« Les semaines tchèques à Uzès, c’est maintenant ou jamais »

Les semaines culturelles tchèques à Uzès, photo: Magdalena Hrozínková

Située dans le département du Gard, à une vingtaine de kilomètres de Nîmes, la ville historique d’Uzès accueille jusqu’au 30 octobre Les semaines culturelles tchèques. Le programme proposé par Les Amis de la médiathèque d’Uzès offre une approche quasi complète du pays, à travers une exposition, un concert, des conférences, lectures, débats et projections de films. Radio Prague a assisté à l’ouverture du festival ce samedi, dans la petite ville médiévale. Reportage.

Uzès,  photo: Magdalena Hrozínková
Uzès, l’un des premiers duchés de France, dont l’histoire remonte à l’époque romaine, ne compte aujourd’hui que 9 000 habitants, alors que 120 000 personnes se déplacent chaque année des quatre coins du monde pour arpenter ses ruelles et admirer son patrimoine particulièrement bien conservé. La belle Uzès qui reste pourtant une ville calme et paisible, est en même temps une véritable porte ouverte sur l’Europe : la médiathèque locale met actuellement à l’honneur la République tchèque à travers de nombreuses manifestations qui animeront, pendant plus d’un mois, toute la ville. Ce n’est pas un hasard que les projecteurs soient braqués cette année sur la Tchéquie, comme nous l’explique Jean-Louis Leprêtre, président de l’association des Amis de la médiathèque d’Uzès et ancien conseiller culturel à l’Ambassade de France à Prague.

Jean-Louis Leprêtre,  photo: Magdalena Hrozínková
« En 2013, j’ai organisé des Semaines à peu près identiques sur la Lettonie., parce que mon dernier poste de diplomate était à Riga. L’année 2014 a été consacrée à l’Allemagne, car j’ai vécu et travaillé pendant neuf ans à Berlin : cinq ans du temps de la RDA, comme conseiller culturel et quatre ans dans le grand Berlin réunifié. L’Allemagne a joué un rôle très important dans mon parcours. Nous avons ensuite récidivé en 2016 avec la Suisse, étant donné que j’ai passé aussi quatre ans à Zurich. En 2018, forcément, nous avons voulu mettre à l’honneur la République tchèque. La raison première était l’anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie, pays où j’ai vécu avec ma famille de 1979 à 1983, en tant que conseiller culturel de l’Ambassade de France. Une raison personnelle et une raison historique… Bref, c’était maintenant ou jamais. »

Les animations ont débuté ce samedi avec trois temps forts. Tout d’abord, l’ambassadeur de la République tchèque en France Petr Drulák et l’historienne Françoise Mayer, spécialiste de la mémoire du communisme en Europe centrale, ont donné des conférences, à la mairie d’Uzès, sur les ruptures, continuités et mutations que les Tchèques ont vécues depuis 1918 jusqu’à aujourd’hui.

Le livre tchèque et les avant-gardes

Les semaines culturelles tchèques à Uzès,  photo: Magdalena Hrozínková
Ensuite, une singulière exposition, prêtée par le collectionneur, historien et critique du design graphique Pierre Ponant a été inaugurée dans les belles salles voûtées de la médiathèque : elle met à l’honneur l’avant-garde artistique tchèque par la présentation de livres et magazines parus des années 1920-1930. Pierre Ponant :

« Cette exposition est le fruit d’une collecte de plus d’une vingtaine d’années, J’ai acquis ces ouvrages auprès de marchands dans l’ancienne Tchécoslovaquie encore et ailleurs. Je cultive une passion pour cette période de l’art en général. J’aime beaucoup la radicalité de certaines couvertures. Je ne présente ici que la partie tchèque de ma collection, mais celle-ci est plus large. Elle contient également des ouvrages hongrois, polonais ou russes. La création de l’avant-garde tchèque est spécifique, elle se distingue par sa subtilité et son humour au énième degré qui intervient dans les mises en page. »

Une exposition qui a enchanté aussi bien l’ambassadeur Petr Drulák que les autres visiteurs, parmi lesquels Valérie Walfard, professeure de lettres qui, pour la petite histoire, a vécu à Prague comme fille de diplomates français à partir de 1947.

Petr Drulák : « Cette exposition est consacrée aux livres, mais également à la cinématographie de l’avant-garde tchèque. Je suis impressionné par la richesse de cette collection, par la qualité de l’exposition que je ne peux que recommander au public. »

Valérie Walfard : « Je trouve ces ouvrages formidables. Les artistes vont à l’essentiel, leur travail est efficace : on a tout de suite compris leur message. Aujourd’hui, tout cela est fait à l’ordinateur, ce qui n’était pas le cas à l’époque. C’est un travail extraordinaire. »

Lenka Horňáková-Civade,  photo: Magdalena Hrozínková
Une rencontre avec la cinéaste Andrea Sedláčková, auteure d’un film sur Václav Havel, une journée dédiée au cinéma d’animation, un concert du Quatuor Martinů de Prague, voici quelques-unes des manifestations qui se dérouleront jusqu’à fin octobre à Uzès. Une rencontre est également prévue, le 18 octobre prochain, avec l’écrivaine tchèque installée dans le sud de la France, Lenka Horňáková-Civade, autour de ses romans Giboulées de soleil et Une verrière sous le ciel.

« Le grand thème qui m’anime et qui est contenu dans mes livres, c’est le rapport de l’individu à la société et à la grande histoire. Quelle est notre place dans ce monde ? Dans les deux romans, cette interrogation est exprimée par des voix de femmes qui ont des expériences et des points de vue différents. Ce qui intéressait beaucoup les organisateurs de cette manifestation, c’était l’histoire de la Tchécoslovaquie qui est la toile de fond de mes romans. »

Ernest Denis : père de la nation tchèque

Uzès,  photo: Magdalena Hrozínková
La prochaine manifestation se déroulera le 21 septembre prochain au Temple d’Uzès. Lors de sa conférence, Patrick Cabanel, l'historien et conservateur du Musée du protestantisme de Ferrières, évoquera l’engagement personnel d’Ernest Denis, universitaire nîmois et l’un des pères fondateurs de la Tchécoslovaquie. Jean-Louis Leprêtre explique :

« Je voulais absolument organiser une soirée qui soit consacrée à Ernest Denis, dont le buste a par ailleurs été inauguré au centre de Nîmes. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, il a puissamment contribué à faire connaître la Bohême et à influer sur les relations entre la France et ce qui allait devenir la Tchécoslovaquie. J’ai toujours eu un lien avec lui. En tant que conseiller culturel à Prague, j’ai été directeur de toutes les activités de l’Institut français qui se trouve au numéro 35 de la rue Štěpánská et qui portait jadis le nom d’Ernest Denis. Et puis, le bâtiment de l’Institut d’études slaves à Paris, c’est l’ancienne maison d’Ernest Denis. Elle a été rachetée par la Première république tchécoslovaque qui l’a offerte à l’Université de Paris à condition d’en faire l’Institut d’études slaves. La conférence sur Ernest Denis est une bonne façon d’introduire le public d’Uzès à l’histoire des relations entre la France et la Tchécoslovaquie. »