Prague : derniers tours de piste pour l’Opencard
La municipalité de Prague veut en finir avec l’Opencard, cette carte électronique multiservice utilisée dans les faits presque uniquement comme carte de transport et source de multiples déboires judiciaires depuis sa mise en circulation en 2007. La maire Adriana Krnáčová (ANO) a annoncé ce lundi que le système pourrait être remplacé dès le second semestre de cette année par une nouvelle carte, la carte Lítačka, laquelle ne ravit pourtant ni les conseillers municipaux de l’opposition, ni surtout la société eMoney Services (EMS), laquelle gère actuellement l’Opencard.
Pour la municipalité de Prague, le nouveau système doit évidemment présenter de nombreux avantages. Pour l’utilisateur, il devrait être plus simple d’acquérir le précieux sésame des transports en commun pragois car il sera possible de la demander directement via Internet. Terminée donc l’étape longue et fastidieuse de constitution d’un dossier bien fourni avec le remplissage d’un copieux formulaire auprès de l’administration compétente. Surtout, la municipalité sera bien plus impliquée dans sa gestion. Adriana Krnáčová :
« Ce système est le nôtre, à l’inverse du précédent. Nous pouvons le modifier à tout moment, nous pouvons y intervenir. En fait, nous l’avons élaboré afin que ne se répète pas cette situation où nous sommes dépendants vis-à-vis d’un fournisseur. Tous les fournisseurs, y compris celui du système en tant que tel, peuvent être remplacés. »Des propos qui visent directement la société privée eMoneyServices (EMS), laquelle gère actuellement le système Opencard. L’entreprise, par ailleurs déjà en conflit avec Prague à qui elle réclame plusieurs dizaines de millions de couronnes, reproche à l’administration de Mme Krnáčová de ne pas avoir réalisé d’appel d’offres pour le nouveau système. Par la voix de son porte-parole Martin Opatrný, EMS soupçonne de plus une violation des droits de propriété intellectuelle :
« En bref, Prague a copié certains éléments de l’Opencard, violant ainsi notre savoir-faire qui va être délivré sous le nom de « Lítačka ». A l’heure actuelle, nous ne pouvons en être tout à fait certains mais il est impossible de développer un système aussi important en si peu de temps sans l’avoir copié ailleurs. »C’est la société municipale Operátor ICT qui a été chargée de concevoir la déjà fameuse « Lítačka ». Son directeur, Václav Strnad, estime que le coût de ce système ne devrait pas excéder les dix millions de couronnes (370 000 euros), là où en huit années, la ville de Prague a investi 1,7 milliard de couronnes, quelque 630 millions d’euros, dans le projet Opencard. Il écarte de plus d’un revers de la main les allégations portées par EMS à l’égard du travail de ses équipes :
« Nous n’avions pas l’ambition de copier ce système de carte universelle, de carte multiservice pour les Pragois, car on a vu que cela ne correspondait pas à un besoin, en particulier de la part du public. L’époque a changé. Il y a aussi l’aspect technique : l’Opencard a été conçue il y a dix ans et depuis, la technologie a incroyablement évolué. Cela veut dire que copier ce système, à l’heure actuelle, en l’an 2016, cela reviendrait à vouloir ouvrir un magasin de location de DVD. »Dans les rangs de l’opposition, les conseillers municipaux ODS et TOP 09 accueillent avec scepticisme l’annonce de la maire, lui reprochant d’avoir supervisé ce dossier dans la plus grande confidentialité. Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, une étrange polémique a rapidement enflé à propos du nom du projet. Selon certains, à Prague, il serait impropre d’employer le terme « Lítačka », déjà utilisé ailleurs en Tchéquie pour désigner la carte de transport, mais il faudrait privilégier le mot « tramvajenka ». Des citoyens mécontents ont lancé un site Internet sur la question : le débat est ouvert.