La Tchéquie et le départ annoncé d’Angela Merkel
Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur ce que la Tchéquie va perdre avec le départ annoncé de la chancelière allemande Angela Merkel. Il sera ensuite question des activités d’un groupe appelé « Les elfes tchèques » et des perspectives de croissance de la productivité comparée à celle atteinte au cours du centenaire écoulé. Quelques mots, aussi, au sujet de la Roma Pride 2018. Un constat, enfin, de ce que la mort en Tchéquie demeure toujours tabou.
Le départ de la chancelière allemande Angela Merkel de la scène politique, prévu à la fin de son mandat en 2021, signifiera pour la Tchéquie la perte d’un allié important. Un point mis en relief dans la majorité des commentaires publiés dans les médias locaux qui constatent également que la politicienne allemande connaissait particulièrement bien la région et ce non seulement grâce à son séjour dans les années 1980 à Prague, pendant ses études universitaires. Le site aktualne.cz précise :
« Angela Merkel a toujours eu une affinité pour la Tchéquie. Grâce à cela, le pays entretient avec l’Allemagne des relations plus intenses que jamais. Mais ceci s’est manifesté seulement au niveau de la coopération pratique, car les Tchèques n’ont pas su profiter pleinement de ce qu’il y avait à la tête de l’Allemagne une âme proche et mettre cet atout en valeur, aussi, dans la vie politique. Or, l’attache qui lie la chancelière allemande à la Tchéquie est principalement d’ordre émotionnel. Outre ses deux visites officielles effectuées en Tchéquie et sa récente participation aux célébrations du centenaire de la fondation de la Tchécoslovaquie, ses rencontres avec ses anciens collègues de l’Académie des sciences ont été également très remarquées. Et c’est avec un ‘dobrý den’, un bonjour prononcé en tchèque, qu’elle a salué le président tchèque, Miloš Zeman, lors de sa venue, la semaine dernière, à Berlin. »
D’après les politologues cités par le site aktualne.cz, le départ d’Angela Merkel qui jouit d’une grande confiance et d’une forte autorité au niveau international, va aussi être un coup dur, aussi, à l’Europe... Le site ihned.cz remarque à son tour que la Tchéquie va perdre une alliée, car « outre le fait de maîtriser les bases de la langue tchèque, la chancelière allemande tolérait les excès des pays du groupe de Visegrad. Ses successeurs, en revanche, se sentiront plus proches de l’Occident ». Or, il s’agit du départ d’un partenaire le plus acceptable parmi tous ceux que la Tchéquie aurait pu avoir à Berlin.
Internet : les elfes contre les trolls
« Les elfes tchèques ». C’est ainsi que se nomme un groupe qui, à l’instar de leurs homologues actifs dans les pays baltes, a décidé de lutter contre les fausses informations et les trolls russes et prorusses qui inondent Internet de fake news et mènent une véritable campagne de désinformation. L’hebdomadaire Respekt a écrit à ce sujet :
« Pour des raisons de sécurité, le groupe qui compte quelque dizaines de membres souhaite conserver l’anonymat. Une déclaration qu’il a récemment publiée indique tout au moins qu’il réunit des gens de professions très diverses, étudiants, médecins, sapeurs-pompiers, entrepreneurs, artistes, artisans, scientifiques, agents de police, soldats. Des volontaires qui, comme ils le proclament, ‘ont pris conscience de ce que la division de notre société et le soutien de l’extrémisme sont intentionnels’. »
« Les elfes tchèques » s’inspirent des activités développées à cette fin en Lituanie, en Letonnie et en Estonie. Leur but est non seulement de mettre au jour les désinformations sur Internet, mais aussi de perturber et d’identifier les webs prorusses et de priver de leur anonymat ceux qui font proliférer les fake news. D’après le magazine Respekt, on trouve aujourd’hui des dizaines de webs de désinformation actifs en Tchéquie. Une partie d’entre eux, comme le plus connu, Aeronet, sont gérés par des citoyens tchèques. En ce qui concerne les e-mails diffusés en chaîne, ceux d’avant la dernière élection présidentielle, dénonçant Jiří Drahoš, candidat opposé à Miloš Zeman ont été particulièrement remarqués.
Une voie vers la richesse plus lente qu’il y a cent ans
Les entreprises et les groupes qui ont vu le jour pendant les premières décennies de l’existence de la République tchécoslovaque, fondée en 1918, jouissaient d’un grand renom. Les usines aériennes Aero et Avia, les chocolateries Orion, le groupe AB Barrandov ou la fabrique de motocyclette Jawa n’en sont que quelques exemples flagrants. C’est à cette époque-là, aussi, que remonte le lancement de la première radio tchécoslovaque, Radiojournal. C’est ce dont fait part, dans un article publié dans l’édition de ce jeudi du quotidien Mladá fronta Dnes, l’économiste Lukáš Kovanda qui explique que les conditions sont aujourd’hui beaucoup plus difficiles pour que l’on puisse assister à l’avenir à une effervescence comparable :
« Le problème, c’est que la croissance de la productivité, le plus important facteur économique, est aujourd’hui beaucoup plus lente. Après la Première Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie tout comme l’ensemble du continent européen a vécu au rythme accéléré de la productivité qui, dans les meilleures années de sa croissance, atteignait 2,5 %. Une donne qui est aujourd’hui inimaginable en Europe. En effet, il s’agissait à l’époque d’une véritable fête de la productivité. »
Une nouvelle croissance économique est survenue après la Seconde Guerre mondiale avant de culminer dans la deuxième moitié du XXe siècle. Toutefois, les attentes optimistes liées à une future accélération se sont avérées fausses. L’auteur du texte publié dans le journal Mladá fronta Dnes rapporte que les premiers signes de la perte de la dynamique économique se sont manifestés dans les années 1970 et 1980 et, notamment, à partir de l’année 2005. Et de conclure sur le constat :
« Ainsi, tout indique qu’au cours du deuxième centenaire de son existence, le pays ne fera pas un pas aussi important vers un niveau de vie plus élevé comme il l’a fait précédemment. »
La Roma Pride 2018
Outre un grand défilé militaire et d’autres événements solennels liés au centenaire de la fondation de l’Etat tchécoslovaque, le 28 octobre 1918, le rappel de ce grand chapitre de l’histoire a donné lieu, aussi, à plusieurs manifestations de protestation. Le journal en ligne Deník Referendum a retenu notamment la Roma Pride 2018, qui s’est déroulée en présence de quelques dizaines de personnes devant le Château de Prague :
« Cette mobilisation était dirigée contre la montée en puissance du racisme au sein de la société tchèque et contre les récentes déclarations du président de la République, Miloš Zeman, à l’adresse des Roms. C’est lors d’une récente rencontre avec les citoyens dans la ville de Kojetín, en Moravie, que le chef de l’Etat a affirmé que 90% des Roms ne travaillaient pas. Cette déclaration a provoqué par la suite toute une vague de messages de la part des Roms sur les réseaux sociaux, afin de prouver le contraire. »
« Nous travaillons comme tous les autres », « Noirs et blancs, unissons nos forces », « Des écoles pour tous ». Telles sont quelques-uns des slogans arborés sur les pancartes de la manifestation qui a lancé une déclaration invitant à la lutte contre l’anti-tziganisme et la ségrégation ethnique. Le journal Deník Referendum écrit qu’un soutien aux manifestants a été exprimé par le chef du parti des Pirates, Ivan Bartoš, et rappelle que c’est en 2012 qu’a eu lieu à Prague le premier cortège de la Roma Pride.
Lorsque la mort demeure tabou
Le prêtre catholique Jiří Korda gère une paroisse très « vivante » dans l’un des arrondissements périphériques de Prague, ses messes étant régulièrement suivies par un millier de croyants, dont une part important est des enfants. Un phénomène plutôt rare à Prague. A l’occasion du Jour des morts, incombant à ce vendredi 2 novembre, le quotidien Lidové noviny a publié avec lui un entretien pour savoir notamment si l’approche des Tchèques à l’égard de la mort, un sujet qui demeure dans le pays toujours très tabou, connaît un changement. Il a dit :
« Force est de constater que les gens ne veulent pas en parler, qu’il craignent la mort et tout ce qui la précède. Beaucoup de familles ne veulent pas organiser les obsèques, oubliant que cet ultime adieu constitue un important tournant psychologique. Et même si l’on prétend que ces derniers temps, le nombre de funérailles et de noces a tendance à augmenter, je doute qu’il en soit vraiment ainsi. Il se peut qu’un rôle important et positif dans ce domaine soit joué par le mouvement des hospices et les soins palliatifs. Une voie qui pourrait diminuer la peur de la mort et rendre sa dignité au départ de la vie. »
L’auteur d’une note mise en ligne sur le site de l’hebdomadaire Reflex émet pour sa part l’avis que pour la population athée, le Jour des morts a un caractère assez macabre, contrairement à l’espoir que les messes célébrées à cette occasion cherchent à transmettre.