Double qualité des aliments : Bruxelles passe à l’action

Photo: Pixabay / CC0

La Commission européenne a présenté mercredi un projet de directive visant à empêcher la pratique de certains industriels de l'agroalimentaire de présenter sous un même emballage des produits alimentaires de qualité et de compositions différentes. La thématique de la double qualité des aliments est particulièrement sensible dans les pays d’Europe centrale et orientale, dont la Tchéquie, qui estiment être victimes du procédé.

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Des tests en laboratoire ont permis de mettre en évidence le scandale. Telle pizza surgelée est vendue en Allemagne avec de la mozzarella quand, en Tchéquie, on la trouve sous la même marque avec un ersatz de fromage composé de graisse végétale, ou bien telle limonade est proposée dans les pays est-européens avec du sirop de glucose en guise de sucre et moins de fruit… Les exemples sont multiples et les Etats concernés se plaignent depuis plusieurs années d’être les laissés-pour-compte des industriels, lesquels prétendent adopter leurs produits aux goûts particuliers des différents marchés.

En décembre 2016, plusieurs capitales ont demandé à la Commission européenne de prendre l’initiative. La réponse, c’est donc le projet de directive présenté mercredi par la Tchèque Věra Jourová, commissaire européenne en charge de la justice, de la protection des consommateurs et de l’égalité :

« Notre objectif est d’augmenter la qualité des produits alimentaires là où elle est aujourd’hui réduite, en d’autres termes, de faire en sorte que les versions trompeuses disparaissent. C’est ma priorité absolue. Si cela ne se produit pas, alors nous voudrons que ce soit les marques concernées qui disparaissent. »

Věra Jourová,  photo: ČTK
Avec la nouvelle directive, la double qualité des aliments deviendrait une pratique déloyale, passible d’une lourde amende pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires de l’entreprise mise en cause. En pointe sur le sujet, l’eurocommissaire sociale-démocrate Olga Sehnalová craint cependant que la solution retenue par la Commission ne soit pas la plus adaptée pour lutter contre le phénomène. Elle aurait souhaité que les industriels pris la main dans le sac soient placés sur une liste noire :

« D’après les informations dont je dispose, la Commission européenne va plutôt emprunter un autre chemin. Elle dit bien que c’est une pratique déloyale mais, dans le même temps, elle veut définir les raisons soi-disant légitimes de cette pratique pour les producteurs. C’est pourquoi je serai très vigilante quand nous discuterons de cette proposition au Parlement européen, si jamais elle nous parvient, parce que ces ‘raisons légitimes’ ne doivent pas devenir des excuses pour ménager la chèvre et le chou et qu’au final rien ne change. »

D’autant plus que les lobbys et autres représentants de l’industrie agroalimentaire sont évidemment sur le pied de guerre contre le projet. En République tchèque, la présidente de l’Union du commerce et de l’industrie, Marta Nováková, estime par exemple que la régulation au niveau européen ne serait pas la voie à suivre, étant donné les règles différentes qui s’appliquent sur les marchés nationaux. Elle prend l’exemple des prix :

Marta Nováková,  photo: Jana Přinosilová,  ČRo
« Le prix d’un produit est lié à toute une série de critères différents selon les pays et c’est donc une chose très difficile à comparer. En République tchèque, nous avons le deuxième taux de TVA le plus élevé de l’UE sur les produits alimentaires. Cela veut dire que des biens qui présentent une même composition peuvent avoir des prix différents selon les pays. »

La route est donc encore longue avant qu’un consommateur tchèque soit certain que le soda qu’il ingurgite présente la même composition que le soda vendu sous la même étiquette en France. Le projet de directive doit maintenant être discuté entre les Etats membres avant d’être soumis à l’étude du Parlement européen, un processus qui, selon la Commission, devrait être achevé avant les élections européennes en mai 2019.