La Petite taupe de Zdeněk Miler creuse sa galerie en Chine
Ils étaient mignons, le président tchèque Miloš Zeman et la deuxième vice-première ministre chinoise Liu Yandong, à assister ce mercredi au Château de Prague à l’épisode pilote de la nouvelle série animée de Krtek, la Petite taupe en français. Ces épisodes inédits, dessinés à l’initiative de la chaîne de télévision publique chinoise CCTV et qui font se rencontrer la mascotte la plus appréciée des enfants tchèques et un panda, suscitent toutefois les critiques de ceux qui rappellent que son créateur, Zdeněk Miler, parti en novembre 2011 à l’âge de 90 ans, ne voulait pas que sa Petite taupe lui survive.
Le souci, c’est que le dessinateur et réalisateur Zdeněk Miler, le père de la Petite taupe, avait mainte fois annoncé qu’il n’envisageait pas que sa créature puisse prendre vie entre les mains d’un autre. C’est ce que rappellent régulièrement ses proches depuis la signature du contrat, le compositeur de la musique de la fameuse émission du soir pour enfants Večerníček, Vadim Petrov, ou encore la peintre Elen Thiemlová :
« Monsieur Miler disait vraiment souvent qu’il était lui-même Krtek, que Krtek avait son tempérament et qu’il avait conscience du fait que si quelqu’un d’autre le dessinait, cela ne serait plus Krtek. C’est pourquoi il essayait d’éviter cela. »
Le dernier épisode conçu par Zdeněk Miler date de 2002. A l’époque, le dessinateur avait déjà reçu une offre japonaise pour poursuivre la série. Il avait refusé quand bien même les nouveaux épisodes devaient être créés à Prague. Mais Miler disait déjà ne plus avoir la force de collaborer à un tel travail et ne pas souhaiter que quelqu’un d’autre que lui-même ne s’y attelle.Outre le non-respect des vœux du créateur de la Petite taupe, nombreux sont ceux en République tchèque qui s’inquiètent d’une possible dénaturation de ce symbole national. Déjà l’idée de lui faire rencontrer un panda ne va pas forcément de soi, même si l’épisode pilote s’achève par une chanson au message éloquent : « le plus important, c’est notre amitié ». La bohémiste Barbara Storchová fait quant à elle preuve d’un enthousiasme modéré :
« Il est très probable que cela ne soit plus notre Krteček tchèque et qu’il s’agira plutôt d’une mutation chinoise de Krtek, qui ne préservera certainement pas l’aspect poétique spécifiquement tchèque et l’originalité de l’histoire. De plus, les sorties sur la valeur de ce contrat de l’ordre de 100 millions de couronnes (quelque 3,7 millions d’euros) ne font qu’accentuer le malaise parce qu’il est évident que pour les deux parties, il s’agit avant tout une histoire de gros sous. »
Adepte de la diplomatie économique, le président Zeman, qui a assisté à la signature du contrat par Karolína Milerová, la petite-fille de Zdeněk, espère d’ailleurs que la série animée permettra une intensification des échanges sino-tchèques et favorisera l’implantation d’entreprises tchèques en Chine. Là-bas, il est question d’un public potentiel de 300 à 400 millions de personnes, jeunes et moins jeunes. Si le succès est au rendez-vous, une autre saison pourrait suivre. Dans l’accord passé entre la chaîne CCTV et la société tchèque Little Mole cartoon, il est stipulé que les droits de diffusion concernent les deux pays et les Tchèques auront donc certainement l’occasion de juger sur pièce si les réserves émises étaient bel et bien justifiées.