70 ans depuis l’Opération K contre les religieux tchécoslovaques

Opération K, photo: Moderní dějiny

Les 13 et 14 avril derniers, 70 ans se sont écoulés depuis la répression brutale du régime communiste contre les monastères et les ordres religieux de Tchécoslovaquie. La tristement célèbre opération connue sous le nom d'Akce K (Opération K) a vu l'incarcération de masse de plus de 2 300 moines, une saisie massive des biens de l'Eglise et d'objets historiques.

Opération K,  photo: Moderní dějiny

En une nuit, ce sont des milliers de religieux de toute la Tchécoslovaquie qui sont raflés par les membres de la sécurité d’Etat et envoyés dans des camps spéciaux. L’opération a été préparée avec minutie, aucun détail n’est laissé au hasard : en 1950, au plus fort des purges staliniennes, le régime communiste tchécoslovaque a décidé de s’attaquer au clergé considéré comme une menace, comme le rappelle l’historien Petr Blažek :

« L’Eglise représentait pour les autorités communiste une structure qui échappait à son contrôle. Cela concernait notamment l’Eglise catholique, dirigée depuis l’étranger. »

Photo: ČT24
Auparavant, d’autres attaques ciblées sur l’Eglise avaient eu lieu : un prêtre de la paroisse de Číhošť, Josef Toufar, est par exemple accusé en 1949 d’avoir mis en scène un miracle. Il est arrêté et décède début 1950 des suites de tortures. Lors du « procès Machalka », dix hauts représentants des ordres des jésuites, des dominicains, des franciscains, des prémontrés, ainsi que des rédemptoristes de l’Eglise catholique grecque, sont accusés d’espionnage et de haute trahison, et condamnés à des peines de prison exemplaires.

Ces différentes affaires préparent d’une certaine façon l’attaque de grande envergure contre le clergé qui doit, aux yeux des autorités, régler le problème une bonne fois pour toutes. En avril 1950, « l'Opération K » vide les monastères de leurs habitants. L’historien Jaroslav Šebek décrit son déroulement :

« Dans la nuit du 13 au 14 avril, la police secrète, les soldats et la milice populaire ont encerclé plusieurs dizaines de monastères tchèques et slovaques. A l’aube, des centaines de moines ont été réveillés et déportés dans des lieux d’internement. Cette première vague d’internement a concerné les ordres principaux. Une deuxième vague a suivi quinze jours pour plus tard. Les monastères féminins ont été ensuite pillés au printemps et en été. »

Karel Floss,  photo: Archives de Paměť národa
Lors de ces persécutions, certains membres du clergé ont été assassinés, d'autres ont été envoyés dans des camps de travail ou envoyés à l'armée. Ce fut le cas du philosophe Karel Floss, âgé aujourd’hui de 93 ans. Jeune membre de l’ordre dominicain, il a passé plusieurs années dans des camps militaires de travaux forcés, au sein des Bataillons auxiliaires techniques (PTP), réservés aux ennemis du régime :

« Il y a eu beaucoup de suicides parmi les membres de ces bataillons. Car un soldat ordinaire sait exactement combien de temps durera son service militaire. Or nous, nous ne savions pas combien de temps allaient durer ces travaux forcés. On nous a dit : ‘Vous serez libérés quand vous vous comporterez mieux’. »

Le régime communiste a pillé 247 bâtiments appartenant aux ordres monastiques masculins, 670 bâtiments appartenant aux ordres féminins, quelque 2 000 œuvres d'art, 2 000 autres objets historiques et un grand nombre de manuscrits et de livres rares.

Décimée, l’Eglise catholique tchécoslovaque parviendra à petit pas à se reconstituer dans la clandestinité au fil des années. Elle vivra une courte période de liberté dans les années 1960, mais ce n’est qu’après la révolution de Velours en 1989 qu’elle retrouvera sa place dans la société tchèque.