Tennis : un duel entre le yin et le yang tchèques à Roland-Garros
Tomáš Berdych vs Radek Štěpánek : telle est une des savoureuses affiches que proposera le programme de mercredi des Internationaux de France de tennis. Vainqueurs chacun de leur côté de leur match du premier tour lundi, les deux principaux artisans des succès tchèques en Coupe Davis ces dernières années (victoires en 2012 et 2013, finale en 2009, demi-finales en 2010 et 2014) se retrouveront sur la terre battue de Roland Garros pour un face-à-face qui ne manquera pas de piquant.
Ces mots en forme d’hommage sont ceux d’Arnaud Clément. En septembre dernier, dans les couloirs du stade Philippe Chatrier, peu après la qualification aux dépens de la République tchèque (4-1) pour la finale de la Coupe Davis, le capitaine français n’avait pas caché, au micro de Radio Prague, que le fait de battre Tomáš Berdych et Rádek Štěpánek, dont la série exceptionnelle de onze victoires et deux titres consécutifs dans la compétition venait de s’achever, donnait une saveur supplémentaire et particulière à la victoire de son équipe.
On a parfois entendu dire que le public et les joueurs français n’appréciaient pas spécialement Berdych et Štěpánek. Ce n’est pas totalement faux. En septembre dernier justementencore, une partie des spectateurs avaient sifflé Radek Štěpánek lors du match de double, le soupçonnant de simuler une blessure au dos. De simulation, il n’en était certainement rien, puisque, depuis cette demi-finale malheureuse pour lui, le vétéran tchèque n’a pratiquement plus joué. De retour sur les courts depuis quelques semaines seulement, Radek Štěpánek a toutefois bénéficié du soutien de la majorité des spectateurs qui ont assisté, lundi, sur le court, à son premier tour victorieux en quatre sets contre le Croate Ivan Dodig (5-7, 6-3, 6-4, 6-1). Et à la sortie du modeste court n° 14, c’est une joie mesurée mais profonde que Štěpánek a fait partager aux médias :
« Les gens ont été incroyables de la première à la dernière balle. Ils ont toujours été derrière moi et j’en suis très heureux. En Coupe Davis, je ne sais pas ce qu’ils ont pensé, mais ce que je sais, c’est que j’avais fini le match de double et n’avait pas abandonné uniquement par respect pour les joueurs et le public français. J'étais dans un tel état que j'étais même incapable d'arriver jusqu’à mon lit à l’hôtel, et finalement je suis resté plus de sept mois sans jouer. »
A 36 ans, avec son jeu atypique d’une autre époque, une époque bel et bien révolue, Radek Štěpánek, redescendu à la 129e place mondiale suite à sa blessure, fait un peu (beaucoup) figure de dinosaure sur un circuit professionnel très lisse et pour tout dire parfois ennuyeux. Un profil dont est bien conscient le joueur tchèque, plus inquiet par son état de santé que par la puissance de son coup droit :
« C’était mon premier match en trois sets gagnants depuis mon retour et je ne ressens pas la moindre fatigue ni douleur. Le plus important pour moi à mon âge est d’avoir un corps qui tient le coup. Le reste sur le terrain, je sais comment faire… Je joue différemment des autres aujourd’hui, mais j’ai déjà vécu pas mal de changements dans ma carrière et j’ai toujours su adapter mon jeu au style actuel. »
Contre son compatriote Tomáš Berdych, Štěpánek, c’est sûr, ne s’y prendra pas autrement. Il le sait, s’il veut avoir une chance de battre, voire même seulement de perturber le nouveau n° 4 mondial, il devra prendre tous les risques et mettre de la folie dans un match que les vrais amateurs de tennis ne devraient pas manquer de regarder. Journaliste au quotidien sportif L’Equipe, Vincent Cognet fait partie de ceux-là. En 2010, après l’incroyable et inoubliable victoire de Radek Štěpánek dans le cinquième match décisif de la finale de la Coupe Davis devant un public pragois tout acquis à sa cause, Vincent Cognet nous avait confié pourquoi lui appréciait tant Berdych et surtout ce bon vieux Štěpánek :« C’est la victoire de deux mecs seulement, ce qui est très rare en Coupe Davis. C’est la victoire de deux mecs qui portent leur équipe à bout de bras depuis 2007. Et c’est la victoire de deux joueurs et de deux personnalités totalement différentes. Une collègue espagnole me parlait du yin et du yang, et c’est exactement ça. Autant il y en a un qui est froid et joue un tennis fantastique mais très moderne, c’est Berdych, autant l’autre, au contraire, est plein de passion, de folie, de dinguerie, et joue un tennis suranné, presque obsolète, Štěpánek. C’est la victoire de deux mecs qui se complètent idéalement, aussi bien en simple chacun avec son jeu et sa personnalité, qu’en double où leurs qualités respectives s’associent formidablement. »
Si Berdych et Štěpánek étaient un homme et une femme, ils formeraient donc probablement un couple idéal. Pour autant, ce mercredi à Roland-Garros, ce sont bien deux hommes, qui n’ont d’ailleurs pas toujours filé le parfait amour contrairement à ce que l'on pourrait croire, qui s’affronteront. Et on est franchement impatients de les voir en découdre.