« Je me suis coupé du monde franco-français de Prague pour me consacrer au tchèque »
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague International ! Suite de notre série consacrée à ces francophones qui, un jour, pour une raison ou pour une autre – forcément toujours bonne cependant -, se sont lancés dans l’entreprise périlleuse de l’apprentissage du tchèque…Cette fois, c’est un Jamaïco-Ivoirien qui a maintenant aussi la nationalité tchèque et qui nous explique les raisons qui l’ont amené à sauter le pas.
« Je m’appelle Olivier Kacou, je vis depuis un certain temps en République tchèque, où je donne des cours de français et de maths. Et puis j’anime aussi des ateliers de percussions dans les écoles, une activité qui marche très bien. »
Olivier, dobrý den ! Vous vivez donc en République tchèque depuis une dizaine d’années, avant cela vous êtes passé par la France, mais à l’origine, vous venez de Côte d’Ivoire…
« Entre autres ! Parce que je préfère largement mon côté jamaïcain. »
Avec ces origines mixtes, vous êtes le fruit de la mondialisation ! Mais lorsque vous êtes arrivé à Prague avez-vous immédiatement décidé d’apprendre le tchèque ?
« Non, car je ne suis pas arrivé dans le but de rester. Je suis à l’origine venu en vacances ! Mais lorsque les perspectives de travail à Prague se sont pointées à l’horizon, je me suis dit qu’il fallait que j’apprenne le tchèque, pour comprendre mon contrat de travail, le contrat de bail… Et une fois cela décidé, je me suis donné à fond, et je me suis coupé du monde franco-français de Prague, pour être uniquement avec des Tchèques et apprendre réellement. »Avez-vous suivi des cours ?
« Oui, à l’Université Charles de Prague, où il y a un cours de tchèque pour les étrangers. Un cours très bien fait, très bien organisé, et puisque ma langue maternelle est le français, j’ai suivi le cours donné spécialement pour les étudiants francophones. Les cours sont donnés en tchèque, avec parfois des explications en français. Par exemple, pour le verbe « dát » (donner), que les Tchèques utilisent dans beaucoup d’expressions, mais en français, c’est différent. Par exemple, lorsqu’en français ont dit ‘je pose un verre sur la table’, en tchèque c’est comme si on disait ‘je le donne sur la table’. Les professeurs sont tchèques, mais avec une connaissance du français pour pouvoir expliquer ce genre de spécificités. »
Vous souvenez-vous du premier mot tchèque que vous avez appris ?
« Bien sûr ! C’était à l’aéroport : ‘Pojďte, pojďte !’ – ‘venez, venez !’ qu’ils (on suppose les chauffeurs de taxi) me disaient… »
Apprendre le tchèque, est-ce difficile ?
« Oui, surtout pour les personnes qui ne sont pas de culture slave. Mais ce n’est pas impossible, la preuve en est que j’ai la chance de pouvoir le parler couramment maintenant. Je parle tchèque tous les jours. Bien sûr, dans le cadre de mon travail – l’enseignement des maths –, je suis avec des Français et je parle français, mais j’essaye de séparer mes activités professionnelles de mes activités de la vie courante, où je suis avec des Tchèques. »
La langue tchèque, c’est pour vous un plaisir ?« C’est un plaisir de pouvoir prononcer le ‘ř’ ! »
Y-a-t-il des mots tchèques qui vous plaisent particulièrement ? Ou qui vous déplaisent ?
« Bien sûr ! J’aime beaucoup ces mots qui comprennent le son ‘ř’, qui est typiquement tchèque. Par exemple ‘pobřeží‘ (le littoral) ou ‚hřeben’ (le peigne, la crête). Et ce qui me déplaît, ce sont ces mots un peu vulgaires répétés à tout bout de champ, comme ‘Ty vole’ ».
Vous qui êtes musicien, spécialisé dans les percussions, dont vous possédez une belle collection, pensez-vous qu’avoir l’oreille musicale vous a aidé à apprendre le tchèque ?
« Oui, je possède actuellement douze djembés ! Bien sûr, avoir l’oreille musicale aide à apprendre les langues. Mais il faut aussi se donner les moyens d’apprendre cette langue ! Comme je vous l’ai dit, je me suis coupé du monde franco-français de Prague, mais j’écoutais également régulièrement la radio, Český rozhlas – Radiožurnal, et je lisais les journaux tchèques. Et puis j’ai eu la chance de pouvoir être acteur dans un théâtre du quartier de Vinohrady, où je côtoyais les acteurs tchèques. Ça a donc été un apprentissage en immersion complète. »
En tant que musicien, n’êtes-vous pas dérangé par le côté peu mélodieux de la langue tchèque ?
« Non, pas vraiment. Je crois que chaque langue a ses spécificités. En tchèque, cette intonation apportée par le ‘ř‘ compense cela. Le tchèque est une belle langue. »
Les Tchèques sont-ils tolérants envers les étrangers apprenant le tchèque ? N’ont-ils pas tendance à vous parler en anglais ?
« Si, bien sûr, on me parle spontanément en anglais lorsque l’on me voit, car on ne peut pas s’imaginer que je parle tchèque... Mais il me suffit de rectifier, ‘Můžeme mluvit česky, pokud chcete’ (‘On peut parler en tchèque si vous le souhaitez’). Et quand vous dites ça à un Tchèque, il est content qu’une personne étrangère soit capable de parler sa langue. C’est naturel, cela fait plaisir à tout le monde qu’une personne étrangère parle votre langue. »
Vous êtes-vous déjà retrouvé dans une situation gênante ou dans un malentendu à cause d’un problème de compréhension ou d’expression ?
« Pas vraiment… À part peut-être la fois où je voulais acheter une valise, et lorsque je suis arrivé au magasin, la vendeuse m’a proposé autre chose que la valise que je voulais. Et je lui ai dit ‘Ne ne, mám na hlavu ten kufr’, ce qui veut dire ’j’ai cette valise sur la tête’, alors que ce que je voulais dire, c’était ‘mám v hlavě ten kufr’ – ‘c’est cette valise que j’ai en tête’. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose que d’avoir une valise sur la tête, n’est-ce pas ? »Quelle musique tchèque écoutez-vous ?
« Mon groupe préféré s’appelle Chinaski. C’est un groupe de rock, mais pas du hard rock. Je les adore. Mais ma chanson préférée, c’est ‘Ve stínu kapradiny’ de la chanteuse Jana Kratochvílová. J’adore cette chanson, pour la guitare et la voix fluette. C’est beau et c’est ma chanson tchèque préférée. »