Emotions et déceptions autour de l’accord sur la répartition des réfugiés
Assumer la répartition des réfugiés telle qu’elle a été décidée à Bruxelles s’annonce difficile pour l’ensemble de la scène politique locale. Quelques détails à ce sujet tirés dans la presse. Cette semaine, celle-ci a été alimentée, aussi, par les circonstances et les conséquences d’un acte de provocation d’un groupe d’artistes qui ont placé sur le toit du Château de Prague un caleçon rouge géant. Des volontaires tchèques ont suivi l’exemple d’activistes danois en diffusant des nouvelles positives. Une mission difficile qui a également trouvé écho dans la presse. Le regard d’un historien enfin sur certains mythes liés au passé.
« Prague n’aura probablement pas de problèmes techniques pour accueillir des migrants et, compte tenue de l’aide financière promise par Bruxelles, le pays ne portera pas un lourd fardeau économique. Toutefois, cet accord a provoqué en Tchéquie des réactions houleuses et désapprobatrices tant au sein de la coalition gouvernementale que dans le camp de l’opposition. »
Luboš Palata constate en outre que les relations entre Berlin et Prague ont subi le coup le plus dur depuis le début des années 1990, car la question des quotas aurait démontré « la différence de principe entre les élites politiques tchèques et allemandes ». Dans un autre texte publié dans le quotidien Mladá fronta Dnes, Martin Biben confirme que l’accueil de quelques milliers de réfugiés ne causerait pas à la Tchéquie de grandes difficultés. Ce qui sera, paradoxalement, plus difficile, ce sera de les persuader de demander l’asile en République tchèque. Et de citer Martin Rozumek, directeur de l’organisation pour l’aide aux réfugiés, qui déclare :
« Ce qu’il faut, c’est que la Tchéquie fasse preuve de son ouverture. Il faut cesser d’intimider les réfugiés, de les détenir dans des camps et leur dire que tandis que l’Allemagne est désormais en manque de places, la Tchéquie est à même de leur offrir un programme clair, du travail, des écoles, un système sanitaire satisfaisant ».
Un caleçon rouge au Château – une provocation pas comme les autres
« Une société démocratique doit supporter la provocation ». C’est ce qu’estime Jan Wintr, expert en droit constitutionnel interrogé par le quotidien Právo, en rapport avec le caleçon rouge géant qui a été hissé, samedi dernier, sur le Château de Prague en lieu et place de l’étendard présidentiel, en signe de protestation contre le chef de l’Etat. Au sujet de cet acte qui a été réalisé par des membres du groupe artistique Ztohoven et qui ne cesse de soulever, depuis, une avalanche de réactions sur internet, il a entre autres dit:« Pour moi, il s’agit d’une provocation artistique, de l’expression d’une forte position politique et c’est une chose qu’une société démocratique et libre est appelée à accepter. Il faut aussi souligner que le code pénal de notre pays ne connaît pas la notion de diffamation ou d’atteinte à l’honneur des symboles d’Etat. Aussi, même si la fonction de président de la République mérite du respect de la dignité, il faut rappeler que l’acte pénal d’atteinte à l’honneur du président a été aboli dans les années 1990. »
Le journal a également publié un entretien avec Karel Randák, ancien chef des services de renseignement, qui considère le fait que plusieurs personnes aient pu grimper, inaperçues, sur le toit du Château de Prague comme un échec grave de tous ceux qui assurent la sécurité de ce haut lieu de l’Etat, siège du président de la République, et qui devraient en assumer la responsabilité.
Diffuser des nouvelles positives
Le monde va de mieux en mieux, le problème c’est qu’il est difficile de le communiquer. Un texte publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt qui se réfère aux données statistiques étayant ce constat et concernant notamment la baisse considérable du taux de pauvreté à l’échelle mondiale au cours des 25 dernières années, indique :« Il y a effectivement beaucoup d’éléments qui montrent que le monde se transforme pour devenir meilleur. Et pourtant, sous l’effet des crises politiques et économiques et des événements dramatiques des dernières années, nous pourrions croire que la situation ne cesse de se dégrader. A en croire les sondages, la majorité de la population du monde occidental est convaincue que la pauvreté, les maladies et le désespoir tourmentent la planète plus que jamais et que l’aide adressée par les pays riches aux pays moins développés n’apporte que le minimum d’effet. »
L’auteur de l’article, Sylvie Lauder, évoque dans ce contexte une initiative d’activistes danois qui ont décidé de faire front à ce négativisme répandu en réunissant les faits et les données sous forme d’un « journal » en vue de montrer que le monde est effectivement devenu un meilleur endroit où vivre. La campagne danoise intitule World’s Best News, qui a revêtu dès lors un caractère de masse, a récemment inspiré une centaine de jeunes volontaires tchèques qui ont rédigé et distribué dans le métro pragois et dans 19 autres villes tchèques 15 000 exemplaires de « journaux positifs ». Au sujet de cette action s’inscrivant dans la campagne La Tchéquie contre la pauvreté, Sylvie Lauder a noté :
« Bien entendu, on ne connaît pas l’effet de cet essai visant à convaincre les Tchèques que l’humanité n’est pas condamnée à l’anéantissement. Les informations réunies sur le terrain révèlent en effet qu’une grande partie des Tchèques croient qu’un rapport positif sur l’état du monde est un drôle de non-sens naïf. Beaucoup de gens vont jusqu’à contester que de bonnes nouvelles puissent exister... Il y a bien sûr lieu de se demander si une telle campagne est à même de servir de contrepoids aux informations présentées dans les médias et à la quantité de problèmes, de crises et de catastrophes. Toutefois, les activistes danois de concert avec les activistes tchèques prétendent que cela vaut la peine d’essayer un pareil équilibre ».
A citer à ce sujet, aussi, les paroles de Michael Žantovský, diplomate et psychologue, pour le site aktualne.cz, qui considère que les Tchèques sont sceptiques et railleurs, en dépit du fait que la Tchéquie soit dans une assez bonne forme et constitue un des pays les plus sûrs au monde. La prolongation de la durée de vie moyenne est, dit-il, un indicateur univoque de l’amélioration de la qualité de la vie.
Une vérité historique contre les mythes
Dans un texte qui a été mis en ligne sur le site lidovky.cz, l’historien Petr Koura dénonce le fait que, souvent, les grandes figures de l’histoire tchèque sont entourées de différents mythes et légendes, même quand il s’agit de l’histoire récente. C’est la femme politique tchécoslovaque, Milada Horáková, l’unique femme à avoir été exécutée après l’arrivée au pouvoir des communistes en 1948, pour des raisons politiques, qui peut servir d’exemple spectaculaire de ce phénomème. Symbole de la lutte active contre le régime communiste, elle est célébrée tout en faisant à la fois l’objet de différents malentendus. Explications de Petr Koura :« Il s’avère que des circonstances concernant la vie de Milada Horáková ne sont pas notoirement connues. Cela se traduit, par exemple, par le fait que les pages internet rédigées par des jeunes qui déclarent leur volonté d’étudier les récits des prisonniers politiques des années 1950, contiennent beaucoup d’erreurs. Mais cette ignorance ne touche pas seulement les gens jeunes et inexpérimentés. Le mythe le plus répandu et le plus souvent réitéré veut que Milada Horáková ait été condamnée pendant la Deuxième Guerre mondiale par la pseudojustice nazie à la peine capitale, tandis qu’en réalité, elle a été condamnée ‘seulement’ à huit ans de prison.»
Une raison de plus pour l’historien Petr Koura de dresser sur le site lidovky.cz une biographie détaillée de Milada Horáková et de constater qu’à ce jour une seule biographie littéraire lui à été consacrée. Et une occasion de rappeler également que le procès de Milada Horáková, à l’issue duquel quatre peines de mort ont été prononcées, a été accompagné d’une campagne de propagande jamais vue auparavant dans l’histoire tchèque moderne et que des points d’interrogations planent toujours sur le lieu où les cendres de cette femme hors du commun, exécutée le 17 juin 1950, ont été déposées.