Vers un encadrement légal des deepfakes pornographiques en Tchéquie
Alors que des élus américains réclament l’adoption d’une législation pour lutter contre la création de deepfakes pornographiques après la diffusion massive de fausses photos explicites de Taylor Swift, la Tchéquie, elle aussi, veut légiférer dans ce sens et inclure ce type de pratiques dans le Code pénal.
L’affaire Taylor Swift est symptomatique des défis posés par la généralisation de l’intelligence artificielle, mais elle n’est pas nouvelle : seule son immense notoriété a permis de mettre en avant un phénomène en constante augmentation et qui touche un public spécifique. Selon une étude publiée en 2019 par l’organisation Deeptrace, 96 % des deepfakes sont à caractère pornographique et la quasi-totalité (99 %) des montages de cette catégorie vise les femmes.
En Tchéquie, le ministère de la Justice entend légiférer sur cette question : si les législateurs adoptent le projet de loi qu’il a préparé, la production et la diffusion de ces deepfakes porno constitueront un délit à partir du mois de juillet 2025, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Le ministère a déjà envoyé l’amendement pour commentaires et le gouvernement devrait en débattre avant l’été.
Karel Dvořák est vice-ministre de la Justice (STAN) et pour lui, il est temps de réagir à cette tendance :
« Nous proposons la création d'un nouveau délit appelé ‘abus d’identité en vue de produire et de distribuer de la pornographie’. L’infraction consiste à produire, distribuer mais aussi et surtout, publier du matériel pornographique sans le consentement de la personne représentée, en utilisant une méthode où l’image n’est pas une image réelle, mais une image créée à l’aide de l’intelligence artificielle. »
En France, le Sénat a adopté, le 4 juillet dernier, deux amendements gouvernementaux visant à encadrer les deepfakes pornographiques en particulier, mais aussi les deepfakes en général. Prague n’entend pour l’heure que légiférer sur la version « porno » de ces photos et vidéos trafiquées, bien qu’il existe tout un éventail de deepfakes qui peuvent être offensants ou qui transforment la réalité ou incitent les consommateurs à investir leur argent à des fins d’escroquerie Pourtant, cette facette des deepfakes n’est pas prise en compte par le projet de loi.
« Dans les cas où l’image d'une personne est utilisée pour créer et distribuer du matériel pornographique, il y a une intention claire de nuire à la personne, de lui nuire ou de nuire à sa famille ou ses proches. Dans d’autres cas, lorsque des ‘deepfakes’ sont utilisés, l’intention de nuire à la personne n’est pas toujours aussi claire. Il peut s’agir d’une satire ou d’une plaisanterie, par exemple, et nous ne voulons pas en préjuger. Il appartiendra toujours au juge d’apprécier la gravité du comportement et de l’impact sur la personne représentée. Soit on utilise les outils du droit privé, et si c’est vraiment grave, par exemple si on est dans un cas de fraude, de chantage ou donc de pornographie, alors il est approprié de le sanctionner via le droit pénal. »
Autre facette des deepfakes, non prise en compte par la potentielle législation à venir, celle qui touche à la politique et qui peut avoir des conséquences très concrètes sur le déroulement d’une élection par exemple. La Slovaquie voisine, tout particulièrement sujette au bombardement d’infox en provenance de Russie, en a d’ailleurs fait l’amère expérience très récemment : au cours des dernières élections législatives, 48 heures avant le second tour, le leader du parti progressiste Michal Šimečka a été victime d’un deepfake audio posté sur Facebook, visant à faire croire qu’il allait truquer le scrutin.
En attendant, le problème des deepfakes porno est bien réel en Tchéquie, la police tchèque ayant fait état d’une hausse des plaintes de jeunes filles et femmes ces derniers mois.