600 ans depuis la mort de Jan Hus
Si la statue de saint Venceslas, patron des Tchèques, domine la place éponyme à Prague, une autre sculpture monumentale, celle d’un théologien et réformateur religieux devenu l’autre grand héros de l’histoire tchèque, se trouve également au centre de la place de la Vieille ville, l’autre centre névralgique de la capitale. Il y a 600 ans de cela, le 6 juillet 1415, mourait sur le bûcher ce second héros médiéval : Jan Hus, précurseur du protestantisme. Condamné par l’Eglise pour hérésie à une époque où l’Europe, déchirée par les luttes de pouvoir, traversait une grave crise morale et intellectuelle, Jan Hus, un siècle avant un certain Martin Luther resté plus illustre en Europe, prônait déjà la réforme de l’Eglise catholique. A l’occasion de ce 600e anniversaire, Radio Prague vous propose donc une émission spéciale consacrée à Jan Hus, un homme mort pour ses idées et que l’Eglise, d’abord sous un Jean-Paul II proche culturellement des pays tchèques puis aujourd’hui avec le pape François dont le discours sur certains points de discorde n’est pas sans rappeler celui de Jan Hus, a mis près de six siècles à reconnaître…
Personnellement, comment avez-vous vécu cette rencontre à la mi-juin ?
« C’est un pas vers une grande tradition car déjà Jean-Paul II en février de l’année sainte 2000 a fait cette prière de pardon pour toutes les injustices, toutes les persécutions des autres, et après il a fait cela avec Jan Hus. La semaine passée, le Saint-Père était pour la première fois de l’Histoire dans un temple de la Table vaudoise à Turin. Ici aussi, c’était une grande persécution contre cette communauté. Ce sont des signes de réconciliation pour ouvrir des nouvelles portes pour le futur. »
La question qui se pose alors que ce sera bientôt le 600e anniversaire de la mort de Jan Hus est pourquoi il a fallu attendre aussi longtemps pour que l’Eglise catholique fasse évoluer sa position, révise en quelque sorte son jugement sur Jan Hus ?
« Je pense que le fondement de toute cette pensée, c’est le Concile de Vatican II (1962-1965) avec l’ouverture pour l’œcuménisme. Pendant les cinquante ans après le Concile, on a étudié toute les souffrances, toutes les choses qui se sont passées dans l’histoire de l’Eglise. Et pas à pas, nous avons abouti à cette réconciliation. »
Avant cela, quel était le regard que portait l’Eglise sur Jan Hus ?
« On regrette surtout de l’avoir condamné comme un hérétique contre l’Eglise catholique. La persécution de ce temps par l’Eglise et par l’Etat était tout le temps très difficile. Après, Jean-Paul II a communiqué une étude historique pour voir les choses et pourquoi cela a nécessité tant de temps. L’époque où Jan Hus a vécu était très difficile. Nous avions en ce temps trois papes avec des querelles entre ces divers papes. Nous avions aussi la situation du pouvoir ecclésial et du pouvoir de l’Etat. Il faut juger tout cela avec prudence. Cela nécessite du temps, mais je pense que la conclusion de cette étude est très positive. On peut regarder avec de nouveaux yeux l’histoire de Jan Hus et le considérer comme un réformateur dans le mouvement de l’Eglise. »Vous avez évoqué la personne du pape Jean-Paul II et son rôle dans la reconnaissance du statut de réformateur de Jan Hus. Quel rôle également a joué le fait que Jean-Paul II était un Slave, il venait de Pologne, et qu’il comprenait donccertainement mieux les problématiques qui se posaient aux Eglises et aux chrétiens d’Europe centrale ?
« Oui, je pense que Jean-Paul II, comme tout Polonai,s avait une grande connaissance aussi de cette histoire et il connaissait cette personne de Hus. Cela lui tenait à cœur de demander pardon pour toutes les fautes et tous les péchés que l’Eglise a commis dans le passé. Pour lui, c’était un procès important. »Le Pape actuel François, a choisi son nom en référence à saint François d’Assise. Des parallèles peuvent être établis d’une certaine manière justement entre saint François d’Assise et Jan Hus, deux hommes qui ont œuvré pour un retour aux sources de l’Eglise pour suivre le modèle de la pauvreté évangélique. Pourquoi le message de l’un, concrètement saint François d’Assise, a été accepté, tandis que celui de l’autre, Jean Hus a été rejeté ?
« Parce que saint François d’Assise a eu aussi la volonté de retrouver une Eglise pauvre, l’Eglise qu’il y a au centre de l’Evangile. Mais saint François d’Assise n’a eu aucune volonté de nuire à l’Eglise, il était en accord avec l’Eglise comme avec l’Evangile. Aussi, il n’y a pas de rupture entre le mouvement de saint François d’Assise et l’Eglise catholique en son temps. Jan Hus a une autre vision. Jan Hus, c’est un mouvement pour la pauvreté de l’Eglise. C’est un mouvement pour la centralisation de l’Evangile et la vision de l’Eglise était tout à fait autre que chez saint François d’Assise. »