Présidentielle : le premier débat de l’entre-deux-tours tourne au combat de coqs
La chaîne privée Prima organisait mardi soir le premier des deux débats de l’entre-deux-tours entre le scientifique Jiří Drahoš et le chef de l’Etat sortant Miloš Zeman. Dans une ambiance de combat de catch, les deux finalistes de la présidentielle tchèque, dont le second tour aura lieu ces vendredi et samedi, se sont invectivés une heure durant sur différents sujets sur lesquels ils n’auront que peu de marge de manœuvre s’ils sont élus.
Le format choisi par Prima, la deuxième chaîne privée la plus importante en Tchéquie, est fortement critiqué, par exemple par le politologue Lukáš Jelínek, qui collabore notamment au journal en ligne Deník Referendum :
« Nous vivons à l’époque des reality shows, sur lesquels les télévisions commerciales sont notamment bâties et je crois que le format de ce débat entrait dans ce cadre. Cela veut dire que, selon moi, aucun des deux participants n’était en mesure d’aborder en profondeur les problèmes politiques sélectionnés, et on peut aussi se poser la question de la pertinence des problèmes qui ont été choisis. »
Parmi les sujets soigneusement choisis par Prima, on trouve pêle-mêle l’interdiction de la cigarette dans les bars et restaurants, mesure depuis longtemps critiquée par Zeman, la loi de restitution des biens aux Eglises, la constitution d’un nouveau gouvernement, le port d’armes ou encore la question toujours délicate en Tchéquie de la politique migratoire. En République tchèque, le chef de l’Etat n’a pourtant qu’une fonction essentiellement représentative et, aussi éclairé soit son avis sur ces différentes thématiques, il n’a pas réellement la possibilité d’influencer la politique suivie par le gouvernement tchèque.Arrivé second du premier tour avec 26,6 % des suffrages, le chimiste Jiří Drahoš a d’abord choisi d’attaquer son concurrent sur ses revirements successifs quant à l’organisation des débats de l’entre-deux-tours. Avant le premier tour, où il a obtenu 38 % des voix, Miloš Zeman, pourtant réputé exercé à l’art oratoire, refusait tout débat, au motif qu’il ne menait pas campagne. Après le vote, il a finalement d’abord demandé à affronter son adversaire à deux reprises avant de solliciter l’organisation de quatre débats.
Le chef de l’Etat a renvoyé l’académicien dans ses cordes en indiquant qu’il s’éloignait du fil conducteur de l’émission. La suite, sur les différents thèmes, a donné lieu à différentes invectives de part et d’autre, le jeu consistant à mettre en difficulté l’adversaire par des petites piques plus ou moins bien senties ou sur la base d’anciennes citations restituées dans leurs grandes lignes. D’après Lukáš Jelínek, cela témoignerait d’une évolution du sens de ces débats télévisés :« Je suis d’accord avec ceux qui affirment que l’importance des débats télévisés n’est plus celle qu’elle a été, puisque les réseaux sociaux, internet, jouent un rôle sans cesse plus grand. Les débats télévisés sont utiles d’abord pour ceux qui privilégient une approche plus émotionnelle. Cela dépend donc beaucoup du niveau de préparation des candidats en termes de rhétorique, de gestuelle, de capacité à faire appel aux électeurs. »
Le spectacle s’est achevé en beauté sur la question de l’immigration. Jiří Drahoš a alors tenté de se rapprocher des positions de M. Zeman en insistant sur son opposition au système d’accueil des réfugiés par les quotas et en rectifiant une de ses anciennes citations. Oui, il a bien dit un jour que la République tchèque n’aurait pas de problème à accueillir 2 600 migrants, le nombre prévu par les quotas, mais, a-t-il précisé, des personnes venues « d’Ukraine », ou bien « des Balkans »…A la fin du programme, alors que les deux candidats tentaient encore en vain de s’exprimer dans le brouhaha, le présentateur s’est satisfait de la part d’audience atteinte par son programme avant de rendre l’antenne. Il n’est en tout cas pas certain que le débat de Prima ait permis aux électeurs tchèques de mieux s’orienter à l’approche du second tour. Ils pourront peut-être se forger un avis plus solide jeudi soir, à l’occasion du second débat organisé par la Télévision publique tchèque.