Alois Elias
Le général Alois Elias, une des personnalités clefs de l'histoire de la Bohême pendant la Seconde Guerre mondiale, Premier ministre du gouvernement du protectorat de Bohême-Moravie, est l'un des principaux initiateurs de la résistance du pays et militaire contre les occupants fascistes. Il a été exécuté par les nazis pour haute trahison et assistance à l'ennemi le 19 juin 1942.
Alois Elias, Luis pour ses proches, est né le 29 septembre 1890 à Prague. Il passe son baccalauréat au lycée technique et fréquente ensuite l'établissement d'enseignement technique supérieur. Ses études terminées, il travaille comme géomètre. A 23 ans, il part au service militaire. Un an après la Grande Guerre éclate et le jeune Luis est envoyé au front à l'Est. En plein combat une grenade explose. Tous les soldats en tranchée sont aveuglés à un tel point qu'ils ne voient absolument rien. Ce sont les baïonnettes russes qu'ils verront en premier, une fois la poussière dissipée. Alois Elias est fait prisonnier. Il combat en Russie dans les Légions tchécoslovaques, puis en France où il étudie à l'école des officiers de St. Maixent. En 1919 il revient au pays avec le grade de capitaine.
Pendant ces six années d'absence il était en correspondance avec Beda Duskova, une jeune fille qui l'aime beaucoup et dont il était lui-même très amoureux. Mais au retour, Luis réalise son amour pour elle a disparu. L'histoire prend définitivement fin lorsqu'il rencontre Jaroslava Kosakova à Caslav, alors qu'il est aide de camp du sous-lieutenant Antonin Paul Gillain. Il est clair que la douce et soumise Beda Duskova ne vaut pas Jaroslava Kosakova, une femme avec beaucoup de tempérament, de charme et surtout, elle a du caractère! Luis est fasciné. Il tombe amoureux et épouse Jaroslava en 1920. Cette femme impressionnante lui tiendra compagnie jusqu'à sa mort tragique. A l'époque Alois Elias est chef du cabinet du Ministre de la Défense.
Dans les années vingt, le capitaine part à Paris pour étudier à l'Ecole supérieure de guerre. Au retour, il assume des fonctions importantes au sein de l'état-major de l'armée tchécoslovaque. Il est également expert militaire de la délégation tchécoslovaque pendant les négociations sur le désarmement à l'Organisation des Nations unies à Genève et conseiller du ministre des Affaires étrangères, Edvard Benes. Depuis 1935 le général Elias est commandant du Vème division à Trencin, en Slovaquie, et participe à la réorganisation de l'armée tchécoslovaque. En 1938, il assume la fonction de ministre de la Défense et adjoint au sein du ministère général Jan Syrovy, Premier ministre du gouvernement de service. Après la prise du gouvernement par Rudolf Beran il devient ministre du Transport. Le 15 mars 1939 Prague tombe. La Bohême et la Moravie sont rattachées au Reich. Fin avril, le général A. Elias est nommé Premier ministre du gouvernement du protectorat de Bohême-Moravie et jusqu'en juillet 1939 il gérera le Ministère de l'intérieur. Peu après la constitution du protectorat, l'idée de constituer une organisation de résistance du peuple germe dans la tête des officiers et des hauts fonctionnaires tchèques. Cette idée se matérialisera après la séparation des Sudètes. Une organisation de résistance se forme. Elle porte le nom de la Défense du peuple (Obrana Naroda). A la tête de l'organisation, personne d'autre qu' Alois Elias qui est l'un des initiateurs principaux de la résistance organisée à l'étranger. Le centre de l'organisation de résistance se trouve à Prague. Le contact avec la résistance communiste n'est pas négligé. Alois Elias organise par exemple le transfert des Tchèques à l'étranger, soutient par des sommes considérables non seulement la résistance, mais également les familles des patriotes exécutés ou emprisonnés. Le général est en contact régulier avec Londres, le président Benes et ses collaborateurs.
Le 27 septembre 1941 le général Elias est arrêté par le chef de la GESTAPO de Prague. Il est pratiquement sûr que lui et son groupe de résistance ont été dénoncés par un aubergiste, collaborateur nazi acharné. Le procès a lieu le 1er octobre 1941 au fameux palais Petchkov. Au procès on ne verra que des Tchèques douteux et surtout deux journalistes défendants les idées fascistes, ennemis du condamné. Le général Alois Elias est condamné par le Tribunal populaire à mort pour haute trahison. On pourrait se poser la question de savoir pourquoi Emil Hacha, président du gouvernement du protectorat, n'a pas exercé de pression assez forte pour sauver son Premier ministre. L'historienne Jana Pasakova, femme du célèbre historien Tomas Pasak, qui étaient en contact étroit avec la femme du général, décédé en 1981, nous donne la réponse : « Le gouvernement avec le président Emil Hacha s'est réuni immédiatement après l'arrestation du général Elias. En signe de protestation contre l'arrestation de son Premier ministre, le gouvernement a décidé de démissionner par un vote. Alois Elias a été arrêté à 15 heures au Palais Cernin, le jour de l'entrée en fonction de Reinhard Heydrich. Mais, le Protecteur Heydrich est venu à la session du gouvernement. Il a eu un tête à tête avec le président Hacha qui est sorti de l'entretien brisé et incapable de prononcer une parole. Ensuite R. Heydrich a proclamé la loi martiale et a menacé d'exécuter 30 000 patriotes tchèques en cas de démission du gouvernement. »
Madame Pasakova, vous et votre mari, comment êtes-vous entrer en contact avec la femme du général Elias, Jaroslava Eliasova ?
« Nous avons fait la connaissance de madame Eliasova par l'intermédiaire de Vaclav Kropacek, fils d'un des exécutés pendant l'occupation. C'est lui qui a sauvé le dernier billet clandestin du général Elias peu avant l'exécution. Après que madame Eliasova a rédigé les souvenirs sur Elias : l'arrestation, l'incarcération, les visites auprès de son mari, l'exécution, une publication des mémoires a fut convenu avec la rédaction du journal Mlada Fronta. En tant qu'historien, mon mari devait en faire la critique. Elle était positive, mais il a remis à madame Eliasova une liste incluant une centaine de remarques et de textes où il rectifiait certains faits, tout en demandant des précisions. Par exemple pourquoi le texte contenait des discours directs, qu'il estimait être peu digne de confiance. Madame Eliasova avait répondu que lors de chaque rencontre ou négociation elle prenait des notes et donc les discours étaient véridiques. Mais, finalement les textes sont passés au pilon. Mais madame Eliasova était un témoin vivant de ces événements et pour un historien ce genre de rencontres sont inoubliables. Les documents nous instruisent sur certains faits, mais les émotions, les liens, les circonstances et les raisons qui ont amené certaines personnes d'agir de la sorte, évoqués par les témoins de l'époque, ne se trouvent dans aucun document. Nous remercions madame Eliasova de nous avoir donné la possibilité de rencontrer un grand nombre de personnes faisant partie de la scène politique de l'époque. »
Le jugement du général Elias est exécuté le 19 juin 1942, peu après l'attentat sur le Protecteur du Reich Reinhard Heydrich.