María Corina Machado, lauréate du Prix Václav Havel : « Je sais que je suis au bon endroit au bon moment »

María Corina Machado

Cheffe de l’opposition vénézuélienne, María Corina Machado a reçu ce lundi, à Strasbourg, le Prix des droits de l’Homme Václav Havel, décerné chaque année, depuis 2013, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Contrainte à la clandestinité, la première lauréate latino-américaine a dédié cette récompense à « ceux qui luttent pour la liberté au Venezuela ».

Ana Corina Sosa,  la fille de María Corina Machado | Photo: Jean-Francois Badias,  ČTK/AP

« Dans mon refuge forcé, à l’abri des persécutions du régime, je trouve du réconfort dans la lecture répétée de Havel, que je paraphrase en rappelant l’une de ses lettres à Olga, dans laquelle il disait qu’il était là où il devait être et qu’il ne s’était pas perdu. Je sais que je suis au bon endroit au bon moment, fidèle à mes convictions, et c’est pourquoi j’ai décidé de continuer à lutter aux côtés du peuple vénézuélien », a déclaré, en visioconférence, cette ingénieure et opposante de 56 ans, qui vit dans la clandestinité suite à la réélection contestée du président Nicolas Maduro en juillet dernier.

Cofondatrice et ancienne dirigeante du groupe vénézuélien de surveillance des votes et de défense des droits des citoyens Súmate et actuellement coordinatrice nationale du mouvement politique Vente Venezuela, María Corina Machado est interdite d’exercer une fonction publique dans son pays ce qui l’empêche de se présenter à l’élection présidentielle. Après la réélection de Maduro, la répression des manifestations organisées pour contester le scrutin a fait des dizaines de morts et de blessés. María Corina Machado est alors entrée en clandestinité en août 2024, déclarant qu’elle craignait pour sa vie, sa liberté et celle de ses concitoyens.

Václav Havel | Photo: Martina Kutková,  Radio Prague Int.

Remplacée, lors de la cérémonie à Strasbourg, par sa fille Ana, l’opposante a rappelé, dans son discours, l’héritage de l’ancien dissident et président tchèque Václav Havel, « devenu profondément pertinent pour nous, Vénézuéliens », a-t-elle dit, « compte tenu des immenses défis que nous avons relevés au cours des 25 dernières années pour recouvrer notre liberté ».

« Il faut se rappeler que le Venezuela était la démocratie la plus solide d'Amérique latine dans les années 1980, un pays qui utilisait sa diplomatie et ses ressources pour aider ses voisins à surmonter les dictatures et les guerres civiles et les soutenait dans leur transition vers la démocratie. Cela ressemble presque à un rêve aujourd’hui » a constaté María Corina Machado, rappelant qu’à cette même période, à l’autre bout du monde, en Tchécoslovaquie, Václav Havel et tout le mouvement de la Charte 77 luttait « contre un autre type de régime autocratique ».

Mercredi 2 octobre, la Bibliothèque Václav Havel organisera à Prague une conférence internationale en l’honneur de la lauréate vénézuélienne. Les deux autres finalistes cette année étaient l’activiste politique azerbaïdjanais emprisonné Akif Gurbanov et l’activiste féministe et avocate géorgienne Babutsa Patarai.

Photo: Abaca Press/Profimedia

Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Theodoros Rousopoulos a rappelé que parmi les 11 précédents lauréats du Prix Václav Havel, six étaient toujours en prison et a demandé leur libération immédiate.

L’intervention du leader de l'opposition russe, Vladimir Kara-Mourza – qui était en détention en Russie lorsqu'il s'est vu décerner le Prix Václav Havel en 2022 – a été un moment fort de la cérémonie. Libéré en août dernier, dans le cadre d’un échange de prisonniers, il a pu venir à Strasbourg et s’exprimer devant l’Assemblée, en se souvenant, lui aussi, de Maria Kolesnikova, Ales Bialiatski ou Osman Kavala :

Vladimir Kara-Mourza | Photo: CHRISTOPHE PETIT TESSON,  EPA/Profimedia

« J’étais sur cette même liste il y a seulement huit semaines, assis dans une cellule de deux mètres sur trois, en isolement dans une prison de haute-sécurité en Sibérie, et j'étais persuadé que le reste de ma vie allait ressembler à cela. Si je suis ici aujourd’hui, c’est grâce à vous, grâce aux efforts soutenus de personnes engagées » a déclaré Vladimir Kara-Mourza, soulignant que « la Russie de [Vladimir] Poutine compte plus de 1 300 prisonniers politiques connus, soit bien plus que l’ensemble de l’Union soviétique dans ses dernières années ».

Celui qui avait été condamné en avril 2022 à 25 ans de prison pour trahison et diffusion de fausses informations sur l’armée russe a fait savoir aussi que selon les estimations des associations de défense des droits de l’homme, plus de 20 000 personnes ont été arrêtées par la police dans toute la Russie depuis février 2022 pour avoir manifesté contre la guerre en Ukraine. Un millier d’entre elles ont été inculpées, jugées ou emprisonnées.