Deux anniversaires à rappeler pour ne pas perdre la mémoire du passé
Deux anniversaires historiques ont été rappelés dans la presse de ces derniers jours : le 27 juin, 65 ans se sont écoulés depuis l’exécution par le régime communiste de Milada Horáková, femme politique démocrate tchèque, et 70 ans depuis la mort de l’ancien président tchécoslovaque, Emil Hácha, devenu injustement un des symboles de la collaboration pendant l’occupation nazie du pays. Nous vous présenterons les grandes lignes des textes qui y ont été consacrés. Un sujet historique, aussi, avec le rappel du sauvetage de centaines d’enfants d’origine juive par sir Nicolas Winton qui est décédé ce mercredi 1er juin à l’âge de 106 ans. Deux ou trois mots d’actualité, enfin, concernant le boom des centres commerciaux en Tchéquie.
« On assiste à des tentatives de réinterpréter le procès de 1950 avec Milada Horáková, monté de toute pièces par les autorités communistes, et à des tendances visant à replacer le verdict brutal prononcé à son égard dans le contexte de l’époque, une façon sinon de le légitimer, à tout le moins de l’expliquer. Or on sait que ce qui peut être expliqué, peut être également compris ».
Daniel Herman rejette avec détermination toute tentative consistant à dépersonnaliser l’histoire de Milada Horáková et d’en faire tout simplement un phénomène ayant accompagné la délimitation des sphères d’influences géopolitiques dans l’Europe centrale de l’après-guerre. Plus loin, il cherche des parallèles entre le destin de cette femme politique et celui du réformateur tchèque Jan Hus, dont on commémore le 6 juillet les 600 ans qui se sont écoulés depuis sa mort sur le bûcher. Il constate :
« Dans ce contexte, il n’est pas déplacé de trouver certaines analogies entre les parcours de Jan Hus et de Milada Horáková, car ils sont demeurés tous les deux fidèles à leurs convictions et à leur conscience. Ils ont vécu en quelque sorte un drame identique, le drame d’un individu qui est confronté à la machinerie du pouvoir. »
Emil Hácha ou le destin tragique d’un homme honnête devenu le symbole de la collaboration
Le dernier supplément Orientace du quotidien Lidové noinvy a publié dans ses pages un texte dans lequel son auteur, l’historien Josef Tomeš, réfléchit au destin tragique d’une autre personnalité tchèque, l’ancien président Emil Hácha, pour lequel 70 ans se sont écoulés depuis sa mort, ce même 27 juin. Rappelons que Hácha, juriste brillant, a été élu en 1938, à l’âge de 66 ans, troisième président tchécoslovaque. Tandis que, dans une situation difficile, sa candidature a été soutenue par l’ensemble du spectre politique, Hácha lui-même n’en voulait pas et a refusé cette fonction avant de l’accepter comme un sacrifice au profit de la nation. A ce sujet, l’auteur a écrit :« Hácha s’est retrouvé à la tête d’un Etat mutilé, menacé de l’intérieur et de l’extérieur, luttant désespéremment pour sa survie. Mais ses efforts ont été vains. Dans la nuit du 14 au 15 mars, Adolf Hitler l’a contraint sous une pression brutale à signer un document légitimant l’occupation allemande des pays tchèques. Le lendemain, le Protectorat de Bohême et de Moravie, dont Hácha allait devenir ‘président d’Etat’, a été proclamé. Hácha, un homme à l’époque vieux et malade, aurait pu démissionner et se retirer, mais dans une situation grave, il n’a pas voulu fuir ses responsabilités, préférant chercher un modus vivendi avec les occupants afin de permettre à la nation tchèque de survivre, en attendant le retour de la liberté ».
Hácha mettait son influence et ses possibilités au profit des interventions en faveur des Tchèques persécutés. Ainsi, il a par exemple réussi à obtenir la libération de près de 1 200 étudiants envoyés dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Ceci dit, au lendemain de la fin de la guerre, le 13 mai 1945, Emil Hácha est arrêté et meurt, quelques semaines plus tard, dans l’hôpital de la prison de Pankrác, à Prague. En ce qui concerne la perception ultérieure de Hácha dans la société tchèque, l’historien Tomeš écrit :
« Une fois mort, Emil Hácha est devenu l’objet d’accusations injustes et d’insultes notamment de la part des gens qui, sous le Protectorat, n’avaient pas fait preuve d’un grand courage. Les résistants quant à eux ont souvent pris sa défense, mais le plus souvent, ils ne pouvaient pas le faire publiquement, en raison du climat prédominant. Cette ostracisme s’est par la suite durablement enraciné dans l’opinion publique, soumise à toute sorte de démagogies, de semi-vérités et de schémas politiquement motivés. Ce n’est qu’après la chute du régime communiste, en 1989, qu’Emil Hácha a pu être jugé à sa juste valeur et son rôle réévalué. Le tout sur la base de travaux d’historiens, de recherches de journalistes, de films documentaires et de programmes télévisés ou radiophoniques ».
Nicholas Winton est devenu en Tchéquie une légende
La presse de ces derniers jours a réservé une grande place au décès de Nicolas Winton, 106 ans, qui a sauvé en 1938 et 1939 la vie de 669 enfants tchécoslovaques d’origine juive, en organisant leur convoi ferroviaire depuis Prague vers Londres. Dans une note publiée sur le site echo24.cz, Martin Weiss a à cette occasion remarqué :« Nicolas Winton a fait partie d’une poignée de personnes qui ont sauvé pendant la Deuxième Guerre mondiale un grand nombre de Juifs. Aucun de ces destins n’a été ordinaire. Oskar Schindler qui est le plus souvent évoqué en rapport avec Winton, était une figure assez problématique. Quant à la fin de Raoul Wallenberg, on sait seulement qu’il a disparu en Union Soviétique et nul ne peut dire ce qu’il est advenu de lui. Le journaliste américain Varian Fry qui a sauvé dans la France vichyste au moins 2 000 Juifs et antifascistes s’est illustré en se concentrant sur des élites de l’avant-garde artistique et scientifique. Mais ils avaient tous un trait en commun : ils ont convaincu les autres par leur détermination de faire aboutir ce qui aurait pu paraître impossible. Nicolas Winton a été, certes, le plus heureux d’entre eux. Vivre jusqu’à l’âge de 106 ans, avec en plus le sentiment d’avoir su relever un défi fatal, signifie avoir vécu une belle vie. »
L’auteur du texte rappelle que durant ces dernières années,Winton est devenu en Tchéquie une véritable légende, grâce à l’initiative et l’engagement d’un petit groupe de personnes qui méritent pour cela de l’estime. Et de conclure :
« Winton a sauvé des Juifs. Nous-mêmes, nous n’avons pas réussi à sauver ceux qu’il n’a pas eu, lui, le temps de sauver. Après la guerre, la plupart des ‘enfants de Nicky’ ne sont pas revenus dans leur pays natal. Après l’arrivée au pouvoir des communistes, en 1948, ceux qui l’ont pourtant fait, ont dû se sauver pour la deuxième fois. Il est curieux de remarquer que fuir la Tchécoslovaquie communiste a été d’une certaine manière plus difficile encore que sous le Protectorat ».
Les centres commerciaux vont quitter la périphérie pour le centre
L’édification des grands centres commerciaux en périphérie des villes, qui ont connu en Tchéquie un grand boom au tournant du millénaire, a considérablement ralenti. C’est ce que constate un texte mis en ligne sur le site aktualne.cz qui signale que désormais, les nouveaux centres commerciaux vont être prioritairement construits au cœur des villes et dans les nœuds de communication, comme les gares ou les stations de métro. Ceux qui se trouvent aux alentours des villes seront ainsi appelés à chercher de nouvelles utilisations. L’auteur de l’article, Lucie Hrdličková, note à ce sujet :« Plusieurs nouveaux projets ambitieux d’édification de petits centres commerciaux sont prévus à Prague, ainsi qu’à l’échelle nationale, en dépit du fait qu’avec le volume de ses superficies commerciales par tête d’habitant, la Tchéquie domine en ce moment l’ensemble des pays de l’Europe centrale. »
L’auteur de l’article remarque que même si le taux de fréquentation des centres commerciaux, à Prague et dans les régions, ne cesse d’augmenter, il est plus difficile que jamais de leur donner un contenu attrayant, face aux exigences croissantes des visiteurs. Proposer une quarantaine de services différents au sein d’un seul centre commercial se présente alors comme un impératif.