Transport routier : la concurrence entre chauffeurs français et tchèques en question
Bien sûr les routiers sont sympas ; il n’en reste pas moins que leur mise en concurrence à l’échelle de l’Union européenne n’est pas sans poser des problèmes. C’est pour cette raison que l’Allemagne et la France imposent désormais aux conducteurs routiers étrangers y opérant d’être payés au niveau de leur salaire minimum. Un dispositif qui ne plait pas à la République tchèque, particulièrement depuis la médiatisation du cas d’un chauffeur routier tchèque, début octobre, qui a dû s’acquitter en France d’une amende de 135 euros pour non-respect de la nouvelle législation…
Cette lutte est portée par des syndicats mais aussi par des organisations patronales, telles que l’OTRE, laquelle représente les petites et moyennes entreprises du secteur routier. Lors du congrès de cette structure à la mi-octobre, sa présidente, Alice Mesples, déclarait ainsi :
« Je n’avais pas caché l’an passé lors de notre congrès de Bordeaux l’immense inquiétude des professionnels de la route, qu’ils transportent des personnes ou des marchandises, face à la concurrence déloyale pratiquée par certains pays de l’Union européenne dans le cadre notamment du détachement des travailleurs […]. Ce combat, cette mobilisation dans la lutte contre la concurrence déloyale, est le premier sur lequel nous nous mobilisons. »
Bien qu’avec quelques réserves, la nouvelle réglementation introduite au premier juillet dernier avec la loi Macron est donc plutôt satisfaisante pour la partie française. Dans un cadre flou selon certains, elle impose aux conducteurs étrangers qui circulent en France, mais pas à ceux qui y sont en transit, de respecter certains points du Code du travail français, en particulier qu’ils soient rémunérés au SMIC.Or le salaire minimum français est supérieur au salaire moyen tchèque. Sans surprise, tout cela déplaît fortement aux pays européens visés, et parmi eux à la République tchèque, et à leurs organisations patronales. A la demande de ces Etats, la Commission européenne a lancé une procédure à l’encontre de Paris, qui a pour sa part reçu le soutien de différents pays ouest-européens. A la Télévision tchèque, un camionneur tchèque interrogé accueille de son côté la nouveauté plus positivement. « Tout le monde serait content de gagner plus d’argent », indique-t-il.
En Tchéquie, le ton est monté d’un cran quand, début octobre, un chauffeur du pays circulant en France, incapable de produire les justificatifs demandés en français sur son salaire, a été verbalisé et contraint de payer une amende de 135 euros. C’est son employeur, la société ČSAD Uherské Hradiště, qui, plutôt que de respecter la nouvelle réglementation et de payer correctement son salarié, s’est acquittée de cette somme. Il n’entend d’ailleurs pas se soumettre, estimant que le dispositif va contre le droit européen et que ses employés circulent généralement seulement plusieurs heures sur le territoire français et non pas des jours entiers.
Des critiques relayées par Jan Medveď, de l’Union des transporteurs routiers Česmad Bohemia, qui craint des dépenses administratives supplémentaires, surtout si d’autres pays suivaient l’exemple français :
« Cela fait bien longtemps que Česmad Bohemia défend la position selon laquelle l’application de directives sur les travailleurs détachés, telles que celles de la loi Macron, n’est pas pertinente et n’est pas adéquate pour les travailleurs très mobiles que sont typiquement les chauffeurs du transport routier. »Les inquiétudes des employeurs tchèques ne rendent pas insensibles le gouvernement. La ministre du Travail, la sociale-démocrate Michaela Marksová, qui aimerait que la France suspende l’application de la loi en attendant la décision de Bruxelles, devrait prochainement discuter à Paris avec son homologue Myriam El Khomri de leur pomme de discorde. Quant au premier ministre Bohuslav Sobotka, lui-même social-démocrate, il demande à la Commission de prendre position rapidement.