Des cuisses de grenouilles et autres spécialités françaises chez Papi Oliver
C’est à Prague que Grégory Oliver a posé ses ustensiles pour ouvrir son restaurant baptisé « Papi Oliver » en référence à ses attaches familiales. Cet amoureux de la cuisine française propose des spécialités en partie inspirées des recettes de son grand-père Raymond Oliver, ancien chef français reconnu. Après ses vacances annuelles de janvier, le bistrot rouvre ses portes ce mardi. Pour l’occasion, Grégory Oliver, accompagné de sa mère Stéphane, nous livre un témoignage riche en anecdotes sur la cuisine française, mais aussi tchèque.
Un bistro avec une carte mobile
Il y a un peu plus d’un an de cela, « Papi Oliver » ouvrait ses portes pour la première fois. Grégory Oliver expose le concept original de son établissement :« Ma carte est toujours très réduite. Elle est composée de trois ou quatre entrées, de trois plats et de trois ou quatre desserts. Les choix varient selon les semaines puisque je fonctionne avec le marché, c’est-à-dire qu’un plat ne reste pas longtemps à la carte, parfois trois jours et au maximum quinze. Mais il y a un inconvénient en Tchéquie : je suis obligé de faire vingt kilomètres supplémentaires pour chaque type de produits, car rien n’est centralisé. Je fais le marché trois à quatre fois par semaine, ce qui me permet de ne pas avoir de stocks et d’utiliser uniquement des produits frais. »
S’il cherche très souvent les produits directement chez le producteur, Grégory Oliver a également des partenaires fixes avec lesquels il a développé un concept participatif intéressant :
Grégory : « Je travaille avec ‘Chez Greg’ pour le vin. Il vend principalement du vin français, mais propose aussi quelques crus d’autres pays. Nous sommes en train de mettre un partenariat en place qui permettra aux clients d’acheter leur bouteille chez lui avant 20 heures en fonction de ce qu’ils ont décidé de manger, conseillés directement à la boutique. Il choisit le vin pour les clients qui mangent ensuite au restaurant et je bénéficie d’un droit de bouchon. Pour les fromages, je travaille avec ‘Fransýr' qui affine et vend du fromage français de très bonne qualité. »
Recevez-vous beaucoup de Tchèques dans votre restaurant ? Quelles sont les spécialités qu’ils préfèrent et commandent le plus ?
Grégory : « Il est difficile de dire quelles sont les spécialités qu’ils préfèrent car la carte change tout le temps. Mais ils viennent pour les grenouilles car j’en fais de temps en temps, et les Tchèques trouvent cela très exotique. J’ai d’ailleurs quelques anecdotes très amusantes sur les grenouilles, notamment lorsqu’un couple est venu pour goûter ce plat pour la première fois. Mais l’homme choisit finalement de ne pas prendre les grenouilles, ce à quoi sa compagne lui rétorque : ‘Non…tu avais dit que tu prenais les grenouilles !’ et il lui répond ‘Oui, mais je n’ose pas, tu ne veux pas les prendre toi ?’. Alors elle réplique : ‘Non, non, on avait dit que c’était toi qui prendrait les grenouilles et qu’on partagerait’… Quant aux escargots, je n’en ai pas encore fait mais je compte en proposer car la République tchèque est un des plus gros producteurs d’Europe. Tout ça pour dire qu’en réalité j’ai une clientèle très large et très éclectique composée de Tchèques, d’expatriés, de Français, mais de peu de touristes car mon restaurant est situé en dehors des zones touristiques. »De la cuisine française à la cuisine tchèque
S’il aime la cuisine française, Grégory Oliver a aussi dû apprendre la cuisine locale en tant que chef expatrié ; une gastronomie tchèque dont Grégory et Stéphane Oliver ont une opinion positive :
Grégory : « Je ne m’inspire pas de la cuisine tchèque mais je l’apprécie, bien que ce soit une cuisine d’hiver assez lourde. La variété des plats est certes moindre qu’en France, mais le pays est plus petit et composé de seulement dix millions d’habitants…S’il est bien fait, j’aime bien le goulasch, avec les ‘houskové knedlíky' (sorte de knödels à base de mie de pain). Le plus souvent, le meilleur goulasch se trouve dans les restaurants les moins chers, notamment dans les petites auberges et les petites ‘hospoda’ cachées où on n’a pas forcément envie d’entrer lorsqu’on ne connaît pas. »
Cuisinez-vous des plats tchèques lorsque vous rentrez en France ?
Grégory : « En France, non, mais à la maison oui, parfois. Je fais très bien les saucisses à la bière noire, c’est également un plat tchèque traditionnel que j’aime bien. Mais la base est toujours la même : beaucoup d’oignons, de la graisse de porc, et le mélange réduit jusqu’à ce que les oignons deviennent de la sauce. »Stéphane : « Un jour, j’ai choisi un roastbeef qui était à la carte, car j’étais étonnée de voir enfin de la viande rouge en Tchéquie. C’était de la viande bouillie avec de la confiture (probablement la « svíčková na smetaně » ; en réalité du bœuf rôti et servi avec une sauce aux légumes et à la crème, accompagné d’une tranche de citron et d’un peu de confiture d’airelles. Il s’agit d’un plat traditionnel, souvent proposé lors des mariages, ndlr), mais j’ai trouvé cela très bon, digne d’un bon restaurant. Et pour le mariage de Grégory en 2015, nous avons mangé dans un restaurant tchèque tout à fait délicieux. J’étais sidérée par le choix de mon fils qui a proposé de la langue en entrée puisqu’au moins la moitié des invités à un mariage n’aiment pas la langue. C’était d’ailleurs effectif des Français présents au repas, comme mon fils aîné et ses enfants. Finalement, le plat était délicieux et il était si bien préparé que tout le monde a adoré. Mais ce n’est pas valable partout, il faut choisir un bon restaurant. »
L’héritage culinaire de Raymond Oliver
La précision des critiques culinaires des Oliver vient d’une tradition familiale cultivée depuis cinq générations. Le grand-père de Grégory, Raymond Oliver, était connu en France comme le chef du « Grand Véfour », un célèbre restaurant parisien. Il a également co-animé une émission de télévision « Art et magie de la cuisine », très populaire dans les années 50 et 60 en France. Stéphane Oliver, qui était encore une enfant à l’époque où son père Raymond cuisinait sur les plateaux de télévision, l’aidait déjà en coulisses, baignant ainsi dans les recettes familiales. Elle détaille le legs culinaire que son père a laissé derrière lui :
Stéphane : « Indiscutablement, toutes les bases. Evidemment, la cuisine a beaucoup évolué depuis les années 50, mais mon père avait déjà une cuisine assez moderne. Il a supprimé toutes les liaisons à la farine à une époque où la cuisine lourde était à la mode. Par exemple, dans les années 60, il cuisinait déjà du soufflé aux grenouilles. »
Grégory : « Ici, j’ai fait du soufflé au fromage, au Grand Marnier, et aussi en dessert. C’est ‘sympa’ le soufflé d’ailleurs, les clients sont toujours surpris par l’aspect ‘gonflé’ du plat. De temps en temps, lorsque j’ai besoin d’une recette de base, en pâtisserie notamment pour laquelle les procédés sont toujours les mêmes, ou lorsque j’ai un doute, j’utilise toujours le livre de mon grand-père. »Stéphane : « Des amis restaurateurs décorés des trois étoiles du guide Michelin m’ont dit que le livre de mon père était leur bible. Il en a écrit douze, mais son livre majeur s’appelle ‘La cuisine’. En le parcourant, le but n’est pas de copier la recette, mais de s’en inspirer. C’est une bonne base, notamment en cas de doutes, pour savoir dans quelle direction mon père allait et pour me remémorer la manière dont il cuisinait. »
L’héritage de leur père réside également dans l’accueil réservé aux clients. Le restaurant Papi Oliver, qualifié de « Bistro+ », propose à la fois des plats simples, mais aussi des recettes plus recherchées et donc un peu plus chères pour faire découvrir à des clients moins novices des recettes qu’ils n’auraient peut-être pas l’occasion de goûter ailleurs. Cette ouverture d’esprit, Stéphane la décrit à travers une anecdote de son père Raymond Oliver :
Stéphane : « Un jour, une dame est arrivée dans le restaurant de mon père proprement vêtue, mais très simplement. Ce n’était pas une ‘clocharde’ mais presque… Elle a dit : ‘Bonjour, j’ai réservé à tel nom’. Le maître d’hôtel se dit en la regardant qu’elle ne correspond pas à la clientèle du Grand Véfour. Il regarde le carnet de réservations et lui dit : ‘Non, votre nom n’est pas inscrit. Mon père était derrière, a regardé le carnet de réservations et y a vu le nom de cette dame. Alors, elle rétorque : ‘Mais cela fait plus d’un an que j’économise !’. Mon père a finalement répondu: ‘Ce n’est pas grave, on n’a pas la réservation de la dame, mais on lui donne une des meilleures tables. Mettez-la au milieu !’. »
Quant aux autres restaurants français à Prague, le propriétaire de « Papi Oliver » dit les fréquenter parfois…
« Le restaurant ‘La gare’ a un cadre classique et très joli, mais très différent de mon bistro. J’apprécie aussi le restaurant français ‘A table’, un peu similaire au mien. »
Pour ceux désireux de goûter les cuisses de grenouilles ou autres spécialités françaises, le bistrot Papi Oliver rouvre donc ses portes ce mardi 7 février. La maison vous accueille du mardi au samedi, de 16 à 23 heures.