Le fromage pané, un succès que pas même les cuistots tchèques ne s’expliquent
La série estivale de Radio Prague consacrée à quelques-uns des spécialités de la gastronomie tchèque se poursuit avec ce que les Tchèques appellent familièrement le « smažák ». Servi en plat principal généralement avec des pommes de terre cuites à la vapeur ou des frites et une sauce tartare, on le trouve partout ou presque en République tchèque : aux tables des foyers, dans les cantines scolaires et professionnelles, dans les brasseries et restaurants ou même dans la rue sous forme de sandwich. Lui, c’est le « smažený sýr » - le fromage pané.
« Je pense que c’est ce que tout le monde aime : il y a plein de fromage, de la friture, c’est gras… Et du coup c’est très bon ! »
Mirek Císař est un des deux cuistots de la Radio tchèque. Il explique comment bien cuire ce fameux « smažák », soit un morceau de fromage emballé d’abord dans de la farine, puis de l’œuf battu et de la chapelure :« L’huile doit être très chaude. C’est une condition indispensable, sinon l’emballage pourrait ne pas tenir, craqueler et le fromage pourrait couler de partout. L’idéal, c’est de le cuire dans une friteuse de façon à ce que le fromage soit entièrement plongé dans l’huile. Si vous le faites dans une poêle, il faudra beaucoup d’huile, c’est plus compliqué et moins pratique. Il faut laisser frire le fromage pendant trois minutes environ. »
Apprécié donc du plus grand nombre, le fromage pané est toutefois réprouvé par tout bon cuisinier – même tchèque – qui se respecte. Lui aussi employé dans les cuisines de la cantine de la Radio, Michal Dvořák affirme d’ailleurs qu’il n’en mange jamais et s’explique mal son succès :
« Nous le mettons sur la carte tous les quinze jours. Une fois, c’est de l’edam, une autre de l’hermelín. On peut le préparer aussi par exemple avec du niva, un fromage bleu, ou encore les petits fromages d’Olomouc. Mais franchement je ne sais pas ce que les gens lui trouvent. Combien de fois avec mes collègues en cuisine nous nous disons que c’est dommage, car les autres plats que nous préparons sont sans bien meilleurs. C’est comme ça. Pour les gens, le fromage pané est l’assurance de savoir ce qu’ils vont manger. »Cette assurance n’était toutefois pas celle de Coline lorsque la jeune Française qu’elle est, a découvert ce « smažák » doré et croustillant :
« Dans un premier temps, on ne sait pas trop ce que c’est. On pense d’abord qu’il y a de la viande à l’intérieur, mais quand on coupe, ça fait plein de fils et c’est génial. Ça donne vraiment envie de manger. La seule chose qui est un peu décevante au début, c’est qu’on s’attend à plus de goût alors que ça n’en a pas tant que ça. Mais bon, ça reste du fromage. »
Vendeur de fromages français dans la région de Plzeň (Bohême de l’Ouest), Mickaël Bernon n’est pas tout à fait du même avis. Certes, le « smažený sýr » reste du fromage, mais sa consommation ne correspond absolument pas à l’idée qu’il se fait d’un bon produit source de plaisir à table :« Hm… Oui, j’ai déjà goûté à quelques reprises. J’avoue que je ne peux manger de ‘smažený eidam’, je trouve que c’est trop indigeste. Après, le ‘smažený hermelín’, pourquoi pas ? C’est assez fondant, mais c’est aussi très riche. Tout cela correspond un peu à la façon de manger du fromage qui est celle de beaucoup de Tchèques, à savoir manger 100 grammes de fromage d’un seul coup. C’est ce qu’il faut sans cesse expliquer aux gens : quand le fromage a du goût, 10 ou 20 grammes en fin de repas peuvent suffire. Le problème est qu’ici ils peuvent faire un repas à base de fromage. Personnellement, je trouve cela trop indigeste. »
Mais les Tchèques en conviennent eux-mêmes : le « smažený sýr », qui est longtemps resté le seul plat végétarien dans les restaurants tchèques, on l’aime, même si on convient que c’est bof bof, ou on ne l’aime pas…