Magdalena Rejžková, une Tchèque qui raconte sa vie à Marseille dans le blog « Bujabéza »
Magdalena Rejžková est une journaliste tchèque installée depuis deux ans à Marseille. Arrivée dans la cité phocéenne dans le cadre d’un stage effectué au Bureau d’information du Parlement européen, elle travaille actuellement au centre culturel de la Villa Méditerranée. Auteure de nombreux reportages publiés sur des sites d’information tchèques, elle tient un blog sur sa vie et ses découvertes à Marseille, pour le plus grand plaisir de ses jeunes compatriotes francophiles. De passage en République tchèque, Magdalena Rejžková a parlé au micro de Radio Prague de ce blog intitulé « Bujabéza », ainsi que du livre qu’elle prépare et qui se veut être un guide pas comme les autres de Marseille.
« Au début c’était vraiment un grand chaos… A l’époque, j’ai atterri à la gare Saint-Charles. Ceux qui la connaissent savent que c’est un lieu assez bruyant et très fréquenté. Je me souviens m’être retrouvée sur un des plus grands boulevards de Marseille, je me souviens du chaos, des voitures qui klaxonnaient, des gens qui criaient… Ma première impression était plutôt celle-ci, ce n’était pas de la peur, mais un désordre total. Ensuite, en me promenant dans le vieux port, j’ai découvert que Marseille avait aussi son côté tranquille. Je m’étais aperçue assez vite que Marseille avait ces deux visages, c’est une ville bruyante et calme à la fois. Ce n’est que progressivement que j’ai commencé à avoir une image un peu plus complexe de la ville. »
Marseille est une ville cosmopolite. Existe-t-il une communauté tchèque dans la cité phocéenne ? Qui sont « les Tchèques de Marseille » ?« Les Tchèques ne sont pas nombreux à vivre à Marseille, je ne sais pas pourquoi. Personnellement, j’en connais environ cinq. En tout, nous ne sommes qu’une dizaine, je crois. Les Tchèques sont plus nombreux à vivre dans la région, ainsi qu’en Provence, du côté d’Aix-en-Provence. Quant aux Tchèques installés à Marseille, il s’agit souvent de femmes mariées à des Français qui vivent ici depuis longtemps. Ensuite, il y a de nouveaux arrivants, comme moi. »
Le blog que vous écrivez en tchèque s’appelle ‘Bujabéza’, donc Bouillabaisse en français. Dans une interview, vous aviez expliqué avoir choisi ce nom avant même votre installation à Marseille…« Oui tout à fait. Avant d’arriver à Marseille, j’avais entendu que c’était une ville dangereuse, assez chaotique et je m’étais dit que ça pourrait être drôle d’écrire un blog sur cette ville. Je voulais lui donner un titre qui serait lié à Marseille. ‘Bujabéza’ m’a plu, c’est un mot féminin qui désigne, pour moi, un mélange de tout. Cela convient à ce blog qui parle de toutes sortes d’histoires. »
Pourquoi avoir créé ce blog ? Etait-ce par envie d’écrire, une manière de tenir un journal peut-être ou par envie de partager vos expériences avec vos amis tchèques ?
« J’aime bien écrire, j’avais envie d’une activité de ce genre à laquelle je pourrais me consacrer parallèlement à mon stage pour le Parlement européen. En effet, j’avais aussi envie de partager mon expérience avec mes amis et ma famille. Peu à peu, ce concept s’est développé. Je souhaite que mon blog ne soit pas articulé seulement autour de mes histoires personnelles, mais qu’il parle plus généralement de Marseille et de la France. »
Ce blog a donc évolué depuis ces deux ans ?
« Oui, il a beaucoup évolué je trouve. Même aujourd’hui, s’il m’arrive quelque chose de drôle, je l’écris parce que je trouve cela amusant. Sinon, je m’intéresse aux gens qui essaient d’améliorer leur vie et celle des autres. »
Vous voulez tirer un livre de votre blog, un livre qui va paraître en République tchèque cet été. Dans le blog, vous racontez votre vie à Marseille, votre travail, vos colocataires, vos amis, vos découvertes mais aussi, comme vous le dites, des personnes intéressantes que vous avez rencontrées. Vous parlez D’Abdès Bengorine, fondateur du projet « Recyclop », qui vise à ramasser et à recycler les mégots, Marie Maurage, l’éleveuse qui a créé une ferme dans les quartiers du nord de Marseille, c’est un projet à la fois pédagogique et alimentaire. Est-ce cette ville-là, cette France-là, que vous voulez faire découvrir aux Tchèques dans ce livre ?« Tout à fait ! Il y a une chose qui m’impressionne. Marseille est une ville assez pauvre, on y observe beaucoup de problèmes. En même temps, ses habitants essaient de les résoudre par eux-mêmes avec leurs moyens, même si ce sont des personnes comme vous et moi. L’idée, c’est que chacun peut faire quelque chose : fonder une ferme, mettre en place des activités pour les enfants, ramasser les déchets, les mégots… Il y a des gens qui ramassent aussi les aliments périmés du supermarché. Ce qui m’impressionne, c’est que chacun puisse choisir sa voie. Il est juste question de choisir le moyen qui nous plaît le plus pour aider les autres. Je parlais par exemple avec Thomas Walks qui est un skateur très connu à Marseille. Il a choisi le skate pour donner des cours à des gamins des quartiers difficiles. J’aimerais bien transmettre cet esprit dans mon livre. C’est pour cette raison que ce dernier va être structuré différemment comparé au blog de manière à mettre en valeur cet aspect-là de la vie marseillaise. »Cet esprit de partage parmi les Marseillais qui vous touche, est-ce quelque chose que vous ne retrouvez pas forcément en République tchèque ?
« Je pense qu’il y en a de plus en plus, mais à Marseille, le partage est aussi lié au fait que pour beaucoup de gens, il s’agit d’une manière de gagner mieux leur vie. Dans les rues de Marseille, vous voyez de tout à côté des poubelles : des meubles, des guitares… L’idée est d’offrir aux autres ce dont on n’a plus besoin. Cela ne se limite pas aux objets, le partage fonctionne aussi dans le domaine des services, j’ai vu beaucoup de gens partager leur savoir-faire. C’est quelque chose que j’apprécie énormément. »Est-ce que vous comptez conserver dans le livre ce style un peu négligé et familier que vous employez dans le blog ?
« Certainement, car Marseille est une ville populaire où les gens parlent comme ils veulent. J’essaie de garder dans le blog ce style familier. Je souhaite que mon livre, tiré du blog, soit un guide alternatif qui présente Marseille différemment. Il y a déjà beaucoup de guides officiels alors je me suis dit pourquoi pas avoir un guide plus rigolo et plus personnel. »
Pour publier ce livre, vous avez lancé une campagne de crowdfunding, je suppose que cela représente beaucoup d’énergie alors pourquoi avoir choisi cette voie, où en est votre projet et comment s’organise-t-il ?
« Nous sommes en ce moment trois à travailler sur ce livre. Moi-même, une illustratrice tchèque qui s’appelle Brunhilda et le représentant de la petite maison d’édition de Brno, Backstage books, qui encadre tout ce projet. C’est un travail assez compliqué, car je suis à Marseille, l’illustratrice habite à Prague et la maison d’édition se trouve à Brno. Pour Brunhilda et moi, c’est notre premier livre, nous découvrons quelque chose de nouveau tous les jours. Côté financement, nous avons essayé de nous adresser à certaines institutions mais ça n’a pas trop marché car le livre ne rentrait pas dans le cadre des projets littéraires habituels. Nous nous sommes alors tournées vers le crowdfunding, ce qui a demandé plus d’énergie que prévu. Il fallait préparer une vidéo pour promouvoir le livre, pour inciter les gens à l’acheter avant même sa sortie, il a fallu aussi préparer des cadeaux pour eux. Finalement, la campagne a plutôt bien marché car nous avons récolté 140% de la somme prévue. Si tout va bien, le livre devrait sortir en juillet prochain. Environ 120 personnes ont acheté le livre dans le cadre de la campagne et nous espérons en arriver au double. »Le titre du livre s’appelle « Chtěj Marsej ». Comment le traduisez-vous en français ?
« Je ne sais pas comment le traduire en français, peut être comme ‘Vouloir Marseille’, car en tchèque, c’est un jeu de mots. On peut dire aussi 'Ils veulent Marseille', en pensant aux gens qui veulent améliorer la vie à Marseille. En même temps, ce titre fait allusion au fait que l'image que se font les Tchèques de cette ville n'est pas très bonne… Ils pensent souvent que c’est une ville dangereuse, que l'on y vend de la drogue partout. Je voulais que ce livre change ces idées reçues, que les gens découvrent le côté convivial et solidaire de Marseille. »https://bujabeza.wordpress.com/