Byzance...

Vers le IXème siècle avant J.-C. se forme le royaume de Grande Moravie, qui se hisse vite au rang de grande puissance régionale sous le règne de Mojmir 1er (830-846). En 864, l'Empereur de Byzance Michel III décide d'y envoyer deux frères de Thessalonique, les missionaires Cyrille et Méthode. Le but premier, l'évangélisation, cache mal un dessein plus temporel. Encore imparfaitement christianisés, les Pays tchèques sont l'enjeu de la rivalité entre Rome et Byzance pour l'autorité sur la Chrétienté.

En Bohême, la papauté avait déjà marqué des points. En 845, face à une crise dans le royaume, 14 grands chefs de Bohême doivent faire soumission à Louis le Germanique dans la ville de Ratisbonne. A cette occasion, ils reçoivent le baptême, assurant ainsi les bases du clergé latin en Bohême.

L'action de Cyrille et Méthode s'orientera donc exclusivement vers la Moravie. Le pape lui-même comprend bien l'importance de l'activité missionnaire des deux frères dans un royaume encore fortement marqué par le paganisme. Il crée un archevêché morave, à la tête duquel il place Méthode et va même jusqu'à concéder au particularisme régional : la liturgie est ainsi célébrée en Slavon, une langue calquée sur le Vieux Slave et inventée par deux frères.

L'architecture baroque,  Kuks château,  photo: Martina Schnaibergová
Après la mort de Méthode en 885 et l'effondrement du royaume de Grande Moravie face aux invasions hongroises en 906, le clergé latin prend le dessus dans les Pays tchèques. Ceux-ci sont définitivement amarrés au port occidental.

Il n'empêche : l'origine du christianisme dans les Pays tchèques est double, latine en Bohême et orthodoxe en Moravie. Bohême et Moravie réalisaient d'ailleurs, avec une avance certaine, le voeu de Benes au lendemain de la seconde guerre mondiale : celui de constituer un pont entre l'Est et l'Ouest !!

Sous la Contre-Réforme au XVIIIème siècle, la situation s'inverse : la Moravie offrira le visage d'un pays catholique, tandis qu'en Bohême se cachent des foyers de protestantisme, seules survivances du hussitisme. Pourtant, là encore, l'histoire est plus complexe qu'elle n'y paraît.

Le baroque : propagande catholique ou opium du peuple ?

Les traces de la Contre-Réforme s'inscrivent aujourd'hui encore partout dans le paysage du pays. Symboles de domination politique des Habsbourg, les statues et autres églises baroques faisaient pourtant partie intégrante de la vie quotidienne du peuple. Loin de ressentir les processions et pèlerinages comme un fardeau, les sujets y voyaient plutôt une source de plaisir et de fête. L'arrivée massive de l'architecture baroque n'était-elle pas aussi synonyme de démocratisation du beau, désormais à portée de tous ?

La Contre-Réforme a pourtant bien été ce rouleau compresseur destiné à éradiquer les autres confessions. A la fin du XVIIIème siècle, les grandes familles protestantes ont quitté le royaume. Officiellement, il ne reste que des sujets catholiques en Bohême-Moravie. Officieusement survivent dans le pays des foyers de protestantisme.

A long terme, l'expérience de l'intolérance religieuse a peut-être créé un rapport ambiguë entre les Tchèques et le catholicisme. Elle explique aussi sans doute la tolérance religieuse dans les Pays tchèques tout au long du XXème siècle. Exemple éloquent de cet esprit de paix religieuse : Trebic. Cette ville de Moravie, classée à l'UNESCO, a été longtemps un centre très important de la communauté juive de Moravie. Aujourd'hui, cette dernière ne compte plus qu'un ou deux membres tout au plus. L'une des synagogues de Trebic fait office d'édifice religieux consacré aux trois religions qui marquèrent l'histoire du pays. Coexistent côte à côte le calice hussite, l'étoile de David et la croix catholique. Un beau symbole...