Oiseau 2016 en République tchèque, le rouge-gorge doit rester une espèce courante

Le rouge-gorge, photo: Jiří Sedláček / ČSO

Le rouge-gorge familier sera l’oiseau de l’année 2016 en République tchèque. Le choix a été annoncé récemment par la Société ornithologique tchèque (ČSO). Passereau très populaire et très apprécié des hommes qui compte parmi les quinze oiseaux les plus courants en République tchèque, le rouge-gorge succède à différentes espèces, comme le grèbe à cou noir l’année dernière, menacées de disparition. Le choix pour 2016 pourrait donc surprendre, mais comme nous l’explique François Turrian, vice-directeur de l’Association suisse pour la protection des oiseaux, membre comme la ČSO de l’ONG internationale BirdLife, le rouge-gorge familier n’en reste pas moins un oiseau particulièrement intéressant :

François Turrian | Photo: CanalPlus/YouTube
« Il est bien de choisir comme oiseau de l’année un oiseau que tout le monde peut observer en étant chez soi. En République tchèque comme en Suisse, le rouge-gorge est un oiseau très courant. On le remarque relativement facilement dans les jardins. C’est un oiseau qui porte bien son nom de rouge-gorge familier, car il vient très régulièrement près des habitations. »

Néanmoins, y a-t-il quelque chose que l’on ne sait pas ou que l’on connaît mal du rouge-gorge ?

« C’est un oiseau qui a déjà été bien étudié, car il est très territorial. Mais une de ses particularités est que la femelle chante aussi. En hiver, elle défend elle aussi un territoire par son chant. Les rouges-gorges se battent énormément pour défendre leur petit coin de territoire. C’est souvent un territoire minuscule de quelques buissons ou arbres. Mais le fait que les femelles le fassent aussi est tout-à-fait particulier dans le monde des oiseaux. Et puis, ce qui est intéressant, c’est que même un petit plastron orange comme celui dont il est propriétaire peut suffire pour défendre un territoire. Cette couleur orange est aussi un moyen pour le rouge-gorge de repérer ses semblables. »

En République tchèque, on estime à un million le nombre de couples de rouges-gorges nidifiant chaque année, ce qui donne une population de sept à huit millions d’oiseaux l’été. On sait que cette population varie beaucoup, parce que si les femelles pondent beaucoup d’œufs, il y a ensuite une importante mortalité. Cette population est donc stable, néanmoins y a-t-il des menaces qui pèsent sur le rouge-gorge ?

Le rouge-gorge,  photo: Jiří Sedláček / ČSO
« C’est vrai que c’est une des espèces qui n’est menacée nulle part en Europe. Ils trouvent encore suffisamment d’habitats, mais cela n’empêche qu’il faut quand même prendre garde aux oiseaux courants. L’hirondelle ou l’alouette des champs, par exemple, étaient aussi des oiseaux très courants, mais leurs populations ont fortement diminué dans toute l’Europe en raison des pratiques agricoles, des pesticides ou de la disparition progressive de leurs habitats. Il ne faut donc pas négliger le suivi du rouge-gorge. Il est important d’évaluer régulièrement les populations de ces oiseaux qu’on dit communs justement pour qu’ils restent communs. Le jour où ils ne le seront plus, cela nous alarmera. Le rouge-gorge dispose donc encore de suffisamment d’habitats, mais dans les villes en particulier, on a tendance à supprimer la végétation indigène, à remplacer les arbustes par des arbustes exotiques qui offrent beaucoup moins de nourriture à ces oiseaux. Autrement dit, il faut veiller à maintenir cette biodiversité jusqu’à l’intérieur de nos grandes villes. »

En République tchèque, on évoque le danger que représentent les surfaces vitrées, comme par exemple les abris que l’on trouve aux arrêts de bus ou de tramway…

Photo: Kristýna Maková
« Les rouges-gorges paient effectivement un lourd tribut aux vitres et aux obstacles transparents qui se dressent devant eux et soit reflètent le paysage, soit font croire à l’oiseau qu’il peut traverser un couloir vitré. Donc, oui, toutes ces surfaces vitrées sont la cause d’une mortalité conséquente des petits oiseaux en général. A BirdLife, nous encourageons les propriétaires de vérandas, de maisons ou d’appartements équipés de baies vitrées à placer des motifs sur celles-ci afin de permettre aux oiseaux de repérer les vitres et d’éviter les collisions. »

Pour 2015 en Suisse, vous aviez choisi le moineau domestique comme oiseau de l’année, soit un passereau comme l’est le rouge-gorge. Le moineau est lui aussi un oiseau très courant, même s’il l’est de moins en moins ces dernières années avec le déclin de ses populations. Peut-on donc faire un parallèle entre ces deux choix, celui du moineau et celui du rouge-gorge ?

Le rouge-gorge,  Luis García,  CC BY-SA 3.0 ES
« Oui, le moineau est aussi un oiseau extrêmement visible que tout le monde connaît. D’ailleurs, les gens le considèrent souvent même comme un oiseau un peu nuisible dans le sens où il fait son nid jusque dans les stores et sur les habitations. C’est un oiseau qui, à tort, est parfois mal considéré, alors que, dans toute l’Europe, c’est précisément une de ces espèces que l’on imaginait absolument liées à l’homme et ainsi pratiquement ‘invincibles’ ou dont on n’imaginait pas une baisse des populations. Et puis ce n’est pas le cas… On s’aperçoit que ses populations dans la plupart des pays d’Europe, en tout cas en Europe occidentale, ont diminué de 40% en quelques années. C’est pourquoi il est essentiel de bien suivre ces oiseaux et aussi de les désigner parfois comme oiseaux de l’année pour les mettre en lumière auprès du grand public. »