La Russie divise Miloš Zeman et Andrej Kiska
Comme de tradition, c’est en Slovaquie que Miloš Zeman, qui a entamé son second mandat à la tête de l’Etat tchèque en mars dernier, a effectué, jeudi, sa première visite officielle à l’étranger en qualité de « nouveau » président. Dans le contexte actuel, marqué notamment par les tensions avec la Russie, la rencontre entre Miloš Zeman et son homologue slovaque Andrej Kiska, deux hommes aux positions opposées sur un certain nombre de points – et notamment celui de l’attitude à l’égard de la Russie -, ne manquait pas d’intérêt.
Avant cela, Miloš Zeman, qui effectuait pour l’occasion sa huitième visite chez le voisin depuis son entrée en fonctions au Château de Prague en 2013, avait débattu de choses un peu plus sérieuses quand même avec Andrej Kiska. Et notamment, bien entendu, de l’affaire Skripal. En effet, tandis que le gouvernement tchèque a décidé d’expulser trois diplomates russes suite à la demande formulée par le Royaume-Uni, le nouveau gouvernement slovaque dirigé par Peter Pellegrini depuis la démission de Robert Fico, a lui préféré ne pas heurter la sensibilité du Kremlin pour privilégier ses intérêts dits stratégiques. Or, le prorusse Miloš Zeman aurait souhaité que le gouvernement d’Andrej Babiš adopte une autre position, semblable à celle du voisin slovaque :
« Cette affaire est un polar et il appartient à chaque pays de réagir comme bon lui semble. Personnellement, je doute du bien-fondé de l’expulsion de diplomates. Pour autant, je respecte la séparation des pouvoirs et la décision qui a été prise d’expulser trois diplomates russes était de la compétence du gouvernement. On verra maintenant quels en sont les résultats. »
Inversement, Andrej Kiska s’était clairement prononcé en faveur d’une expulsion de diplomates russes et d’une manifestation de solidarité de la Slovaquie vis-à-vis de ses partenaires de l’Union européenne et de l’OTAN, ce qu’il a répété jeudi encore :« Personnellement, je trouve inquiétant que les activités de certains diplomates dépassent, et largement, le cadre qui est habituellement celui de leur mission. C’est pourquoi je pense que dans cette affaire nous aurions pu prendre une décision semblable à celles qui ont été prises par la majorité des pays membres de l’UE mais aussi du groupe de Visegrád (V4). »
La Hongrie et la Pologne ayant toutes deux décidé d’expulser un diplomate russe chacune, la Slovaquie est le seul pays du V4 qui a préféré le statuquo.
Pour le reste, Miloš Zeman et Andrej Kiska, deux présidents au profil diamétralement opposé tant le premier divise l’opinion publique tchèque là où le second rassemble bien davantage les Slovaques, ont comme souvent souligné la qualité des relations entre Prague et Bratislava, vingt-cinq après la partition de la Tchécoslovaquie et cent ans après la fondation de l’Etat commun. « Je ne connais pas deux autres pays dans le monde qui soient aussi proches que la Tchéquie et la Slovaquie », a ainsi déclaré Andrej Kiska. En cette année 2018 anniversaire, les deux hommes se reverront du coup encore à plusieurs occasions, comme par exemple pour un voyage en train entre Brno et Bratislava en juillet prochain, histoire de « se rappeler du bon vieux temps », dixit Miloš Zeman.