Droits de l’homme : la fondation René Cassin à l’honneur de la Bibliothèque Václav Havel
C’est la jeune irakienne Nadia Murad, militante des droits de l’homme actuellement en exil après avoir fui l’organisation de l’Etat islamique, qui a été récompensée lundi à Strasbourg du prix international des droits de l’homme Václav Havel. Dans ce cadre, une conférence s’est tenue ce mercredi à Prague en sa présence et avec d’autres finalistes de ce prix organisé depuis quatre ans par la Bibliothèque Václav Havel. Parmi eux est intervenu le juriste Sébastien Touzé, qui dirige depuis le début de l’année l’Institut international des droits de l’homme – Fondation René Cassin. Pour Radio Prague, il a présenté le travail conduit par cette organisation :
A côté de ce volet enseignement, nous avons également un volet recherche, c’est-à-dire que la fondation René Cassin a un programme de recherche qui a pour vocation à s’intéresser principalement aux problématiques contemporaines en matière de protection des droits de l’homme. A ce titre, nous développons des manifestations scientifiques, des colloques universitaires bien entendu, mais également des travaux un peu plus longs. Nous avons des travaux de recherche qui sont en cours à la fondation René Cassin, principalement sur la mise en œuvre des conventions internationales en matière de protection des droits de l’homme. On porte ainsi une réflexion sur l’effectivité de ces instruments et sur leur mise en œuvre concrète au niveau national. »
En ce qui concerne ce volet enseignement, vers quelles zones géographiques sont dirigées ces formations ? Par exemple, en Europe centrale, en République tchèque, on peut avoir des formations organisées par la fondation René Cassin ?
« Comme notre action le définit, on essaie principalement d’aller en premier lieu vers les pays qui sont en transition démocratique, qui sont en conflit, ou qui traversent des situations problématiques relativement à la question de l’Etat de droit. C’est ainsi que la majorité de nos actions de formation se situent dans le sud, principalement sur le continent africain. Nous avons également des formations qui ont été développées en Amérique latine, à Haïti à Port-au-Prince, et aussi au Proche Orient, où nous intervenons au Liban. Il est vrai que nous envisageons dans un avenir très proche d’ouvrir des sessions en Europe de l’Est et pourquoi pas en République tchèque en effet. L’essentiel est de pouvoir trouver ici sur place un partenaire susceptible de pouvoir nous épauler dans cette action. »Vous avez été finaliste du prix international des droits de l’homme Václav Havel. Qu’est-ce que cela représente pour une organisation comme la vôtre ?
« Pour nous, c’est déjà une reconnaissance incroyable. Notre action n’est pas confidentielle mais dans la mesure où elle s’adresse principalement à des gens qui agissent quotidiennement peut-être dans l’anonymat – lorsque l’on regarde des fonctionnaires, des juges… tous ceux que nous formons nous font aussi ce commentaire -, c’est une reconnaissance pour notre institution mais c’est aussi et surtout une reconnaissance pour tous ceux qui sont passés depuis 1969 dans nos murs. Cela démontre que leur action aussi au quotidien trouve ici à travers la nomination de la fondation pour le prix Václav Havel une profonde reconnaissance. Et je sais d’ores et déjà, par les retours que nous avons eus, que ceux-ci ont été très touchés par cette nomination. »
Cela vous permet aussi de participer ce mercredi à cette conférence de la Bibliothèque Václav Havel à Prague. Quel est le message que vous souhaitez faire passer durant cette journée ?
« Le message est tout d’abord un constat : nous sommes actuellement dans une situation internationale particulièrement problématique, inquiétante. On le voit à travers les conflits armés qui frappent un certain nombre de pays, la menace terroriste évidemment, le fondamentalisme, et qui entraînent surtout un repli sur soi de la part de nombreux Etats, qui jusqu’alors étaient le fer de lance de la promotion des droits de l’homme. Nous voyons ces Etats se replier derrière des arguments tirés de la souveraineté nationale et réfuter ainsi toutes les valeurs qui ont pourtant alimenté la protection des droits de l’homme depuis 1950.Donc le message que la fondation souhaiterait faire passer aujourd’hui, c’est justement d’alerter sur cette situation, non pas sur les violations que nous connaissons tous – le témoignage de Nadia Murad l’a démontré, il y a des violations, il ne faut pas les minimiser, les effacer ou les nier -, mais il faut évidemment repenser un peu la logique de mise en œuvre des droits de l’homme, essayer de retrouver les arguments nécessaires pour permettre aux Etats de comprendre que la solution de repli n’est pas la bonne, que la souveraineté ne sera jamais bafouée par les droits de l’homme. Au contraire, ils servent la souveraineté de l’Etat, ils servent la démocratie, ils servent l’Etat de droit. »
Je crois que désormais il faut apprendre aux Etats la valeur de l’être humain et il faut réapprendre la valeur de ses droits.
Cela est sans doute vrai aujourd’hui en Europe centrale et dans des pays comme la République tchèque, où il y a eu un homme qui a été réputé pour son combat pour les droits de l’homme : Václav Havel. Que représente Václav Havel pour vous et pour votre fondation ?
« Václav Havel représente pour la fondation la confirmation qu’il y a, à l’instar de René Cassin, des hommes qui consacrent leur vie entière à la promotion des valeurs qu’ils jugent essentielles, celles de tout être humain, celle de la protection des droits de l’être humain, et celle de la redéfinition peut-être des rapports que peuvent avoir les personnes avec les Etats. Je crois qu’il y avait une formule de Václav Havel qui disait tout simplement : « il faut apprendre à l’homme la valeur de son être ». Je crois que désormais il faut apprendre aux Etats la valeur de l’être humain et il faut réapprendre la valeur de ses droits. »