Václav Havel est à l’honneur au Centre tchèque de Prague
A l’occasion des 80 ans qu’il aurait fêtés cette année, une exposition est consacrée à Václav Havel au Centre tchèque de Prague jusqu’au 7 mai. « Politique et conscience » a pour dessein de représenter la pensée du dramaturge et ancien président de la République à travers une série de photographies qui retrace son parcours politique, de la dissidence à la présidence. Cette exposition souligne la complexité du rôle à la fois de philosophe et de politique que Václav Havel a dû endosser. Curateur de l’exposition, Jan Hron a cependant voulu mettre davantage en avant les actions humanistes de l’ancien président plutôt que le parcours d’un politique stricto sensu.
« Václav Havel est d’abord un symbole pour les Tchèques. Il est le symbole de la révolution et du passage de la dictature a la démocratie. Cela dépend de la manière dont les gens considèrent cette révolution. Certaines personnes voient cela de manière positive et le considèrent comme une personnalité positive. D’autres pensent différemment et sont nostalgiques de l’ancien régime communiste. Ils sont frustrés par la politique actuelle pour différentes raisons. C’est pourquoi Václav Havel est pour eux une figure négative, la personnification de tout ce qui va mal dans ce pays. Ils pensent que c’est lui qui est responsable. »
« Je ne sais pas, pour les jeunes qui ne l’ont pas connu vivant, ils le considèrent comme une figure historique normale et non comme une personne extraordinaire. Cependant, lorsque l’on parle de Václav Havel, on parle toujours de lui comme d’une grande figure et ils comprennent bien qu’il est une grande personnalité de l’histoire. Mais cela s’arrête là. »Personnalité historique indéniablement respectée, Václav Havel, confronté au défi de l’ouverture d’un pays fraîchement démocratique, n’a cependant pas échappé aux critiques de sa politique. Il lui a ainsi été reproché, entre autres, d’être parfois trop proche de la Maison blanche, notamment lors de l’engagement de la République tchèque via l’OTAN dans la guerre du Kosovo entre 1998 et 1999. Seulement, toujours d’après Jan Hron, Václav Havel était plus animé par le désir de faire de la République tchèque un grand pays culturel :
« Je pense que Václav Havel est un homme politique qui a réussi. C’est lui qui a ouvert notre pays à l’Union européenne et à l’OTAN. Cependant, Václav Havel avait d’autres ambitions que celle de faire de la République tchèque un membre de ces institutions internationales. Au début des années 1990, Václav Havel souhaitait que la République tchèque soit en quelque sorte un carrefour spirituel de l’Europe. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a fondé le Forum 2000. Il voulait que la République tchèque soit le pays de la spiritualité, de la culture, de l’éducation. Sur ce point, on peut se demander si il a réussi, surtout lorsque l’on voit ce qu’est devenue la République tchèque aujourd’hui. »
« On peut alors penser que Václav Havel a échoué. Cela ne signifie pas pour autant que le défi qu’il avait proposé de relever à la société tchèque n’est pas intéressant. Il est important que ces défis existent. Il n’en tient qu’à nous de les relever. »L’exposition de la photographie sur laquelle l’ancien président apparaît en compagnie du dalaï-lama illustre, à la lumière de l’actualité de ces dernières années, le tournant qu’a pris la présidence de Miloš Zeman dans le domaine diplomatique.
En effet, la politique étrangère défendue par Václav Havel et fondée sur un engagement en faveur des droits de l’homme et de facto contre les régimes autoritaires n’a pas été suivie par ses successeurs au Château de Prague, qu’il s’agisse de Václav Klaus entre 2003 et 2013 ou désormais de Miloš Zeman. Le rapprochement entrepris avec la Chine, soutenu également par le gouvernement, le montre bien. Jan Hron rappelle ici le rôle de la politique étrangère humaniste de Václav Havel :
« Il y a certes des défis à relever aussi pour notre politique étrangère, mais le panneau avec le dalaï-lama n’a pas été pensé comme une critique de la politique actuelle prochinoise de Miloš Zeman. Le sujet des droits de l’homme faisait partie des attentes suscitées par cette exposition, c’est pour cette raison qu’il y d’autres panneaux sur le sujet. »« Je n’ai pas eu de meilleure idée que de mettre une photo de Havel avec le dalaï-lama et une citation selon laquelle c’est le rôle d’un gouvernent démocratique que de mettre en garde contre la situation dans les pays non démocratiques. Y réfléchir ouvertement est le rôle des pays démocratiques. Parallèlement à la préparation de ce panneau, le président chinois effectuait sa visite en République tchèque et il s’est donc produit tout le contraire de ce que ce panneau représente, à savoir le soutien d’un pays non démocratique. »
Václav Havel est donc le visage d’un politique profondément humaniste ou d’un humaniste profondément politique. Elogieuse et appelée à être présentée dans d’autres Centres tchèques à l’étranger, l’exposition témoigne finalement de l’image positive que l’ancien président philosophe a laissée dans la mémoire des Tchèques.