A Prague, une réplique de la colonne à la Vierge sera finalement réinstallée
Objet de discordes et symbole de la division entre catholiques et protestants en Bohême depuis de nombreuses années, une nouvelle colonne à la Vierge retrouvera finalement très probablement bien sa place sur la place de la Vieille-Ville à Prague. Jeudi, le conseil municipal a révoqué la décision précédente qui avait empêché l’installation de la réplique du monument destitué en 1918, peu après la fondation de l’Etat tchécoslovaque.
Furieux, le cardinal et archevêque de Prague a quitté le studio de la Radio tchèque en plein direct. Dominik Duka n’en pouvait plus d’entendre les arguments de Pavel Černý, l’autre invité du débat qui portait sur la question de savoir si, oui ou non, la colonne mariale doit être réinstallée sur la place de la Vieille-Ville, au cœur de Prague. Prédicant de l’Eglise fraternelle (Církev bratrská), une des diverses Eglises protestantes existantes en République tchèque, et président émérite du Conseil œcuménique des Eglises, Pavel Černý expliquait en somme que telle qu’elle était représentée sur la colonne, la Vierge Marie incarnait le mal, la haine et la mort. Tout le contraire en somme de ce qu’elle est aux yeux des chrétiens. C’en était alors trop pour les oreilles de Dominik Duka, qui s’est excusé et s’en est allé.
Aux yeux de ses opposants, la colonne de la Vierge, plus d’un siècle après son retrait de la place, reste un symbole de l’oppression de la maison de Habsbourg et de la Contre-Réforme en Bohême durant près de trois siècles. Un douloureux souvenir du passé impérial lorsque le royaume de Bohême était sous la domination de l’Autriche catholique, d’une époque révolue et humiliante pour le peuple tchèque. Pour ses partisans, en revanche, le monument, dressé au XVIIe siècle, est une œuvre d’art dont il convient de respecter l’histoire. Et c’est cette seconde vision des choses qui l’a emporté jeudi lors de la réunion du conseil municipal de Prague, comme l’explique le conseiller Jan Wolf, membre du Parti chrétien-démocrate (KDU-ČSL) :« L’idée a prévalu que les églises protestantes avaient un monument dédié au réformateur Jan Hus sur la place. Réinstaller la colonne à la Vierge permettrait donc de contrebalancer ce qui peut être considéré comme une forme d’injustice et d’équilibrer l’aspect religieux du débat. »
Si le projet de réinstallation de la colonne a bénéficié du soutien de la majorité des partis conservateurs, il s’est heurté en revanche au rejet notamment des Pirates. Le maire de Prague Zdeněk Hřib, lui-même membre du Parti pirate, affirme continuer de voir là un symbole de la monarchie des Habsbourg :
« Je ne soutiens absolument pas le projet. Je ne suis pas d’accord avec les arguments de ses partisans. Il me semble évident que l’on ne peut pas installer un monument qui divise la population en deux camps à un des endroits parmi les plus symboliques de Prague. Je pense d’ailleurs qu’il ne s’agit même pas d’un monument. »
La colonne de la Vierge-Marie a été édifiée après la Guerre de Trente Ans, série de conflits armés qui a déchiré l’Europe, et notamment la Bohême, dans la première moitié du XVIIe siècle. A Prague, la population implorait alors la Vierge de l’aider dans son combat contre l’envahisseur suédois. Une fois celui-ci chassé et la victoire du camp catholique des Habsbourg acquise, la colonne, de style baroque et une des premières du genre dans les Pays tchèques, a été édifiée en 1650.Ce n’est toutefois qu’à partir du XIXe siècle que le monument a commencé à être considéré comme un symbole de l’Eglise catholique, de la défaite des protestants lors de la Bataille de la Montagne-Blanche en 1620 et des répressions qui ont suivi sous le régime des Habsbourg.
En novembre 1918, au lendemain de la Première Guerre mondiale et quelques jours après l’officialisation de la création du nouvel Etat tchécoslovaque sur les décombres de l’Empire austro-hongrois, la colonne, dans le voisinage duquel se trouvait depuis 1915 le monument dédié au maître Jan Hus, symbole de la réforme protestante en Bohême, a été détruite par un peuple pragois euphorique. Dans l’idée alors effectivement de ne plus jamais la revoir au milieu de la place…