Architecture : le visage contemporain de Prague

Vinice

Préservée du temps et des aléas de l'histoire, Prague, en exposant ses façades et édifices de style roman, gothique, puis baroque ou encore Art nouveau, revendique huit siècles de richesse architecturale. Certaines réalisations plus récentes prêtent, elles, cependant à discussion. Patrick Kotas est architecte et professeur à la faculté d'architecture des Hautes études techniques tchèques. Nous avons évoqué avec lui le visage contemporain de la perle qu'est la capitale tchèque :

La maison dansante
« Prague est devenue non seulement le centre commercial de la République tchèque, mais aussi son centre culturel, où l'architecture occupe une place très importante. Désormais, il y a, en effet, beaucoup de possibilités pour proposer des sites aux architectes étrangers, et pas seulement tchèques. Par exemple, dans le cinquième arrondissement, sur le site Andel, un centre commercial a été crée avec la collaboration de Jean Nouvel. Sur la place Jirasek (Jiraskovo namesti), le long des quais de la rivière Vltava, la célèbre « maison dansante » a également vu le jour, oeuvre de l'architecte américan Frank Gehry en collaboration avec le Tchèque Vlado Melunic. Il ne s'agit que de deux exemples qui représentent l'architecture comme quelque chose de public, de remarquable, qui apporte un plus à la qualité de vie de la ville. »

-La construction de certains bâtiments a suscité des controverses. Qu'en pensez-vous ?

« Le problème, c'est qu'il existe désormais deux grandes forces qui opposent parfois leurs points de vue : celle des investisseurs et celle du règlement de la ville. Il existe des réalisations qui sont de qualité internationale, mais qui, en même temps, ne respectent pas soit le règlement de l'investisseur, soit celui de la ville. Et, au contraire, il existe énormément de maisons et d'îlots où tous les règlements ont été respectés, mais sans faire preuve de créativité et sans volonté de nouveauté. »

-Si certains projets ont assurément apporté un plus à la ville, en revanche d'autres constructions, comme celle du centre Myselbek en bas de la place Venceslas, ont été très critiquées. Personnellement, que pensez-vous de l'intégration de tels bâtiments dans les quartiers historiques ?

« Il est évident qu'il est impossible de faire des copies de l'architecture historique ou de chercher à retrouver, par exemple, l'esprit de fin de siècle. L'architecture moderne se doit de créer, d'être avant-gardiste. L'édifice Myselbek dans le centre de Prague a posé la question de savoir s'il s'agissait d'une architecture plutôt historique ou moderne. Pour la façade qui voisine avec la rue Celetna, on peut évoquer l'idée d'historisme. En revanche, la façade de l'entrée sur la rue Na Prikope représente un point de vue avant-gardiste avec les détails en acier, en inox, etc. »

-Prague est réputée pour la richesse et la diversité de ses styles. Selon vous, quel regard portera-t-on sur son architecture actuelle dans cinquante, soixante-dix ou cent ans ?

« L'architecture des années 1960-70, sous le régime communiste, représente environ 400 édifices construits par des compagnies étrangères dans lesquelles l'architecte avait assez de liberté pour appliquer ses idées. Pour le reste, il ne s'agissait pas d'architecture, mais seulement de construction de grands immeubles d'habitation sans conception aucune. La priorité était d'ordre économique. Il n'y avait alors aucune possibilité de création. Vers la fin des années 1980 et dans les années 1990, la situation était un peu différente. Il y a eu des édifices à l'architecture excellente, par exemple l'édifice CKD en bas de la place Venceslas au carrefour Mustek. »

-Comment situeriez-vous les architectes tchèques par rapport à leurs collègues européens ?

« La qualité des architectes dépend des chances qui se présentent à eux, qu'on leur offre. Si les Tchèques avaient les mêmes possibilités de réaliser leurs idées que les architectes européens, je suis convaincu qu'ils seraient à peu près au même niveau que ces derniers. Mais si Jean Nouvel ou Santiago Calatrava, par exemple, sont si célèbres, si les grands investisseurs exigent de collaborer avec eux, c'est parce qu'ils ont assez de références. Mais si les architectes tchèques arrivaient à accéder aux grands chantiers européenes, je suis certain que la qualité des ouvrages serait identique. »

-Quel bâtiment, quartier contemporain conseilleriez-vous de voir à un touriste en visite à Prague ?

« Je recommande le quartier de Vinice, dans le dixième arrondissement. L'édifice de la banque notamment a été crée par Radim Kousal, bien connu aussi pour être l'auteur du projet de la bibliothèque tchéco-allemande à Liberec, en Bohême du nord. A mon avis, il s'agit d'un excellent architecte. C'est un édifice en acier de plusieurs étages qui voisine avec le dépôt de tramways. Pour moi, c'est une réalisation très séduisante. »