« Prague a vendu son âme aux touristes »
Justine Mallard est une jeune journaliste française en formation. Actuellement en stage à Prague après un premier séjour il y a quelques années de cela, elle a remarqué que le tourisme y prenait une place toujours plus prépondérante. Elle nous a fait part de ses impressions…
Quels endroits avez-vous concrètement à l’esprit ?
« Cela concerne essentiellement la vieille ville ou bien évidemment la place Venceslas. Quant à la Place de la Vieille ville, on n’en voit pratiquement plus les couleurs tellement elle est bondée… Mais je pense aussi par exemple au parc de Letná, qui est un peu à l’écart du centre et que j’apprécie énormément pour la vue qu’il offre sur la ville. C’est un endroit qui a beaucoup perdu de l’atmosphère paisible qui faisait son charme. Je n’ai même pas pu m’asseoir sur le mur pour profiter de la vue, j’étais très déçue… »
« Il y aussi Vyšehrad, un autre endroit magnifique, un peu à l’écart et moins accessible à pied. Mais même là-bas il est devenu difficile de s’y balader tranquillement. »
Ce que vous nous décrivez là est néanmoins une évolution dont souffrent d’autres grandes villes ou destinations touristiques en Europe, et dont les autochtones se plaignent aussi…« Cela ne me surprend dans le sens est une ville incroyablement belle qui mérite d’être visitée. On en parle dans le monde entier et les Tchèques doivent être fiers de cela. Le prix à payer est que la ville perd peu à peu son âme, sa culture et ses traditions. Le folklore est un peu tourné en dérision. Ce tourisme est vraiment envahissant, et même si c’est peut-être inévitable, cela n’empêche pas de penser que c’est dommage. »
Avez-vous pu profiter de certaines manifestations ou expositions pour justement ressentir que vous êtes bien à Prague ?
« Oui, j’ai eu l’occasion de voir deux expositions, dont une d’un photographe tchèque qui s’appelle Jindřich Štreit qui expose pour les 25 ans de l’indépendance de la République tchèque. Donc j’ai pu voir des photos en noir et blanc de 1993 à aujourd’hui sur l’évolution de la société. C’était très intéressant et c’était en noir et blanc donc c’était très beau. J’ai pu également voir une exposition d’un photographe hongrois qui parle lui aussi des transformations sociales des pays de l’Europe centrale après l’ère soviétique. Donc voilà tout un pan de l’histoire qui est quand même préservé dans les musées heureusement. »Et là vous vous êtes dit que vous auriez dû naître quelques années plus tôt pour découvrir Prague à une autre époque, quand il y avait moins de touristes et que l’on considérait la Tchéquie comme le grand Est ?
« Je me suis dit que j’aurais préféré être née dans les années 80 et pouvoir profiter dans les années 90 de cette ville où après l’indépendance, il y avait un vrai bouillonnement de culture et d’espoir donc ça devait être chouette à cette époque-là. »
Expliquez-nous où et comment vous vous êtes logée lors de ce séjour à Prague ?
« J’ai choisi Airbnb qui me paraissait être la solution la plus logique parce qu’à part Airbnb, il y a les hôtels, mais c’est plus cher. Et sinon, il faut connaitre des locaux ici donc c’est un peu plus compliqué. J’ai été assez surprise de la hausse des prix, mon séjour m’a coûté quasiment autant qu’à Paris, environ 30/35 euros la nuit, c’est-à-dire 500 euros pour deux semaines, pour une chambre en colocation, ce qui est affolant comme prix. »Dans quels quartiers ?
« La première semaine, j’étais à Náměstí Míru qui est un quartier paisible, plus serein, et c’est ce que je recherche. Un quartier pas très loin de Radio Prague. C’est plutôt un quartier d’expatriés, ce qui est aussi un peu dommage parce que je n’ai pas trop rencontré de Tchèques, ni entendu parler tchèque. En bas de chez moi par exemple il y avait un bar français, donc je n’étais pas trop dépaysée. Et la deuxième semaine j’ai logé à Žižkov, entourée d’étudiants de toutes les nationalités. »
Autre chose qui vous a marqué c’est l’inflation et l’évolution des prix pour le logement mais pour ce qui est de la vie quotidienne, qu’en est-il ?
« En ce qui concerne les restaurants et les bars, vu que j’étais là il y a quatre ans, je connais un petit peu les endroits moins touristiques et qui sont abordables, et qui sont typiquement tchèques. Là ça n’a pas vraiment changé, il est possible de manger et sortir pour un prix extrêmement raisonnable, donc beaucoup moins cher que dans des pays de l’Europe de l’Ouest. Pareil au niveau des cigarettes qui sont beaucoup moins chères qu’en France. Et puis pour les produits d’alimentation de tous les jours, dans des supermarchés, c’est très abordable, je n’ai pas senti une hausse particulière des prix depuis 4 ans. »
Ce séjour qui était le troisième à Prague touche à sa fin, qu’allez-vous dire lorsque vous allez rentrer en France à propos de Prague s’il y a des gens qui vous demandent des conseils sur la République tchèque ?
« Je leur dirais d’y aller hors périodes touristiques, je ne sais pas si ça existe maintenant parce que j’ai l’impression que les touristes sont là toute l’année. Je leur dirais de bien choisir une date hors vacances scolaires parce que sinon, ils ne vont pas bien profiter de cette ville. Je leur conseillerai des endroits touristiques mais aussi d’autres quartiers plus excentrés de la ville. Et je leur dirais aussi de visiter le pays, ce que moi je n’ai pas fait et que je regrette, d’aller dans d’autres villes pour comparer et voir autre chose que Prague parce que c’est une capitale et ce n’est peut-être pas représentatif de ce qu’est la République tchèque.Et peut-être un conseil secret, personnel d’un coin qui vous plaît plus particulièrement, où il y a moins de touristes, moins connu, moins fréquenté ?
« Je dirais plus une heure, d’aller à Letná, que j’adore, mais très tôt le matin ou très tard le soir, pour être sûr de profiter de cette vue magnifique et de cet endroit qui est vraiment paisible quand on y est seul. »