A Prague, la Cannafest rouvre le débat sur la légalisation du cannabis
La 8e édition de la Cannafest, un des plus importants festivals au monde consacrés à la promotion du cannabis, s’est tenue à Prague de vendredi à dimanche derniers. Bien que déjà dépénalisé, le cannabis continue d’animer le débat relatif à sa légalisation en République tchèque.
Toutefois, le constat est clair : même s’ils ont conscience des risques, la plupart des visiteurs et intervenants estiment qu’il est grand temps de légaliser complètement le cannabis. Autour d’une « cannabière » de leur propre fabrication, Vojta et Pablo, Tchèque et Espagnol, expliquent sur leur stand les raisons de leur soutien à la légalisation :
« Nous sommes favorables à la légalisation de toutes les drogues : c’est un bon moyen de lutter contre les narcotrafiquants. Et puis le cannabis n’est qu’une plante. C’est quelque chose de naturel, comme une tomate ! Nous soutenons pas mal le parti Pirate, nous avons d’ailleurs voté pour eux aux législatives, car ils ont un programme intéressant. »En République tchèque, depuis 1993, seuls la vente, l’achat et la production sont considérés comme de réelles infractions pénales. La loi, relativement souple et libérale, autorise les citoyens à posséder jusqu’à 15 grammes de cannabis, dont la consommation dans sa forme thérapeutique, sans être remboursée par les caisses d’assurance maladie, est même autorisée depuis 2013. Ce statu quo simplifie les choses, estime Jakub, simple visiteur :
« Ce n’est pas la question de la légalisation du cannabis qui est importante, car une fois que vous avez légalisé le cannabis, il faut aussi tolérer d’autres drogues. Je ne parle pas de l’héroïne ou de la cocaïne, mais le LSD ou les champignons par exemple. Le vrai problème derrière, c’est comment taxer tout ça ? Sur cette question, il faut se tourner vers les Pirates ou même les Verts. »
Si le Parti Pirate, qui a réalisé le troisième meilleur score lors des récentes élections législatives, est souvent mentionné par les visiteurs de la Cannafest, c’est bien parce qu’il prend ouvertement position en faveur de la légalisation du cannabis. Leader des Pirates, Ivan Bartoš justifie sa vision des choses :
« C’est une approche pragmatique et même conservatrice de la question du cannabis. Si nous prenons l’exemple de certains Etats américains comme le Colorado, on s’aperçoit que la légalisation a permis non seulement d’éliminer une grande partie du marché noir, mais aussi d’augmenter les recettes fiscales. Cet argent peut ensuite être utilisé pour financer certains services publics. On a aussi constaté que les jeunes ne consomment pas davantage de cannabis, contrairement aux craintes formulées par les opposants à la légalisation. Concernant les mineurs, la loi serait aussi restrictive que par exemple pour la vente d’alcool, et il n’est pas dans l’intérêt des commerçants d’en vendre aux mineurs. Par ailleurs, en République tchèque, une loi autorise son usage thérapeutique, mais dans les faits vous ne trouvez pas de cannabis dans les pharmacies. Il convient donc là aussi de trouver une solution. Plus généralement, nous estimons le montant des recettes fiscales d’une telle dépénalisation à trois milliards de couronnes (près de 120 millions d’euros). » En attendant une éventuelle future légalisation, la Tchéquie reste l’un pays qui compte un des plus grands nombres de consommateurs de cannabis en Europe, notamment parmi les jeunes, âgés entre 15 et 25 ans. Le cannabis restait encore la drogue la plus saisie dans le pays en 2016, avec plus de 600 kilos, loin devant l’héroïne et la cocaïne (source : Observatoire européen des drogues et des toxicomanies).