Le téléphone portable sera-t-il banni des écoles tchèques ?
Interdite à partir de la rentrée scolaire 2018 en France, l'utilisation des téléphones portables dans les écoles et collèges est un sujet qui agite de nombreux pays, dont la République tchèque. Largement discuté ces derniers jours dans les médias tchèques, l’exemple français a relancé le débat sur la manière de gérer l’omniprésence des appareils numériques, sur leur impact sur les rapports sociaux des enfants, mais également sur leur l’intérêt pédagogique.
La situation décrite par Matouš, onze ans, est assez typique des écoles tchèques : elles ont la possibilité de réglementer l’utilisation des portables, tablettes et autres objets connectés. Une liberté de choix dont les directeurs des établissements scolaires profitent largement, selon des enquêtes réalisées par les médias tchèques à ce sujet. Celles-ci révèlent également que les professeurs sont nombreux à intégrer les téléphones portables, mais aussi les tablettes, ordinateurs et tableaux numériques interactifs à leur pédagogie.
Dans les pages du quotidien Lidové noviny, Jan Voda explique que l’école primaire tchéco-anglaise Magic Hill, dont il est le directeur, incite les élèves de travailler avec des « matériaux authentiques », afin de lier les nouvelles technologies à la vie réelle. Ainsi, les enfants préparent, à l’aide des applications mobiles, des excursions dans la nature ou encore ils enregistrent des vidéos qui leurs permettent d’analyser le mouvement pendant le cours de physique. « Chez nous, les enfants peuvent écouter de la musique pendant le cours d’arts plastiques. Nous utilisons couramment les portables pendant les cours de mathématiques et d’anglais », raconte, pour sa part, Zdenek Brož de l’école primaire de Chrudim.
Si les enseignants sont plutôt réticents à l’idée de durcir les règles relatives à l’utilisation des portables dans l’enceinte des écoles, certains hommes politiques sont favorables à la mise en place de mesures plus strictes. Parmi eux, le député et président du Parti des maires et indépendants (STAN) Petr Gazdík, lui aussi enseignant de profession :
« Absorbés par le monde virtuel, les enfants sont souvent déconnectés de la réalité. Je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas se passer de leur portable en classe. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’introduire l’interdiction totale des portables dans les écoles comme l’a fait récemment la France. Je pense qu’il suffirait d’interdire les mobiles en cours, comme les législateurs français l’ont d’ailleurs fait il y a quelques années. C’est-à-dire que les règles d’utilisation des téléphones mobiles seraient les mêmes pour toutes les écoles et les directeurs pourraient éventuellement permettre des exceptions. Actuellement, c’est le contraire : pour les enfants, il est normal d’avoir le mobile allumé en cours et dans certaines écoles seulement, ils doivent se plier à un règlement intérieur. »Ivan Bartoš, chef du Parti des Pirates, est strictement opposé un amendement à la loi ou à une directive du ministère de l’Education mettant en place des règles communes :
« En République tchèque, nous avons tendance à tout institutionnaliser, à créer des lois pour chaque problème que l’on pourrait résoudre ‘humainement’, sur la base d’un accord. Il faut voir comment vivent les jeunes aujourd’hui. Ils utilisent les téléphones portables comme leurs parents. Je suis d’accord pour réglementer cette utilisation à l’école, mais c’est avant tout aux enseignants de le faire. Moi, en tant que père d’une fille de douze ans, je trouve important de pouvoir la joindre pendant la récréation en cas de besoin. On devrait apprendre aux jeunes à se servir correctement des appareils numériques au lieu de les interdire. Le monde évolue et je n’aime pas quand les adultes disent : ‘nous avons étudié avec succès il y a vingt ans dans telles conditions, alors elles doivent suffire à nos enfants aussi’. »Si l’interdiction totale des téléphones mobiles dans les écoles et collèges en France vise à « faire bénéficier aux enfants de la richesse de la vie collective », cette stratégie est vue d’un bon œil par le psychologue tchèque Petr Klíma. On l’écoute :
« Les enfants aujourd’hui vivent dans un monde virtuel. C’est triste à constater, mais nous n’y pouvons rien. Je connais les enfants qui, après les cours, se dépêchent de rentrer pour pouvoir bavarder sur les réseaux sociaux avec leurs camarades de classe, au lieu de sortir avec eux. Je pense que l’interdiction des portables dans les écoles serait utile notamment pour les élèves au collège. En revanche, les enfants plus jeunes, eux, devraient avoir la possibilité de joindre leurs parents, cela peut les rassurer. »